TOY STORY 4 : Des jouets toujours aussi magiques ! Entretien avec Jonas Rivera, producteur – 1ère partie
Article Animation du Mercredi 26 Juin 2019

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Eh non, contre toute attente, TOY STORY 4 n’est pas la suite de trop, mais un véritable petit miracle jubilatoire et poignant. Rares sont les sagas cinématographiques qui peuvent se targuer de n’avoir connu que des réussites, et celle-ci en fait partie. ESI a rencontré le producteur de ce nouvel opus incontournable qui va illuminer votre été !

On aurait pu croire l’histoire achevée quand à la fin de TOY STORY 3 , Andy devenu grand donnait ses jouets à la petite Bonnie avant de partir à l’université. Erreur : les scénaristes de Pixar ont imaginé de nouveaux enjeux passionnants pour nous donner envie d’en voir plus. La timide Bonnie découvre avec crainte l’école maternelle et se rassure en fabriquant un jouet avec une cuillère en plastique, créature chimérique qui prend alors vie, et dont Woody va devoir s’occuper…Buzz, lui, va être égaré au cours d’un voyage familial en Camping Car, et se retrouver parmi les peluches d’un stand de fête foraine…Il ne s’agit là que d’un petit aperçu des trouvailles du film, dont nous avons évoqué la création avec Jonas Rivera.

Pouvez-vous nous parler de vos débuts chez Pixar, de vos premières impressions à votre arrivée, et de ce que représente pour vous votre travail de producteur de TOY STORY 4 ?

J’ai eu la chance d’obtenir un stage chez Pixar en novembre 1994, soit presque exactement un an avant que le premier TOY STORY ne sorte en salles. J’étais un jeune homme de 23 ans qui arrivait dans une société toute jeune elle aussi, pour aider les gens dans leurs tâches respectives. Je connaissais certains des courts-métrages de Pixar, mais je n’avais pas encore entendu parler du projet TOY STORY. Comme j’étais un grand fan de l’animation traditionnelle dessinée à la main, je ne m’étais pas encore vraiment intéressé aux images de synthèse. Et il se trouve que j’ai eu l’occasion de voir une projection de la toute première séquence entière de TOY STORY qui venait d’être produite : il s’agissait de la scène où l’on découvre les petits soldats verts en action et où Buzz arrive dans ce monde. Je n’oublierai jamais ce moment aussi longtemps que je vivrai. Vous pouvez imaginer ce que j’ai ressenti en voyant ces images, le choc que cela a été…

C’était sans doute aussi fort que de voir STAR WARS ou JURASSIC PARK pour la première fois…

Exactement. J’étais sidéré ! J’ai pensé : ‘Les gens vont-ils comprendre ce qu’ils voient ? Ils vont certainement se demander si c’est la réalité, ou si ce sont des images dessinées d’une toute nouvelle manière…’ J’étais ébahi, chamboulé, mais je suis immédiatement tombé amoureux de cette nouvelle forme d’animation. Et en comprenant ainsi à quel point Pixar allait devenir un studio extraordinaire, j’ai fait tout ce que je pouvais pour m’accrocher et rester employé là ! J’ai travaillé de mon mieux et j’ai eu la chance que cela marche. Comme j’étais assistant dans le bureau de production, que j’apportais les plateaux repas, les cafés et que je nettoyais le sol, je saisissais toutes les opportunités d’apprendre et d’aider. Et comme je n’ai plus jamais quitté Pixar ensuite, je considère que TOY STORY fait partie de ma vie personnelle, et que ce n’est pas seulement un travail. Depuis cette époque, ces personnages comptent énormément pour moi. Je leur suis profondément attaché. J’ai pu travailler un peu sur le deuxième TOY STORY, et par la suite, j’ai dirigé plusieurs départements pendant la production de MONSTRES ET CIE et CARS, puis je suis devenu le producteur de LA-HAUT et de VICE-VERSA. Quand on m’a confié la tâche de produire TOY STORY 4, j’ai eu le sentiment que j’allais boucler la boucle de toutes ces années passées chez Pixar. De ce fait, quand j’arrive au studio le matin, j’ai le sentiment d’avoir la responsabilité de veiller à ce que le film soit le meilleur possible, qu’il puisse exister et divertir par lui-même indépendamment des épisodes précédents, et que le public puisse découvrir un nouveau chapitre digne de cette saga.

Avant la sortie des premiers courts-métrages de Pixar comme LUXO JUNIOR en 1986 et du premier TOY STORY en 1995, les images de synthèse que l’on voyait étaient essentiellement créées par des techniciens, des concepteurs de logiciels experts en 3D. Pendant les années 80, l’animation des personnages 3D était très rudimentaire : ils bougeaient presque de manière « hydraulique », comme des machines. Pendant longtemps s’est répandue l’idée que jamais l’animation 3D ne parviendrait à égaler l’expressivité et l’impact émotionnel de l’animation traditionnelle dessinée à la main. Et je me souviens très bien qu’en voyant pour la première fois TOY STORY en salles, je ne suis dit : ‘Bon sang, ça y est ! Ils y sont arrivés.’

C’est formidable de vous entendre raconter cela. Merci ! Vous savez, même à cette époque des débuts de Pixar, aux côtés de nos experts en images de synthèse et de nos spécialistes de la conception d’ordinateurs, il y avait des auteurs et des réalisateurs issus de l’animation traditionnelle dessinée à la main, comme Pete Docter, par exemple, qui est animateur. Et ils avaient tous envie d’atteindre le niveau de fluidité, de souplesse et d’expressivité des personnages des longs métrages de Disney. Cela a été d’emblée notre but. Il ne fallait surtout pas que l’on ait une impression de froideur technologique en voyant nos films, mais que l’on ressente la chaleur et les émotions de nos personnages. Le mentor de Pete Docter était Joe Grant, qui a dirigé le département des scénarii chez Disney et co-écrit DUMBO. Nous lui avions dédié le film LA-HAUT. Ces liens ont été important dans l’histoire de Pixar, car il s’agissait de relations directes entre les vétérans de Disney et la nouvelle génération d’artistes de la petite équipe de Pixar.

Je crois que ce qui est plus important que tout au cinéma, c’est la sincérité. Et après avoir vu les 30 minutes d’extraits que vous nous avez présentées, il me semble évident que toute l’équipe de TOY STORY 4 a conçu et fabriqué le film avec une sincérité totale. On ressent la joie communicative que vous avez tous eu en continuant de narrer l’histoire de ces personnages.

Je vous remercie infiniment de dire cela. Cela représente bien plus pour moi que vous ne pourriez l’imaginer parce que j’ai toujours adoré le cinéma, et que comme vous, j’étais très sensible à la passion que les cinéastes exprimaient dans leurs films. C’était pareil pour mes musiciens et groupes de rock préférés : je ressentais leur sincérité, quel que soit le succès commercial ou la popularité de leurs chansons. Ils « vivaient » leur musique, et j’appréciais cela plus que tout. C’est ainsi que nous travaillons sur nos films, en nous impliquant totalement, passionnément. C’est une sorte de philosophie implicite qui nous réunit, cet engagement et l’envie de faire le film presque égoïstement, pour nous, en espérant qu’il vous plaira aussi ! (rires)

C’est la meilleure manière de procéder dans toutes les formes de créations, me semble-t-il…

Je le crois aussi.

Lire la suite de cet entretien sera un jeu d’enfant : il paraîtra bientôt sur ESI. Cet article est paru initialement dans GEEK MAGAZINE, le trimestriel du meilleur de la Pop Culture ! Bookmark and Share


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