L’HOMME INVISIBLE, de retour en salles le 22 Juin – 3ème Partie
Article Cinéma du Jeudi 18 Juin 2020

Découvrez ou redécouvrez le meilleur film d’épouvante de l’année au cinéma pour célébrer la réouverture des salles. Et lisez ensuite notre dossier pour tout savoir sur les coulisses du tournage !

Par Alain Wizible

Les défis du tournage

Comme le tournage se déroulait à Sydney, l’équipe a eu un nouveau défi à relever en matière de voitures : “Il n’y a pas beaucoup de voitures avec le volant à gauche en Australie”, explique Alex Holmes. “On a dû être très inventifs”. De faux volants ont parfois été utilisés. Les voitures avec le volant à droite étaient utilisées pour filmer l’arrière du véhicule, tandis que celles avec le volant à gauche étaient réservées pour filmer l’avant de la voiture.“On devait faire du recyclage et métamorphoser les voitures qu’on avait déjà utilisées avec un film en vinyle”, avoue Alex Holmes. “Sans compter qu’on avait des cascades à exécuter avec ces voitures. Enfin, certaines scènes nécessitaient des décors de grande ampleur : le commissariat de San Francisco, les restaurants, l’hôpital psychiatrique, les rues de la ville… On avait besoin de beaucoup de main d’œuvre pour mettre en place ces vastes décors”.

EFFETS SPECIAUX ET EFFETS VISUELS De l’usage des effets spéciaux : le réalisme avant tout

Le superviseur effets visuels Jonathan Dearing, à la tête de Cutting Edge, a rejoint l’équipe de INVISIBLE MAN, après avoir collaboré avec Leigh Whannell sur son dernier thriller. “Quand on a travaillé ensemble sur UPGRADE, je me suis rendu compte qu’on avait la même approche des effets visuels”, déclare Jonathan Dearing. “On considère tous les deux que les effets visuels doivent soutenir des choix de mise en scène tournés avant tout vers le réalisme”. Pour ce film, si l’option 100% réaliste n’était pas envisageable, ils cherchaient ensemble une stratégie permettant d’ancrer les effets visuels dans la réalité. “On partageait l’ambition de produire des effets visuels aussi crédibles que possible. On ne voulait pas être tentés de créer un univers complètement étrange, qui brouille la frontière entre le fantastique et la réalité”.

Créer un costume invisible : les technologies de l’invisibilité

Les équipes de Odd Studios ont fait un travail remarquable sur le costume, qui constituait un défi de taille. “On a mené beaucoup de recherches sur les techniques d’invisibilité qui existent aujourd’hui”, raconte Alex Holmes. “Elles existent à petite échelle : par exemple, on peut détourner la lumière autour d’un objet, ce qui le fait disparaître puisqu’il ne renvoie plus la lumière vers nous. On trouvait que cette idée n’était pas assez cinématographique. On a plutôt choisi une idée en rapport avec l'optique : un costume constitué de centaines de mini-caméras qui filment ce qu’il y a autour d’elles, tout en projetant un hologramme de ce que filme la caméra opposée. Une caméra située à l’arrière du costume filme ce que se passe derrière, mais l’image qui est ainsi filmée est projetée sous forme d’hologramme sur le devant du costume, exactement à l’opposé. Du coup, tout ce qui se situe derrière la personne portant le costume est projeté devant lui, ce qui le fait disparaître”. À partir de cette idée, la post-production a pu créer des effets remarquables avec des hologrammes et des objectifs de caméra qui s’allument, pour créer des centaines de petits yeux sur le costume. “On a consulté des experts de CSIRO [the Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation in Australia] et des universités”, souligne Alex Holmes. “Les scientifiques nous ont expliqué que ce qu’on proposait était faisable en théorie, mais qu’il faudrait encore une vingtaine d’années de développement pour y arriver. C’était parfait : on voulait justement que cette technologie ait l’air inaccessible aujourd’hui mais néanmoins plausible”. C’est déjà difficile de créer quoi que ce soit grâce aux effets visuels, si bien qu'on peut imaginer le défi que représente la création d'un personnage qui n’est pas à l’écran ! L’enjeu était d’autant plus important pour Jonathan Dearing et sa talentueuse équipe. Pour faire exister l’Homme invisible, ils ont créé une version numérique d’une véritable combinaison de plongée. Il fallait ensuite trouver le moyen de montrer aux spectateurs la technologie employée pour le costume. “Il s'agissait de montrer les centaines d’objectifs qui permettent de faire disparaître la surface du costume”, explique Jonathan Dearing. Le costume d’Adrian devait imiter les mouvements du cascadeur Luke Davis (PACIFIC RIM UPRISING) tout en conservant une certaine intégrité au niveau de sa surface. Il fallait donc que des centaines de pièces de forme hexagonale fonctionnent et se déplacent ensemble, au fil des mouvements du costume. “Ce qui est génial chez Leigh, c’est qu’il est complètement convaincu par ce qui lui plaît”, remarque Jonathan Dearing. “Cela provoque une réaction émotionnelle puissante chez lui et il s’appuie sur ce ressenti pour aller de l’avant”. Au cours de de la première réunion avec Cutting Edge, les discussions se sont concentrées sur le costume : “On s’est mis autour de la table pour échanger des idées et des suggestions de modèles”, se souvient Jonathan Dearing. “Quand on est parvenu à l’idée d’un costume simple et foncé, façon combinaison de plongée avec des formes hexagonales, cela a plu à Leigh, à Alice Lanagan, la directrice artistique, à la costumière et à moi-même. Odd Studios a fait quelques essais à partir des explications de Leigh et cela nous a permis de choisir un modèle. Le processus a été rapide et efficace, et on n’a jamais dévié de notre objectif du début à la fin”.

Contraintes d’espace et effets visuels

Le défi principal en matière d'effets visuels consistait à faire disparaitre le travail de Luke Davis en costume vert derrière la performance de l’Homme invisible. C’était particulièrement difficile quand Luke Davis se trouvait devant un autre acteur ou un autre élément dont les équipes ne pouvaient pas contrôler le mouvement. La méthode la plus simple pour ce travail est d’utiliser un dispositif de motion-control. Cela permet de filmer le décor nu pendant une même prise et de faciliter le "nettoyage" qui intervient ensuite. Malheureusement, Cutting Edge n’a pas toujours pu recourir à cette technique, notamment en raison de contraintes spatiales. Ainsi, dans la scène où l’Homme invisible poursuit Cecilia dans le grenier, le dispositif de motion-control ne passait pas dans cet espace confiné. Au cours d'une scène décisive, Cecilia jette un pot de peinture sur une échelle qui semble vide, depuis une ouverture dans le plafond du grenier. On découvre alors la silhouette de l’Homme invisible à seulement quelques mètres d’elle. Au départ, Leigh Whannell voulait que cette scène démarre avec l’ouverture qui forme un point lumineux dans la pénombre, puis dans un mouvement régulier, la caméra se serait placée du point de vue de Cecilia au moment où elle renverse la peinture sur l'Homme invisible. “Leigh voulait tourner la scène en plan-séquence”, explique Jonathan Dearing. “Mais sans le motion-control, on n'aurait pas pu garantir le résultat. On n’était pas sûr de bien voir l’arrière-plan initial, ce qui aurait pu faire rater la scène”. Après plusieurs essais au Steadicam, qui ne fonctionnait pas non plus dans l’espace confiné du grenier, Leigh Whannell a accepté d’utiliser une caméra fixe. “Cela nous a permis de nous concentrer sur l’effet de la peinture projetée sur le costume”, estime Jonathan Dearing. “On avait confectionné un costume sur mesure pour cette scène où on aperçoit sa texture unique lorsqu’il est recouvert de peinture. Le tournage s’est passé sans encombre et l’équipe des effets visuels a terminé le travail sur ordinateur”.

Cecilia traquée dans l'hôpital psychiatrique

La scène de bagarre dans le couloir de l’hôpital psychiatrique, où l’Homme invisible tente d’échapper aux gardes et à Cecilia, montre la prouesse technique du film et sa capacité à assembler plusieurs scènes d’action avec fluidité. Les effets visuels peuvent faire disparaître les câbles, les matelas pour les cascades, les fenêtres cassées… Toutes ces scènes étaient répétées avec attention pour que la caméra soit dans la position optimale au moment de filmer. Le découpage des scènes d’action permettait de ne pas affecter la durée de la séquence dans son intégralité. Le résultat final est une séquence rythmée avec des mouvements de caméra amples qui semblent annoncer l’action qui va suivre. Une fois que Cecilia et l'Homme invisible étaient sortis de l’hôpital avec perte et fracas, l’équipe des effets visuels et Cutting Edge avaient encore du pain sur la planche : “On a remplacé le sol par des éléments infographiques et on a bien sûr ajouté l’Homme invisible grâce aux effets visuels”, détaille Jonathan Dearing. “On a aussi remplacé l’arme que l’Homme invisible utilise dans cette scène par une version numérique. Enfin, on a fait la liaison avec un passage en Steadicam, lorsqu’on suit Cecilia dans une cage d’escalier, avant d’enchainer avec la scène où elle sort du bâtiment”.

L’influence de la technologie sur le scénario

Les producteurs ont apprécié l’ouverture d’esprit de Whannell qui a accueilli nouvelles idées et technologies et cherché comment les intégrer au film : "Par exemple, on a utilisé une nouvelle caméra à 360 degrés que j’étais en train de tester", déclare Dearing. "J’avais décidé de moderniser mon matériel et je voulais me familiariser avec ma caméra, car je me sers de ce genre d’équipement sur les tournages pour obtenir rapidement des images HDR et même des plans panoramiques des décors". Tout en visionnant des plans précédemment tournés avec le réalisateur, le superviseur effets visuels a montré à Whannell comment il pouvait tourner autour de l’image sur sa tablette pendant le repérage des lieux de tournage. "J’ai montré à Leigh à quel point c’était génial de pouvoir visionner de manière interactive tout ce qu’on voulait", explique Dearing. "Il a adoré ces plans et ce dispositif high-tech et on a cherché à s'en servir comme d'un point de vue. Nous avons continué à parler de la technologie, et en très peu de temps, Leigh l'avait intégrée au scénario. Dans la scène du laboratoire où Cecilia découvre le costume d’Adrian, on l’a filmée avec ma caméra à 360° et ma tablette en direct : tous ses mouvements ont été tournés en temps réel et n'ont pas été retouchés en postproduction. C’est un autre exemple du bonheur qu'on a de tourner avec Leigh".

La "synergie FX" Un assemblage complexe d’effets spéciaux et visuels

Cutting Edge a fait appel au superviseur effets spéciaux cité à l'Oscar Dan Oliver et son équipe pour les séquences les plus importantes. C'était essentiel pour respecter la vision du réalisateur. Leigh Whannell tenait à collaborer avec Dan Oliver. "Dan est fantastique et aguerri et il a une approche très pragmatique de la réalisation. Notre équipe est toujours ravie d’aider Dan, quand il cherche à réaliser des effets spéciaux de façon pratique, s’il pense que c’est possible", déclare Dearing. Oliver lui retourne le compliment : "Jonathan a une approche très pragmatique des effets et était d’accord pour en obtenir le maximum au moment du tournage", explique Oliver. "Il avait énormément à faire mais gardait la tête froide pour régler tous les problèmes qui se présentaient". Oliver a fait bénéficier le tournage de décennies de savoir-faire. "L’expérience accumulée donne suffisamment confiance en soi pour savoir que, si une difficulté se présente, il y a une forte chance qu’on sache quoi faire", ajoute ce dernier. Grâce à leur expérience, Dearing et son équipe sont conscients qu’il est inutile de s'orienter vers l'infographie si l'effet recherché peut être obtenu au moment du tournage et ce, pour plusieurs raisons. "Personne ne conteste le résultat si ça fonctionne, toutefois il y a en général des éléments résiduels inattendus qui ajoutent de la valeur au plan", reprend Dearing. "C’est toujours préférable pour les acteurs de jouer face à un partenaire ou à un élément concret plutôt que sur un fond vert ou bleu". L’équipe des effets visuels est donc intervenue dès qu’un effet pratique en avait besoin. En témoigne la séquence où Adrian fracasse d’un coup de poing la vitre de la voiture d’Emily et tente d'agresser Cecilia : "Si la vitre d’une voiture côté passager doit exploser, les effets spéciaux peuvent apporter une solution", explique Dearing. "Mais si le verre explose réellement face à la caméra, on capte instantanément un élément qui a été créé dans l’environnement lumineux adéquat et qui réagit selon les lois de la physique. L’explosion doit peut-être être filmée sur un fond bleu, et si on doit tirer des pièces de silicone avec un canon à air pour accentuer l’effet, la postproduction se fait un plaisir de prendre ces éléments pratiques et de les raccorder harmonieusement plutôt que de réaliser la totalité de la séquence en images de synthèse. On appelle ça la synergie FX".

Du bacon qui brûle et une pluie battante

L’une des scènes préférées du superviseur effets spéciaux Dan Oliver est celle où Cecilia commence à soupçonner qu’Adrian est toujours en vie. Elle est en train de préparer le petit-déjeuner de Sydney, s’éloigne un moment et la gazinière est soudain en position maximale. "Le bacon commence à brûler et à fumer, puis la poêle prend feu", détaille Oliver. "C’était complexe. Quand Leigh nous a expliqué comment tout devait se passer à des moments très précis, je n’étais pas certain de savoir comment réaliser ces effets sans raccords de montage. Mais on a réussi à les obtenir exactement comme il le souhaitait et on a tout filmé avec nos acteurs à proximité mais sans les exposer au feu ou à la fumée". Autre séquence cruciale largement mise en valeur par les effets spéciaux : la poursuite sous une pluie diluvienne durant laquelle Cecilia s’échappe de l’hôpital psychiatrique. "On a travaillé avec Leigh et le directeur de la photographie pour trouver le moyen le plus efficace de la filmer, afin de réduire au maximum les mouvements de la machine à pluie", confie Oliver. "On a utilisé les plus grands dispositifs de fausse pluie à notre disposition pour créer un véritable déluge. On a ajouté quelques impacts de balles et le résultat est franchement épatant".

La suite de notre dossier sera bientôt visible sur ESI. Bookmark and Share


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