L’HOMME INVISIBLE – 4ème et dernière partie
Article Cinéma du Lundi 22 Juin 2020

Découvrez ou redécouvrez le meilleur film d’épouvante de l’année au cinéma pour célébrer la réouverture des salles. Et lisez ensuite notre dossier pour tout savoir sur les coulisses du tournage !

Par Alain Wizible

LUMIÈRE ET PHOTO

Les bords du cadre Les cadrages d'INVISIBLE MAN


Le directeur de la photographie Stefan Duscio a rencontré Whannell lors de la prépa d’un film australien sur lequel ils travaillaient tous deux et a depuis collaboré plusieurs fois avec lui. "Leigh et moi nous sommes rencontrés sur THE MULE, film qu’il a coécrit et dans lequel il jouait aux côtés d'Angus Sampson [partenaire de Whannell dans INSIDIOUS]", raconte Duscio. "Et comme par hasard, Leigh et moi avons fait les mêmes études à Melbourne, à quelques années d’intervalle. Il a parlé d'UPGRADE après ce premier tournage et on est resté en contact pendant qu’il développait le film". Le chef-opérateur, qui s'est illustré par ses clips pour Beyoncé ("Ghost") ou des films australiens primés (BACKTRACK, JUNGLE), déclare que Whannell et lui ont aimé forger un langage visuel singulier pour UPGRADE et qu’ils l’ont poussé encore plus loin dans INVISIBLE MAN. "En gros, le style des cadrages sur UPGRADE était assez libre au départ et devenait progressivement de plus en plus formel et rigide à mesure que l’intelligence artificielle prend le contrôle du corps du personnage", déclare Duscio. "[Sur UPGRADE], on a utilisé beaucoup de capture de mouvement via caméra pour l’acteur principal au cours des scènes d’action. Leigh était intéressé par l’idée qu’on puisse améliorer encore ce dispositif pour INVISIBLE MAN. Il a écrit un scénario absolument génial et m’a poussé, ainsi que le reste de l’équipe, à trouver des moyens innovants de le filmer".

Inspirations cinématographiques

Il est impossible de penser à un film où l’héroïne semble perdre prise avec la réalité sans faire référence aux classiques d'Hitchcock comme PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE ou LES OISEAUX. Mais Duscio et Whannell ont puisé dans d’autres sources d’inspiration moins évidentes. "On a passé des jours, au début de la prépa, à regarder des films dont nous aimions le suspense et le ton", déclare Duscio. "Par exemple, PRISONERS et SICARIO de Denis Villeuneuve, ainsi que A GHOST STORY, PERSONAL SHOPPER et L’EXORCISTE. Ils n'ont pas tous un rapport évident au film de Leigh mais ils ont tous été une source d’inspiration, quand nous tentions de déterminer la tonalité d'INVISIBLE MAN. J’ai toujours été fan de Roger Deakins [chef-opérateur qui a notamment éclairé SICARIO et PRISONERS, NdT] et j’admire la force et la puissance de narration de ses images", poursuit-il. Par ailleurs, le film a bénéficié du talent d’Elisabeth Moss, dont le visage peut exprimer un millier d'émotions sans prononcer un seul mot. "Elisabeth est une vraie pro qui a su nous époustoufler, parfois dès la première prise", dit-il encore. "On devait être prêts à filmer ces interprétations extraordinaires tout en nuances. Elle possède un talent unique, elle est comme un caméléon, et l’éclairer et la cadrer ont été d’une richesse et d’une stimulation incroyables". Quand le chef décorateur Alex Holmes a visionné un montage préparatoire que Whannell a montré aux équipes, il en est resté bouche bée. "C’est là que j’ai pris conscience du thriller élégant que Leigh et Stef Duscio étaient en train de faire", déclare Holmes. "C’était évident dans la mise en scène : des mouvements de caméras sinistres et nets guidés par le motion-control. C’était très précis et ça correspondait au caractère d’Adrian. Souvent, la caméra est une manifestation de sa présence".

Mouvements et cadrages La création d’une tension constante

Comme pour Whannell, Duscio jugeait important de cadrer l’un des classiques des Universal Monsters avec originalité. "L’un des défis auxquels on a dû faire face a été de créer du suspense avec des images très lumineuses. On a tous deux l’expérience de films d’horreur sombres, et la singularité du travail de Leigh avec INVISIBLE MAN, c’est d'avoir obtenu ce sentiment de terreur tout en faisant en sorte que le moindre recoin de l’espace domestique soit visible. L’Homme invisible peut être n’importe où dans cet environnement", explique Duscio. Le thriller se concentre en grande partie sur Cecilia et sa plongée dans la folie : il fallait donc montrer sa terreur et souligner qu'elle finit par s’en servir comme d’une force. "On était très intéressés par le point de vue extrêmement paranoïaque de Cecilia. On a filmé exprès des espaces vides, en laissant la caméra s'attarder dans les recoins des pièces. On l’a également cadrée de manière inhabituelle pour suggérer que quelqu’un se tient dans le hors champ", commente-t-il encore. Parfois, Duscio s'attache à un élément inattendu du cadre, au-delà d’un personnage situé au premier plan. "Cette technique peut sembler étrange ou inhabituelle dans sa composition mais notre but est de créer une tension constante. On espère aussi que ça permet d’attirer l’attention du spectateur pour chercher à déceler le moindre mouvement ou indice de la présence de notre prédateur dans les recoins de chaque plan. C’était vraiment difficile de se 'couvrir' pour ces scènes-là et il a fallu beaucoup d’imagination de la part des acteurs et des techniciens pour nous faire confiance et imaginer que ces séquences seraient haletantes", poursuit-il.

Tourner dans le noir

Une grande partie du film – de la séquence où Cecilia s’échappe de la maison d’Adrian à sa découverte dans le grenier et à son attaque brutale à l’hôpital psychiatrique – a été tournée de nuit dans l’obscurité. "J'apprécie de tourner dans le noir même si je trouve cela difficile", déclare Duscio. "On doit donner à la scène une ambiance sombre tout en continuant à raconter l'histoire avec clarté et précision. Il est très facile de trop – ou pas assez – éclairer dans une telle situation et on doit faire des modifications très subtiles au niveau de l’éclairage ou du choix des caméras pour trouver la bonne exposition de façon naturelle. Leigh et moi avons établi un story-board ou prévisualisé au maximum les séquences les plus complexes, pour me permettre de communiquer clairement à mes équipes ce que je voulais". Et pour filmer avec des effets de lumière et d’ambiance différents, la nouvelle caméra grand angle ARRI Alexa LF (large format) s'est avérée le bon choix. Il se trouve qu'elle a aussi permis au directeur de la photographie de mieux cerner le style de Roger Deakins. "Je crois bien qu'il s'agit du deuxième film tourné avec ce dispositif après 1917. On a eu la chance que la société ARRI, à Munich, nous ait donné un prototype d’Alexa mini LF juste à temps pour le tournage. On a utilisé cette caméra plus légère pour tourner les nombreuses scènes d’action, notamment les longs plans à la Steadicam et les prises de vue à l'épaule, mais aussi les scènes en motion-control et la course-poursuite en voiture", confie Duscio. Grâce à la nouvelle caméra grand angle, Duscio et Whannell ont découvert tout un éventail de possibilités en matière de formats d’objectifs, permettant des images époustouflantes avec plus de profondeur et une meilleure résolution. "Ça nous a aussi permis de filmer des plans au plus près de nos acteurs, tout en laissant un vaste champ autour d’eux", dit-il. La production a eu recours à une multitude de techniques pour filmer les déplacements de l’Homme invisible. "Quand les rapports entre acteurs et les mouvements de caméras étaient complexes, on utilisait généralement un système de capture de mouvements ARGO pour créer des déplacements de caméras qu’on pouvait reproduire", explique le directeur de la photographie. "On tenait à obtenir des prises parfaites des acteurs, des interprètes en combinaison verte et des arrière-plans. Heureusement, Leigh et moi aimons la façon dont la caméra de motion-control crée une gestuelle austère et artificielle. On a étudié ça et essayé de le reproduire lors de notre travail habituel avec la Dolly, afin d’harmoniser les deux styles de cadrage".

Elisabeth Moss s’éclaire elle-même La fusion entre acteurs et techniciens

Le tournage dans des espaces étouffants a influé sur tous les choix de caméras et d’éclairages du directeur de la photo. "Filmer dans des lieux exigus est toujours délicat, car les équipements techniques dans le cinéma nécessitent généralement de la place", remarque Duscio. "Mais j’ai aimé relever le défi de filmer Elisabeth dans un grenier sombre, où elle était éclairée uniquement par la lampe torche qu’elle tient à la main. J’ai donc compté sur Elisabeth pour s’éclairer elle-même, ou plutôt pour ne pas le faire. Et je me suis recroquevillé dans un coin du grenier avec la plus petite installation technique possible et une caméra à la main. Alex Holmes a conçu un environnement génial qui nous a permis de travailler tout en se sentant dans un espace étouffant et encombré". Whannell et Duscio ont passé beaucoup de temps à préparer et élaborer la séquence d’ouverture dans laquelle Cecilia s’échappe de la maison d’Adrian. "C’était important de créer la tension de son point de vue, par le prisme de sa paranoïa. Les spectateurs savent à quel genre de film ils ont affaire et on a voulu satisfaire leurs attentes en les invitant à fouiller constamment du regard notre cadrage suggestif ou nos plans de grande envergure qui s’ouvrent sur du vide". Pendant l'essentiel du film, Cecilia est enfermée, que ce soit littéralement ou psychologiquement par sa peur ou les circonstances. Une situation qui a permis aux équipes caméra d’explorer différentes techniques pour représenter la terreur. "La pauvre Cecilia passe d’une prison à une autre !", note Duscio. "La maison d’Adrian, celle de James puis un véritable hôpital psychiatrique dans lequel elle est enfermée. Cette séquence a été très difficile à concevoir pour Leigh et moi et on l’a filmée et montée intégralement à l’aide d’une petite caméra numérique et de doublures techniques. Il y avait tellement d’éléments mobiles dans cette séquence qu’il a fallu la décomposer minutieusement. Leigh adorait l’idée que l’éclairage puisse être aveuglant et on a donc installé des éclairages LED très puissants dans tout l’intérieur de l’hôpital".

CHORÉGRAPHIE DES CASCADES ET DES SCÈNES DE COMBAT

Quand on se bat pour sa vie Des cascades tout en émotion et en intensité


Ce qui rend les cascades d'INVISIBLE MAN particulièrement impressionnantes, c’est qu'à chaque fois que le personnage éponyme entre en scène, on a l’impression que la vie de sa victime potentielle est en jeu. Pour mener à bien cet aspect du thriller, Leigh Whannell a fait appel au chef cascadeur Harry Dakanalis, dont la trentaine d’années dans le métier lui a assuré une expérience solide et inégalée. Quand on sait que l’un de ses tout premiers films a été la saga MATRIX des Wachowski, on comprend que l'homme puisse partager ses connaissances avec Elisabeth Moss et le reste des acteurs. "Les cascades que j’ai réalisées dans MATRIX restent les plus mémorables et difficiles de ma carrière", raconte-t-il. "Lana et Lilly Wachowski m’ont appris que l’imagination est sans limites et qu’il faut suivre son instinct quand il s’agit des acteurs". "Travailler avec Leigh a été une expérience elle aussi fantastique", poursuit Dakanalis. "Dès le début, on a été sur la même longueur d’onde. Tout au long du projet, il nous a laissés explorer chaque scène et nous a donné le temps nécessaire pour tester les chorégraphies qui allaient se retrouver à l’écran". Elisabeth Moss est pour ainsi dire dans toutes les scènes d'INVISIBLE MAN. Il a donc fallu que l’actrice et sa doublure cascade Sarah Laidler travaillent étroitement avec le chef cascadeur pendant la prépa et tout au long du tournage. Dakanalis admet avoir compris qu’à la première lecture du scénario, il devrait avoir une approche différente sur ce projet. "L’équilibre était subtil pour que Cecilia paraisse dans un perpétuel état de surprise, presque de choc. J’y suis parvenu non pas en répétant sans cesse avec Elisabeth mais en laissant toutes les scènes de combat survenir naturellement. J’ai appliqué cette technique à ce film avec beaucoup de succès". "En général, on répétait les scènes d’action à fond avec Sarah et Luke Davis, la doublure de notre Homme invisible, jusqu’à ce que la scène prenne forme", déclare le chef cascadeur. "On faisait ensuite découvrir à Elisabeth comment la séquence allait se dérouler et à quel rythme pendant en moyenne trois à quatre heures de travail. C’était suffisant pour qu’elle puisse être synchrone avec la caméra. L’étape suivante était le tournage, avec la doublure de l’Homme invisible qui se mesure à elle et qui lui résiste tandis qu'elle l’attaque en se fiant à son instinct plutôt qu'à des gestes effectués machinalement. Très en amont des répétitions, on a découvert que les réactions spontanées d’Elisabeth s’avéraient beaucoup plus intéressantes que ses gestes chorégraphiés. Et on s’est tenu à cette démarche pendant tout le film". Le chef cascadeur a étroitement collaboré avec le chorégraphe de combat Chris Weir qui a également travaillé sur UPGRADE de Leigh Whannell, et qui avait également servi de doublure cascade de Logan Marshall-Green pour les scènes de combat d'UPGRADE. "C’est merveilleux de travailler avec Chris", poursuit Dakanalis. "Il a une approche extrêmement méthodique". Cette description est aussi valable pour le reste des acteurs qui se sont mesurés à l’interprétation physique d’Elisabeth Moss et de son équipe cascade, notamment Aldis Hodge qui joue James. "Aldis a une aptitude innée pour le combat. C’est un très grand acteur et il possède de formidables facultés physiques, ce qui m’a rendu la tâche très facile".

Travail d’équipe Sarah Laidler et Elisabeth Moss en décousent

Étant donné que le film comporte un grand nombre de scènes particulièrement physiques, il était primordial que la cascadeuse expérimentée Sarah Laidler soit attentive aux questions de sécurité. "En tant que cascadeuse, je n’arrête jamais de m’entraîner pour être toujours prête à travailler", explique-t-elle. “Un rôle comme celui-ci consistait surtout à préparer mon corps à être vraiment maltraité”! La cascadeuse et Elisabeth Moss avaient déjà collaboré ensemble, notamment sur la série TOP OF THE LAKE. "J’ai beaucoup plus travaillé avec Elisabeth sur INVISIBLE MAN", raconte Sarah Laidler. "On a eu plus de temps pour répéter et évoquer les scènes. J’ai pu me familiariser davantage à sa gestuelle et j’ai appris à mieux la connaître sur un plan personnel. J’ai veillé à prendre de ses nouvelles et à m’assurer qu’elle était physiquement prête pour chaque scène d’action. Elle n’a jamais hésité à me parler si elle doutait de quelque chose, ce qui nous a permis de faire en sorte qu’elle ne soit jamais en danger tout en obtenant les meilleurs résultats possibles. J’ai hâte de collaborer avec elle à nouveau". La doublure cascade souligne que Whannell possédait une vision très précise de ce qu’il attendait de chaque scène, et Dakanalis et Weir se sont montrés tous les deux très impliqués dans les discussions et l’élaboration des scènes avec le réalisateur. Ils ont ensuite travaillé avec l’équipe de cascadeurs pour les mettre en œuvre sur le plateau. Sarah Laidler a également apprécié le degré de complexité nécessaire pour donner l’impression que Cecilia luttait pour sa vie lorsqu’elle est attaquée par Adrian dans la maison de James. "La scène dans la cuisine-salle à manger est l’une de mes préférées", reprend-elle, "parce qu’on y a consacré énormément de temps en jouant avec le motion-control et les axes de caméra". Et, après une pause, elle ajoute : "C’est l’un des plus grands coups que j’ai pris de tout le film". Contrairement à un film traditionnel, l’équipe a dû concevoir l’inimaginable puisque Cecilia se bat contre quelqu’un qui est littéralement absent. Pour accomplir ce tour de force, Elisabeth Moss et Sarah Laidler ont été assistées par leur partenaire Luke Davis. "La plupart du temps, Luke était en combinaison verte, ce qui m’a aidée", poursuit la cascadeuse. "Pendant ses scènes hors champ, pour des raisons d’effets visuels, il a continué à peaufiner des détails pour que des gestes comme le fait d'agripper son bras aient l’air réaliste". Luke Davis et Sarah Laidler ont largement travaillé avec le chef cascadeur et le chorégraphe de combat pendant la prépa. "On a testé pas mal d’idées différentes, on a fait des changements en cours de route mais aussi à la suite des commentaires de Leigh", souligne Sarah Laidler. "C’était bien d’avoir un 'homme invisible' tangible pour me tirer et me projeter à droite et à gauche, ou me maintenir immobile à l’aide de câbles. Ça a aussi été utile à Elisabeth pour pouvoir repérer où il se tenait dans la pièce. Les cascadeurs ont fait un travail remarquable en nous balançant, Lizzie et moi, suspendues à ces câbles". La cascadeuse a du mal à dire quels sont ses souvenirs préférés du tournage mais la scène où Cecilia s'échappe de l’hôpital psychiatrique après s’être battue contre Adrian en fait partie. "Ça a été un travail d’équipe. Elisabeth a réalisé beaucoup de ses cascades, après un travail de reconnaissance ensemble", dit-elle en évoquant la fuite qui marque le début du film. "Elle court et escalade le bas du mur puis je prends le relais pour la partie supérieure et la chute de l’autre côté du mur. Mais le plus dur a été de se synchroniser avec le chien !", ajoute-t-elle en riant. Entre son affrontement avec l’Homme invisible dans la douche, sa bagarre avec le garde et sa fuite dans la nuit, l’éprouvante évasion de Cecilia de l’hôpital psychiatrique a été l’une des séquences les plus complexes du tournage. "La scène était à la fois amusante et difficile à tourner, car elle est très technique et précise et devait être filmée grâce à la caméra de motion-control", insiste la cascadeuse. "On a travaillé suivant un minutage précis et, bien entendu, le timing de la caméra était toujours parfait ! Ça a été aussi très chouette d’avoir une plus grosse équipe de cascadeurs dans le couloir et des chorégraphies inventives. Et cerise sur le gâteau, j’ai pu voler à travers la pièce". S'agissant de la course-poursuite en voiture, au moment où Cecilia s’échappe de l’asile, le pilote chevronné Mick Van Moorsel (MAD MAX : FURY ROAD) a confié à Whannell et au chef-opérateur Duscio tous ses secrets. "Mick avait arrimé une nacelle à l’extérieur de la voiture", confirme Sarah Laidler, "ce qui lui permettait de la conduire, pendant que Lizzie était au volant".

LES COSTUMES

Personne ne porte de t-shirts basiques dans la vraie vie Emily Seresin habille les acteurs


La chef costumière Emily Seresin, qui a débuté sa carrière en Australie comme chef-habilleuse sur le légendaire PRISCILLA, FOLLE DU DÉSERT, a été recrutée pour les costumes d'INVISIBLE MAN. Elle a trouvé en Leigh Whannell un réalisateur capable de percevoir avec finesse les univers socio-économiques et culturels de ses personnages. "Collaborer avec Leigh, c’est comme travailler avec Louis Theroux, Andy Warhol et Noam Chomsky réunis en une seule personne", commente Emily Seresin. "On sait qu’il va falloir écouter avec attention les idées que vous lance le patron. Par exemple, la propriété d’Adrian n’est pas tant une maison qu’une représentation de sa personnalité et veut dire, 'Mes problèmes ne sont pas ceux de tout le monde'. Leigh a adoré intégrer des références au film. Il lançait : 'Personne dans la vraie vie ne porte de tee-shirts basiques' et on a donc eu une très longue liste de choses de ce genre à prendre en compte". S’agissant des styles vestimentaires, et très en amont du tournage, Whannell et la chef-costumière ont évoqué la tonalité réaliste qu’ils voulaient restituer. "Leigh souhaitait adopter cette dimension brute, sans fard, et pas une version aseptisée comme on en voit parfois au cinéma", reprend Emily Seresin. "Il y avait d’autre part l’univers d’Adrian totalement dépouillé, et il nous fallait donc des éléments hyper design, mais sans oublier Cecilia dans son vieux sweat à capuche de la fac tout élimé et James dans ses vieux vêtements qu'il porte quand il peint".

La garde-robe de Cecilia

La costumière avait déjà travaillé avec Elisabeth Moss sur un épisode de TOP OF THE LAKE : CHINA GIRL et estimait que l’actrice savait rendre un personnage authentique. "Ça se voit à l’écran. Elisabeth est intelligente tout en ayant un regard joyeux sur la vie. Cela permet de travailler avec sincérité tout en s’amusant. Elle possède un sens très prononcé de ce qui fait authentique, tout en étant capable d'incarner pleinement son personnage ". Dans son travail, Emily Seresin cherche à faire essayer une multitude de vêtements aux acteurs et Elisabeth Moss s’est amusée de ces séances de plusieurs heures. "Les essayages ont été un peu fatigants", poursuit la chef costumière. "Je ne peux pas toujours expliquer pourquoi certaines tenues fonctionnent, mais quand ça tombe juste, ça paraît évident. C’est donc un processus très intuitif. Souvent, la forme convient mais pas la couleur ou la matière. On a bien sûr créé des pièces pour Cecilia, ou on les a teintes ou modifiées, mais, en général, on a d’abord trouvé quelles formes on voulait grâce aux essayages". Aux côtés du réalisateur, la créatrice a passé en revue une grande partie des matières avec le directeur de la photographie Stefan Duscio et le chef décorateur Alex Holmes. Pour symboliser la dépression de Cecilia, ils ont fini par choisir une palette de couleurs relativement douce en se focalisant plutôt sur les textures et l’éclairage. "J’ai découvert que les patients d’hôpitaux psychiatriques en Californie portaient un uniforme dans les tons de beige", indique Emily Seresin. "Cela nous a donné l’occasion d’associer la perte de crédibilité de Cecilia à un élément significatif comme l'élimination des couleurs vives". En matière de costumes, le cheminement de Cecilia a été fascinant. À cet effet, l’équipe devait montrer une femme qui s’habille pour tenir un rôle dans sa propre vie. "La scène clé du dîner est préméditée. La robe de Cecilia devait respirer la femme sûre d’elle et [Cecilia] devait reprendre le même vocabulaire qu’Adrian. C’est gratifiant de la voir en sweat et pyjama pendant tout le film, puis de la voir prendre le contrôle de la situation telle une Amazone en talons-aiguilles à la manière d’Helmut Newton", commente encore la costumière.

Donner un style à la duplicité d’Adrian

L’équipe de production a également évoqué l’allure élégante d’Adrian. "C’est un homme qui dégage une impression d'opulence et d’ambition – il fait peut-être partie de ces ultra-riches ou il aspire à l’être en tout cas – et qui porte une sorte d’uniforme", suggère la chef costumière. "Le sien est un pull en cachemire, un t-shirt, une veste légère et un pantalon, mais le tout admirablement taillé sur mesure. De mon point de vue, il s’agit simplement de trouver la forme adéquate et la bonne coupe". En ce qui concerne la "tenue invisible" d’Adrian, Emily Seresin n’a pas pu dévoiler son secret. "Ce serait trop risqué ! Je dois admettre que je n’ai fait que quelques suggestions au sujet du costume invisible. La conception en revient à Alex et Leigh. L’une de mes idées était de faire appel aux Odd Studios, qui ont recouru à un mélange d’impression 3D et de sculpture pour lui donner vie".

MAQUILLAGE ET COIFFURES

Belle et envoûtante Angela Conte et Elisabeth Moss : une équipe de choc


Angela Conte (PRISCILLA, FOLLE DU DÉSERT), primée au BAFTA Awards, était à la tête de l'équipe maquillage-coiffure. Pour restituer la déliquescence mentale de Cecilia, Angela Conte a travaillé avec l'actrice en étroite collaboration. "C'est extrêmement difficile d'enlaidir Elisabeth, si bien que lorsqu'il a fallu imaginer son allure de femme brisée, sa coopération a été décisive. Elle a un regard formidable et elle est audacieuse. Ensemble, on lui a façonné des expressions que j'appelle 'sublimes et envoûtantes". La mission de la chef-maquilleuse et coiffeuse consistait à faire en sorte que Cecilia, qui a d'abord l'allure parfaite d'une "potiche" quand elle vit avec Adrian, adopte ensuite un visage dévasté dès lors qu'elle plonge vers ce que son entourage perçoit comme la folie. Un état qui comportait plusieurs phases. "Lizzie ne voulait pas avoir l'air d'une potiche caricaturale", relève Angela Conte. "Car Cecilia a subi des violences physiques et émotionnelles de la part de son partenaire". En travaillant avec Leigh Whannell, la chef-maquilleuse et coiffeuse a pu transposer visuellement le formidable imaginaire du metteur en scène et ses idées visionnaires. "Leigh avait ses propres story-boards", détaille-t-elle, "et ils m'ont été utiles dans mon travail. Ensemble, on a mis au point des expressions de visage extraordinaires, et lorsque Lizzie s'est investie dans ce processus, on a réuni l'équipe idéale". "J'ai scrupuleusement analysé des images qui m'ont servi : tandis que Cecilia perd pied peu à peu – et que son état mental suit le même chemin –, son maquillage se met à couler et sa coiffure est en bataille", poursuit Angela Conte. "J'ai eu l'idée de lui ajouter des extensions de magnifiques cheveux blonds bien épais pour son allure de 'potiche', quand elle est encore en couple avec Adrian. Pour son allure de femme dévastée, on a très légèrement assombri sa teinture et rendu ses cheveux plus fins. Il ne s'agissait pas de modifier sa couleur de cheveux, mais de leur donner un aspect sale et mal soigné. C'était un effet d'illusionniste. À mesure qu'on lui enlevait les extensions, ses cheveux devenaient plus cassants et filasses, notamment pour les scènes d'hôpital psychiatrique". Pour les scènes où Cecilia est au fond du gouffre, Angela Conte a mis au point un maquillage donnant à l'actrice un teint pâle et un air malade et dénué d'expression. "On l'a affublée de rougeurs sur le visage, de cernes sous les yeux, de coupures et d'égratignures", dit-elle. "Et il fallait que tout ce maquillage tienne sous une pluie diluvienne et pendant les scènes d'action. En d'autres termes, il fallait que ça résiste sans que j'aie besoin de venir retoucher son maquillage toutes les cinq secondes. J'ai donc utilisé une teinture et un maquillage résistants à l'eau. On lui a également ajouté des extensions de cheveux capables de résister à ses cascades et aux trombes d'eau se déversant sur elle". Dans la scène du dîner avec Adrian, on retrouve une Cecilia émancipée. La chef-coiffeuse et maquilleuse a donné une allure plus combative et plus élégante à la comédienne. "Elle n'est pas parfaitement impeccable car Cecilia a connu l'enfer", remarque-t-elle. "Je voulais que ça se ressente dans le maquillage et la coiffure".

LA MUSIQUE

Ne leur dites pas à quel moment sursauter ! Benjamin Wallfisch entre en scène


Benjamin Wallfisch, à qui on doit les partitions de BLADE RUNNER 2049, SHAZAM! et la saga ÇA, a été engagé pour imaginer des sonorités bien particulières pour INVISIBLE MAN. D'emblée, le réalisateur a clairement spécifié ce dont il ne voulait pas. "Je ne voulais surtout pas d'une musique démonstrative, avec des cordes très présentes, pour bien souligner les moments où on est censé avoir peur", dit-il. Prenant en compte la volonté du cinéaste de, selon ses propres termes, "laisser beaucoup de liberté au spectateur", le compositeur précise : "Il s'agissait d'utiliser les silences par souci de rythme si bien que, lorsqu'on entend de la musique, les sonorités prennent un relief très particulier. On croit qu'on va entendre la musique, mais elle ne vient pas – comme un écho à la présence invisible d'Adrian Griffin". "Je tenais aussi à restreindre l'instrumentation aux cordes", poursuit Wallfisch, "si bien que les musiciens devaient donner la pleine puissance à leur interprétation sans l'appui d'un orchestre au grand complet. C'était aussi un hommage à l'une de mes idoles, l'immense Bernard Herrmann, et à son chef-d'œuvre composé pour PSYCHOSE. Une manière d'évoquer la dimension hitchcockienne du film". Tandis que Cecilia se met à douter d'elle-même, avant de reprendre des forces, le musicien raconte la manière dont il a abordé son parcours. "Le 'thème de Cecilia', mélodie toute simple pour violoncelle et cordes, permet au personnage de se souvenir qu'elle a toute sa tête, y compris dans les moments où le sol se dérobe sous ses pieds", dit-il. "On ne l'entend que quelques fois dans le film, à des moments-clés de sa trajectoire. On entend aussi un thème au piano qui revient à quelques reprises. C'est un motif insistant qui montre qu'elle est encore capable de se raccrocher à sa véritable identité, en dépit de tous les obstacles, et qu'elle finira par triompher". Étant donné qu'il devait imaginer un espace sonore pour un ennemi qu'on ne voit pas, le compositeur a dû faire des choix qu'il n'avait encore jamais envisagés pour un antagoniste : "Il nous fallait une sonorité qui lui soit propre – quelque chose qui vous prenne par surprise", conclut Wallfisch. "Le thème de l'Homme invisible est entièrement électronique et quand il est poussé au maximum, on a fait en sorte que les sonorités occupent tout l'espace". Bookmark and Share


.