Retour sur SPIDER-MAN : NEW GENERATION - Entretien avec Phil Lord & Chris Miller, les nouveaux patrons de l’univers TV de Marvel chez Sony
Article Animation du Lundi 08 Juillet 2019

Par Pascal Pinteau

Un nouveau visage pour l’homme-araignée

Quand les studios Sony ont annoncé qu’ils allaient transposer les aventures de Spider-Man en un long métrage d’animation, la nouvelle a été accueillie avec une certaine méfiance. N’allait-il pas s’agir de la déclinaison de trop, après les deux reboots récents vus au cinéma ? Fort heureusement, SPIDER-MAN : NEW GENERATION a réussi à prouver son originalité dès la révélation de ses premières images, et après une excellente carrière en salles, a même obtenu l’Oscar 2019 du meilleur film d’animation. Récompense amplement méritée, car ce long métrage drôle, dynamique et émouvant regorge de trouvailles graphiques épatantes.

A l’origine du projet se trouvent les auteurs / producteurs de LA GRANDE AVENTURE LEGO, Phil Lord et Chris Miller, qui viennent de signer un contrat de collaboration de 5 ans avec Sony, portant notamment sur la supervision d’un nouvel univers télévisuel Marvel, mais aussi sur des sitcoms, des séries dramatiques, et des séries animées. Rappelons que même si Spider-Man apparaît désormais dans des films co-produits par les studios Marvel et par Sony, Sony détient toujours les droits d’adaptation cinématographique de Spider-Man et de ses amis & ennemis, ainsi que ceux de Venom, Morbius, Black Cat, Silver Sable, et de tous les personnages présents dans SPIDER-MAN : NEW GENERATION. Lord et Miller ont déclaré dans un communiqué commun : « Nous sommes extrêmement reconnaissant à toute l’équipe de Sony Picture Télévision de nous avoir choisi pour partenaires et de nous permettre de développer davantage notre longue relation avec le studio. Notre but commun sera de créer des contenus innovants, intègres et de la plus haute qualité et de les rendre accessible à vos yeux et vos oreilles, où que vous vous trouviez. »

Retour sur un Spider-Oscar

Pour ceux qui s’apprêtent à le découvrir en DVD ou en Blu-Ray, rappelons que ce n’est pas à une aventure de Spider-Man « comme les autres » que nous sommes conviés cette fois. L’intrigue nous entraîne en effet dans un univers alternatif proche du nôtre, mais différent par bien des aspects. Et ce voyage est d’autant plus intéressant que c’est l’adolescent afro-latino-américain Miles Morales qui est le héros principal de ce récit, tandis que Peter Parker y tient un rôle secondaire. Dans l’entretien qui suit, Phil Lord & Chris Miller nous parlent de leur décision audacieuse de transposer dans SPIDER-MAN : NEW GENERATION des comics plus récents, rompant avec les adaptations « classiques » présentées au cinéma depuis 2002.



Entretien avec Phil Lord et Chris Miller

Depuis l’énorme succès de LA GRANDE AVENTURE LEGO, parodie au ton bien plus acide et adulte qu’on aurait pu l’imaginer dans un film initialement perçu comme une publicité pour les célèbres briques, le tandem de scénaristes et producteurs Lord & Miller a traversé l’épreuve de la réalisation non aboutie de SOLO, A STAR WARS STORY et de son remplacement par Ron Howard, pour cause de « différences de points de vue artistiques » avec Lucasfilm et surtout avec Lawrence et Jonathan Kasdan, outrés de voir leur script remanié pendant le tournage par les deux complices. Lord & Miller se sont consacrés immédiatement après à SPIDER-MAN : NEW GENERATION, en ayant cette fois-ci toute liberté de mener le projet à bien comme ils l’entendaient. On sait ce qu’il est advenu ensuite de SOLO lorsque le film a été privé de leur approche originale, décalée et humoristique, tandis que SPIDER-MAN : NEW GENERATION a surpassé toutes les attentes de résultats et d’accueil critique et publique. La Force était clairement de leur côté…

Les fans de Spider-Man sont nombreux et très exigeants. Avez-vous senti, pour paraphraser le célèbre adage de la saga, qu’avec vos grands pouvoirs de scénaristes & producteurs, vous aviez aussi de grandes responsabilités vis-à-vis du personnage ?

Chris Miller : Oui, mais nous avons été vite rassurés par les réactions très positives qui ont suivi la présentation des premières images du film au Comic-Con de San Diego. Le public était bienveillant mais nous savions aussi que si cette foule de 5000 fans n’avait pas apprécié cette avant-première, elle se serait retournée contre nous en une minute !

Phil Lord : C’est la raison pour laquelle nous avions prévu encore plus de gardes du corps que d’habitude, juste au cas où ! (rires)

Chris Miller : Quand nous avons projeté ce montage de 35 minutes d’extraits du film aux fans, ils se sont rendu compte que ce projet avait été conçu de manière sincère, et que toute notre équipe aimait vraiment les comics de Spider-Man.

Choisir Miles Moralès comme personnage principal vous a permis de partir sur de nouvelles bases…

Phil Lord : La magie de Spider-Man, c’est que n’importe qui peut se cacher sous son masque. Et la raison pour laquelle nous avons été séduits par Miles Moralès vient du travail du scénariste Brian Michael Bendis, qui l’a inventé dans les comics, et qui a imaginé toute une série de nouveaux personnages vivant non pas à Manhattan, mais dans le quartier de Brooklyn. Contrairement à Peter Parker, Miles est plus jeune, et il a toujours ses parents auprès de lui. C’était une belle opportunité de revisiter l’histoire classique de Spider-Man, mais en la racontant à partir d’un point de vue différent.

Chris Miller : Je voudrais préciser que l’araignée qui mord Miles n’est pas du même type que celle qui avait mordu Peter. Par conséquent, Miles possède tous les pouvoirs habituels de Spider-Man – s’accrocher aux murs, disposer d’une force surhumaine, projeter de la toile, etc – mais il peut aussi utiliser ce que nous appelons « la décharge électrique de Venom ». Il s’agit d’éclairs qui jaillissent de ses mains. Il est également doté d’une capacité de camouflage qui le rend pratiquement invisible. Nous nous sommes emparés de ces nouveaux pouvoirs pour imaginer des scènes et des situation inédites.

Miles et Peter ne sont pas les seuls à porter le masque dans cette aventure…

Chris Miller : Non, il y a aussi Gwen Stacy /Spider-Woman et d’autres personnages très surprenants issus d’univers parallèles différents. On se rend compte que n’importe quel humain peut se cacher derrière ce masque, même un cochon ! (rires) En tant que fan de Spider-Man, cela m’aide à me projeter, à imaginer que je deviens l’une des incarnations de ce justicier, et que ma personnalité et mes particularités pourraient devenir aussi des sortes de super-pouvoirs.

Phil Lord : Dans les bandes dessinées, Spider-Man se bat pour franchir des obstacles apparemment insurmontables. Il cherche à s’élever dans la société afin d’y trouver sa place. Il est isolé, parfois ostracisé, et l’une des raisons de la popularité du personnage auprès des lecteurs vient du fait que tout cela correspond exactement aux craintes que chacun éprouve pendant l’enfance et l’adolescence. Les figures tutélaires qui vous faisaient peur à ce moment-là - comme le père de votre petite amie, ou votre professeur le plus sévère - y sont transformés en monstres géants ! Cela résonne en nous, car nous avons tous été contraints d’affronter ces angoisses pendant notre jeunesse, sans savoir si nous allions parvenir à nous en affranchir.



Comment vous êtes-vous emparés de la notion de multivers ?

Phil Lord : En tant que cinéastes, cela signifiait que nous allions avoir le privilège de pouvoir faire surgir des incarnations de Spider-Man de ces univers parallèles dès que nous en avions besoin pour propulser notre récit. Nous voulions d’abord prendre le temps de bien construire le personnage de Miles Moralès, puis d’introduire progressivement les autres Spider-Man dans le récit, au second plan. De cette manière, tout comme Miles qui voit son univers de justicier prendre de plus en plus d’ampleur dans son monde, le spectateur découvre que le multivers Spider-Man est encore plus vaste que ce qu’il avait imaginé.

Chris Miller : Si Gwen est encore une jeune fille au moment où ces événements se déroulent, elle agit en tant que Spider-Woman depuis quelques années déjà et peut donc faire bénéficier Miles de son expérience. Et comme elle n’a pas sa langue dans sa poche, ses réparties sont drôles et cinglantes. Nous faisons apparaître aussi « Spider-Man Noir », qui est une version du personnage qui fait référence aux détectives des films policiers en noir et blanc des années 30. Penny Parker dispose d’un robot en forme d’araignée qui s’appelle S.P.I.D.R., que son père Peter a fabriqué, et avec lequel elle communique télépathiquement.

Phil Lord : Plus l’on découvre de nouveaux personnages issus des mondes parallèles du « Spidervers », plus cela devient étrange ! Mais la palme du personnage des comics le plus délirant que nous avons découvert en faisant des recherches pour ce film est Spider-Ham (Ham = jambon en anglais) qui était à l’origine une araignée intelligente, mais qui a été mordue par un cochon radioactif ! Et il a fallu se débrouiller pour raconter l’histoire de ses origines en cinq secondes dans le film ! (rires)

Comment avez-vous lié tous ces personnages, toutes ces incarnations aussi différentes de Spider-Man ?

Phil Lord : Nous nous sommes servis de leurs points communs. Ils sont tous des êtres solitaires, qui n’ont pas encore réussi à s’intégrer à un groupe, à une tribu. Ils sont donc heureux de se trouver, de former une sorte de famille, et c’est l’un des éléments narratifs les plus puissants du film. On n’a encore jamais vu cela auparavant dans la saga cinématographique de Spider-Man.

Le style graphique du film est très original. On y retrouve de nombreux codes visuels issus de la bande dessinée, comme les lignes tracées sur les visages et les corps des personnages…

Chris Miller : Oui, je crois que cette approche est toute nouvelle et ne ressemble en rien au style des autres films d’animation réalisés en images de synthèse que l’on a pu voir auparavant. Nos designers et notre équipe de Sony Imageworks ont repoussé les limites techniques de la 3D pour faire en sorte que chaque image soit traitée comme une belle illustration peinte tout droit sortie d’une planche de bande dessinée. En découvrant le film, je crois que les spectateurs ressentent la passion que tous nos artistes ont investi dans leur travail. Bookmark and Share


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