LA REINE DES NEIGES 2 : Entretien exclusif avec Peter Del Vecho, producteur – 2ème partie
Article Animation du Mardi 26 Novembre 2019

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

En tant que producteur, quelles sont les choses les plus utiles que vous avez apprises pendant le développement du film original ? Et comment les avez-vous utilisées pour obtenir de meilleurs résultats dans LA REINE DES NEIGES 2 ?

J’ai appris que l’une des choses les plus importantes consiste à réunir l’équipe qui collaborera le mieux pendant le développement et la mise au point de la narration de l’histoire. Avant, j’avais tendance à croire que la qualité de l’idée de base passait avant tout le reste. Mais avec une très bonne équipe, qui s’entend bien, une bonne idée devient bien meilleure, et une mauvaise suggestion de départ peut se transformer en une excellente scène. A l’inverse, vous pouvez réunir de grands talents, mais s’ils ne s’entendent pas bien, un concept formidable peut donner naissance à un film très moyen. L’équipe créative de LA REINE DES NEIGES avait travaillé en si bonne harmonie que j’ai dit que je n’accepterais de produire LA REINE DES NEIGES 2 que si nous reconstituions exactement le même groupe artistique. Et c’est ce qui s’est produit.

Pouvez-vous nous parler de la manière dont vous avez conçu les grandes séquences musicales du film ?

Après le succès de celles du premier volet, nous nous demandions avec une certaine anxiété comment nous allons pouvoir séduire autant les spectateurs. Mais nous avons décidé de ne pas continuer à nous poser cette question, et de reprendre la méthode qui avait fait ses preuves. Nous sommes donc partis des personnages, puis ils nous ont montré dans quelle direction il fallait orienter l’histoire. Une fois que les personnages et l’intrigue ont été intimement mêlés, la structure narrative a fait ressortir les endroits où les chansons pourraient surgir le plus spontanément. C’est un processus naturel, une évolution. D’ailleurs, les meilleurs films sont généralement ceux qui sont les plus différents de ce qu’ils étaient au départ, parce que si vous vous accrochez trop au concept original, vous empêchez l’histoire de vous guider là où elle veut aller. Il faut garder l’esprit ouvert.

A ce sujet, certaines chansons qui vous ont été proposées par les compositeurs vous ont-elles incité à supprimer certaines scènes qui n’étaient plus nécessaires, ou à les modifier totalement ?

Les deux cas se sont produits, et dans les deux sens. Nos compositeurs ont écrit plusieurs chansons qui étaient très réussies mais qui ne s’intégraient plus au film qui avait évolué entretemps. Nous avons donc dû les éliminer. Et comme vous le suggériez, ils nous ont aussi proposé des chansons sur la base des informations contenues dans le script. Quand nous les avons écoutées, elles nous ont semblé si pertinentes que nous avons décidé de construire de nouvelles séquences autour d’elles, pour leur permettre d’atteindre tout leur potentiel. Et une fois que la séquence était conçue visuellement, la chanson était encore modifiée et adaptée. La chanson nourrissait la scène et vice-versa, jusqu’au moment où tout était parfaitement en harmonie. Cela étant dit, bien souvent, le point de départ d’une chanson est un moment-clé pendant lequel un personnage va devoir exprimer ce qui lui tient le plus intimement à cœur, ses aspirations les plus profondes.

La séquence où Elsa plonge dans la mer des ténèbres et doit se battre contre les vagues qui l’éloignent du rivage est très spectaculaire, tout comme le mystérieux cheval translucide qu’elle découvre sous l’eau… D’où est venu l’idée de cette scène et de cette créature ?

En Islande, nous avons été frappés par les plages de sable volcanique noir, et la forme du paysage donnait l’impression que le niveau de l’horizon maritime était beaucoup plus haut que le bord de mer, ce qui produisait une impression très étrange. L’océan semblait posséder une force immense et inquiétante. Cet environnement n’avait rien à voir avec les panoramas du Pacifique que nous connaissons si bien en Californie. C’est ainsi que nous est venu l’idée d’opposer ces forces de la nature aux pouvoirs d’Elsa. Le cheval composé d’eau est issu de la mythologie nordique. Dans ces récits, on explique que si vous vous trouvez devant un grand fleuve, un lac ou même un bras de mer, ce cheval surnaturel jaillira des flots et vous portera sur son dos pour vous aider à traverser s’il sent que vous êtes juste, bien intentionné et que vous dites la vérité. Mais si jamais il vous suspecte de mentir, il n’hésitera pas à vous entraîner dans les abysses pour vous noyer !

Considérez-vous que les deux volets de LA REINE DES NEIGES déconstruisent chacun les clichés des contes de fées ?

Dans le premier film, nous nous sommes effectivement amusés à jouer avec les attentes des spectateurs et les règles habituelles de ces récits. Mais cela ne veut pas dire que nous ne considérons pas sérieusement les structures des contes de fées, car elles n’existent pas par hasard depuis l’aube des temps. Par exemple, nous ne disons pas que le grand amour n’existe pas, mais plutôt qu’il faut y réfléchir à deux fois avant de se lancer trop vite dans une relation, et qu’il est préférable de prendre le temps de bien connaître la personne en question. Nous avons traité tous ces sujets avec sincérité, y compris ceux du coup de foudre, ou de la vision romantique de l’amour d’une vie. Dans cette deuxième aventure, cette approche est toujours présente, mais comme le récit et ses enjeux sont différents, il s’agit davantage d’une quête, d’un voyage mystérieux, et d’obstacles dangereux à surmonter.

Quelles ont été les scènes d’action les plus compliquées à concevoir et à créer en 3D ?

Oh, il y en a beaucoup, y compris des moments de ce film que nous n’avons pas dévoilés, comme les scènes finales. Bien souvent, nous sommes allés voir nos experts en animation et en simulations 3D pour leur demander : ‘Nous avons envie de montrer cela. Pensez-vous que ce sera possible ?’ ce à quoi ils ont toujours répondu ‘Nous n’en avons encore aucune idée, mais nous allons nous pencher là-dessus !’ (rires) La séquence de la Mer des ténèbres dont nous parlions un peu plus tôt a été très compliquée à créer, parce qu’il fallait animer d’énormes vagues, et ce cheval complètement transparent, qui devait rester visible sous l’eau. Cela a nécessité une collaboration très étroite des départements de l’animation, des effets visuels, des simulations et de l’éclairage, sur cette séquence et sur beaucoup d’autres.

Les logiciels 3D fonctionnent à partir de la réalité des lois de l’optique et de la diffusion de la lumière. Or, si l’on place un objet en verre dans l’eau, il devient invisible. Vos équipes techniques ont du s’arracher les cheveux pour arriver à souligner les contours du cheval sous les flots !

Exactement, c’était un casse-tête, car en réalité on n’aurait pas pu le voir. Encore une fois, il fallait trouver les moyens de rester visuellement crédible, même dans ce contexte fantastique.

Vous est-il arrivé de consulter vos collègues de Marvel et de Lucasfilm pour leur demander leur opinion pendant le développement du film ?

Nous convions les autres scénaristes et réalisateurs qui travaillent pour Disney à nos projections tous les trois mois. Comme ils ne participent pas au développement du film avec nous, ils ont un point de vue subjectif intéressant à entendre, dont ils nous font part dans leurs notes écrites. Dans le registre de l’animation, le studio avec lequel nous échangeons le plus nos idées et l’état d’avancement de nos films respectifs est Pixar.

Avez-vous des exemples de suggestions qui vous ont été particulièrement utiles ?

Oui, nous avons reçu une note très intéressante qui concernait une des chansons du film, et qui disait ‘Nous pensons que cette chanson devrait commencer dans la séquence précédente et s’achever dans la prochaine, en supprimant la scène intermédiaire dans laquelle elle se trouve pour l’instant, car c’est à ce moment-là que l’on a envie que le personnage s’exprime.’ Dès que nous l’avons lue, il nous a paru évident que c’était tout à fait juste. Nous avons supprimé la partie intermédiaire, et tout changé pour le mieux.

Disney adapte tous ses grands dessins animés en prises de vues réelles. Est-il prévu de faire de même avec LA REINE DES NEIGES ?

Non…En tous cas, pas pour le moment ! Bookmark and Share


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