Jurassic Park : Des dinosaures en bande dessinée - Dans la jungle des comics
Article Produits Dérivés du Jeudi 24 Janvier 2019

Au cours du dernier quart de siècle, la licence Jurassic Park s’est par deux fois invitée dans les cases de bandes dessinées. Ou peut-être devrions-nous dire qu’elle s’y est empêtrée, les comics n’ayant guère brillé par leurs qualités artistiques ou narratives. Ces récits n’ont ainsi pas été retenus dans la mythologie de cet univers. Levons brièvement le voile sur cette page obscure de l’histoire de la franchise…

Par Pierre-Eric Salard

Dès la sortie de Jurassic Park, en juin 1993, la maison d’édition Topps Comics publie une adaptation du film sous forme de bande dessinée. Depuis plusieurs décennies, la société Topps Company produisait des cartes à collectionner, mais il faut attendre 1993 pour qu’elle se lance dans l’édition de comics. Une diversification qui durera cinq années. Outre «The X-Files», Zorro ou encore Mars Attacks, Jurassic Park est ainsi l’une des premières licences que se procure la nouvelle division. Les quatre numéros de cette adaptation, qui sera publiée peu après sous forme d’album en France par les éditions Tournon-Egmont, sont écrits par le légendaire scénariste Walter Simonson (les comics Thor, Star Wars, Alien : le huitième passager) et dessinés par Gil Kane et George Perez. Topps ne reniant évidemment pas son activité principale, l’une des rééditions de ce comic book contenait trois cartes à collectionner. Une autre proposait deux courts récits sous forme de préquelles à l’intrigue du film. La première, Genesis, racontait le premier séjour de l’avocat Donald Gennaro à Jurassic Park, plusieurs années avant les événements du long-métrage de Steven Spielberg. Le représentant des actionnaires s’y inquiète de l’avancement des travaux : le parc sera-t-il terminé dans les délais impartis ? John Hammond tente de le rassurer en lui faisant visiter le centre des visiteurs, en cours de construction. Les deux hommes assistent ensuite, en compagnie du Docteur Wu, à la naissance du Tyrannosaure qui sèmera bientôt la destruction. Gennaro se montre cependant peu impressionné par ce miracle de la science. Le second récit, Betrayal, explique pourquoi Dennis Nedry trahira John Hammond et InGen dans le film. Alors que l’informaticien, tout juste recruté, croit que le parc d’attractions sera doté d’animatroniques ultra-perfectionnés, John Hammond l’emmène l’informaticien découvrir l’enclos des tricératops afin de lui faire admettre que les dinosaures sont bel et bien vivants. Stupéfait, Nedry se rend compte que le parc engendrera un chiffre d’affaires faramineux. Il réclame alors une augmentation, immédiatement refusée par le fondateur d’InGen. Quelques semaines plus tard, il décide de voler des embryons de dinosaures afin de les vendre à une société concurrente. Il contacte Lewis Dodgson, de Biosyn, afin de négocier leur prix – mettant ainsi en branle les événements qui aboutiront à l’incident tragique du film.

À la poursuite des raptors

À la fin de l’année 1993, Topps Comics poursuit la publication de comics en Jurassic Park en proposant une aventure inédite, qui fait suite aux événements du long-métrage. «Nous nous sommes lancés dans cette aventure bien avant la production des suites cinématographiques», explique Steven Englehart, auteur d’une majorité des comics qui seront publiés ultérieurement par Topps, sur son site personnel. «Habituellement, je déteste les adaptations d’autres médias en bande dessinée», ajoute-t-il. «Si vous voulez écrire, disons, sur Buffy contre les vampires, écrivez pour la série télévisée. Mais dans le cas de Jurassic Park, je disposais d’une liberté totale». Le scénariste remarque par ailleurs que l’intrigue de Jurassic Park 3 (2001) possède des points communs avec le récit délivré par les comics Topps. «Peut-être que cela prouve que les grands esprits se rencontrent», s’amuse-t-il. Ces histoires ne seront jamais publiées en France. Celle des deux numéros de Jurassic Park : Raptor, illustré par Armando Gil et Dell Barras, débute trois jours après la fuite en hélicoptère qui conclut le film. Alors qu’Ian Malcolm se remet de ses blessures à l’hôpital, Alan Grant et Ellie Sattler sont priés d’apporter leur expertise pour conseiller les opérations de nettoyage menées par l’armée américaine – qui a pris possession d’Isla Nublar. Le couple finit par partir à la recherche du nid des vélociraptors, à l’ouest de l’île. Ils y feront la rencontre d’un mystérieux chasseur, avant d’être pris en otage. L’homme les embarque ensuite dans un avion, en compagnie d’une meute de raptors capturés. Une situation qui tourne évidemment au drame. Jurassic Park : Raptor ne brille ni par une intrigue médiocre ni par des dessins relativement hideux. Ce qui n’empêchera pas cette minisérie d’obtenir un certain succès, et donc une suite directe. Notons que trois cartes à collectionner seront offertes, toutes illustrées par des dessins conceptuels réalisés par William Stout pour la série d’animation qui fut abandonnée quelques mois plus tôt. L’histoire se poursuit au printemps 1994 avec un nouveau premier numéro, Jurassic Park : Raptors Attack. Selon Steven Englehart, les numéros #1 se vendant particulièrement bien, il était plus intéressant, commercialement, de découper l’histoire en plusieurs miniséries. Cette fois-ci, Raptors Attack s’épanouit sur quatre numéros. Suite au crash de l’avion transportant les raptors en Colombie, Ellie Sattler et Alan Grant sont capturés par un baron de la drogue… qui ne souhaite rien de moins que de dresser les dinosaures ! Au cours de leur captivité, une certaine affinité – un respect mutuel ? — se développe entre les raptors et le couple de paléontologues. En parallèle, Ian Malcolm et le garde-chasse Robert Muldoon, qui a finalement échappé à la mort, partent à la recherche de leurs nouveaux amis. Au cours de l’histoire, les dinosaures saccageront successivement une ville et une tribu indigène (qui, les prenant pour des divinités, les avait précédemment soignés). Finalement, Malcolm parviendra à retrouver Grant et Sattler, et deux raptors seront abattus. Le récit continue, fin 1994, dans Jurassic Park : Raptors Hijack. Ellie Sattler se fait enlever par un gorille avant d’être sauvée par les raptors, avec lesquels une étrange scientifique parvient à communiquer. Or il s’avère que les deux créatures, femelles, sont enceintes ! Pendant ce temps, John Hammond et l’équipe de son concurrent Biosyn, qui cherche à récupérer les raptors pour les emmener dans son propre parc, se livrent une guerre ouverte. Biosyn parvient à les capturer, mais une fois que les œufs sont éclos, les dinosaures s’échappent dans la jungle. Ainsi se conclut la saga littéraire des littéraires – dont le concept d’intelligence supérieure sera fortuitement reproduit dans Jurassic Park 3 — en bande dessinée.

Baroud d’honneur

En mai 1995, Topps publie Jurassic Park Annual, un numéro qui contient deux histoires distinctes. La première est une préquelle, puisqu’elle illustre la visite du Jurassic Park par un investisseur chinois. Un séjour qui lui réserve évidemment quelques surprises. Le second récit, Death Lizards, raconte l’arrivée de dilophosaures sur les côtes du Costa Rica, après les événements du film. Ils y provoquent évidemment un carnage, avant que des motards ne s’interposent. D’avril 1995 à février 1996, les neufs numéros de Return to Jurassic Park (dont seuls les quatre premiers sont écrits par Steve Englehart, Tom et Mary Bierbaum prenant ensuite le relais) flirtent avec le fantastique. Suite à la découverte d’un soldat américain au bord de la noyade et divagant à propos d’une « flamme verte », John Hammond demande à Alan Grant, Ellie Sattler et Robert Muldoon de retourner (encore) sur l’île afin de mener l’enquête. Poursuivis par l’armée et un dinosaure affamé, ils s’y allient avec une équipe de Biosyn poursuivant le même objectif. Ils seront par la suite pris (encore) en chasse par le tyrannosaure, avant d’être capturés et emprisonnés dans une base militaire américaine – en réalité, dirigée par des mercenaires. Les survivants parviennent enfin à fuir dans un sous-marin. Ultérieurement, deux anciens savants d’InGen découvrent qu’un scientifique cherche à mettre au point des dinosaures dotés d’une intelligence peu commune. S’ensuivront des mésaventures aussi peu excitantes que redondantes. Le mystère de la flamme verte ne sera d’ailleurs jamais résolu, Topps abandonnant la publication de cette série au neuvième numéro (qui offrait la vedette à Robert Muldoon). La maison d’édition réalise en 1997 son baroud d’honneur en publiant l’adaptation du Monde perdu, scénarisée par Don McGregor. Cette version, qui contient les scènes du film coupées au montage, sera traduite en France par les éditions Mirages et Légendes. Plus excitante en théorie que (littéralement) sur le papier, la série de comic books de Topps tombera peu ou prou dans l’oubli. Elle sera toutefois republiée par IDW, qui prend le relais à partir de juin 2010.

Les promesses de l’avenir

Maintes fois promis depuis 2001, Jurassic Park 4 n’est alors qu’une chimère. Suite à la signature d’un contrat avec Universal Pictures, IDW Publishing dispose donc d’une relative liberté scénaristique. La première minisérie, Jurassic Park : Redemption, compte cinq numéros. Elle est écrite par Bob Schreck, ancien responsable éditorial chez Dark Horse Comics, et dessinée par Nate Van Dyke. «L’histoire se déroule treize ans après les événements du premier film», expliquait Bob Schreck sur IGN. «Les petits-enfants de John Hammond ont grandi. Ils doivent désormais gérer les conséquences de ce qui s’est passé sur les îles». L’auteur, également éditeur pour IDW, déclarait qu’Universal lui avait imposé très peu de restrictions quant aux directions que pouvait prendre le récit. Après le décès de John Hammond, Lex et Tim Murphy adoptent ainsi des points de vue opposés. Si l’une souhaite maintenant un blocus autour d’Isla Nublar et Isla Sorna, son frère cherche avant tout à réaliser le rêve de son grand-père : ouvrir enfin Jurassic Park. Il s’associe secrètement avec le Docteur Wu pour cloner des dinosaures herbivores… au Texas. L’un d’entre eux va évidemment s’échapper. Or il s’agit d’un carnivore ! Trahi par son collaborateur, Tim assiste aux dégâts qu’il a involontairement causés, les dinosaures finissant par envahir une petite ville américaine avant de s’attaquer à une centrale nucléaire. Il recevra finalement l’aide de Lex, Alan Grant et Ellie Sattler. Début 2011, IDW distribue une seconde série, Devils in the Desert, qui se concentre sur les dégâts causés en Californie par les ptérodactyles qui se sont échappés durant les événements de Jurassic Park 3. Un shérif et des paléontologues, parfois secondés par des agents d’InGen, tenteront de mener l’enquête afin de circonscrire la menace. Malheureusement jamais publié en France, Devils in the Desert, écrit et illustré par John Byrne, s’avère être l’un des comics les plus réussis. À l’automne 2011, IDW propose une troisième série, Jurassic Park : Dangerous Games. Après avoir infiltré un cartel de trafiquants au Nicaragua, un agent de la CIA découvre qu’Isla Nublar est devenu le repère d’un baron de la drogue. Une fois sa véritable identité découverte, il prend la fuite dans la jungle de l’île. Il pourra cependant compter sur l’aide salutaire d’une ancienne scientifique d’InGen, qui y a élu domicile depuis 1993. Entre-temps, ladite Frances a même réussi à apprivoiser une meute de vélociraptors ! Sans surprise, cette série ne séduira pas suffisamment les lecteurs pour initier une suite. Échaudé, IDW Publishing abandonne la franchise plusieurs années, avant d’annoncer en juillet 2016 la publication, dès l’année suivante, d’une nouvelle série de comics basée sur Jurassic World et Fallen Kingdom. En cet hiver 2019, elle n’est – à notre connaissance - toujours pas disponible aux États-Unis. Fera-t-elle le lien entre les deux films, ou racontera-t-elle des aventures inédites ? Quoi qu’il en soit, les dinosaures sont attendus de pied ferme par des lecteurs qui, pour l’instant, n’ont pas été particulièrement bien servis... Bookmark and Share


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