PHASE IV, chef d’œuvre méconnu de la Science-Fiction, enfin disponible en Coffret Ultra Collector DVD & Blu Ray ! – 1ère partie
Article DVD Blu-Ray du Vendredi 26 Juin 2020

PHASE IV est l’unique long métrage réalisé par l’américain Saul Bass, immense graphiste publicitaire (le logo de Kleenex, c’est lui) et designer de génériques inoubliables (dont ceux de SUEURS FROIDES, LA MORT AUX TROUSSES et PSYCHOSE pour Hitchcock).

Ce film de 1974 fait partie de ces œuvres si originales et atypiques dans leur conception qu’elles se jouent des tentatives de classifications, tout comme LA NUIT DU CHASSEUR, seule réalisation de l’acteur Charles Laughton, et autre chef d’œuvre.


Par Pascal Pinteau



Apposer l’étiquette « Science-Fiction » sur PHASE IV n’est pas faux, mais juste un peu trop réducteur. Quelle serait la définition qui lui correspondrait le mieux ? Vaste sujet. On pourrait débattre longtemps pour juger s’il serait plus judicieux de le décrire comme un suspense écologique, un film fantastique animalier ou une fable philosophique sur le rapport de domination des humains sur les autres espèces vivantes de notre planète, dont nous oublions toujours qu’elles sont intelligentes et uniques elles aussi, et méritent notre respect et notre protection.

Plutôt que d’essayer d’enfermer PHASE IV dans une petite boîte où il serait à l’étroit, intéressons-donc plutôt à ses qualités uniques et aux raisons pour lesquelles vous prendrez certainement un grand plaisir à le découvrir ou à le revoir dans cette magnifique version remastérisée. Elle est présentée dans un coffret Blu-ray & DVD doté de nombreux suppléments passionnants - sur lesquels nous reviendrons en détail dans la seconde partie de cet article - et accompagné par un excellent livre de 200 pages écrit par Frank Laffond, qui décrit la carrière de Saul Bass ainsi que la conception, le tournage et la postproduction mouvementée du film, pendant laquelle les responsables des studios Paramount sont trop souvent intervenus. On y trouve aussi l’analyse détaillée des thèmes et symboles du film, et de nombreuses anecdotes sur les errances de la campagne de marketing du studio, qui n’a pas su ni voulu mettre l’accent sur ses véritables caractéristiques.

Le Pitch

Ernest Hubbs, un biologiste anglais, observe un dérèglement très insolite du comportement des fourmis dans une vallée désertique de l’Arizona. Des espèces autrefois ennemies se mettent à communiquer entre elles, tandis que leurs prédateurs habituels disparaissent de façon mystérieuse. Constatant que l’équilibre de la faune locale se modifie, le professeur Hubbs recrute le scientifique J.R. Lesko, spécialiste du langage animal, pour étudier ces curieux phénomènes et tenter de comprendre ce qui se passe. Ils s’installent dans une base dotée de nombreux équipements de surveillance, juste à côté de la colonie édifiée par les différents groupes de fourmis. Alors que la situation locale devient de plus en plus inquiétante, ce qu’ils découvrent va remettre en question le rôle dominant des humains sur la terre…

La chronique du film ( sans spoiler ! )

Poétique, inquiétant, fascinant, mystérieux, PHASE IV est un film magistralement conçu par un artiste au sommet de son art. Un récit passionnant et une œuvre d’une grande beauté. La découverte d’un autre monde – celui des fourmis – auquel Saul Bass donne la même importance et presque le même temps de présence à l’écran que celui réservé aux hommes. Par ce choix, ce vrai coup de génie, et grâce aux images filmées en Macrophotographie qui permettent aux insectes d’occuper tout l’écran, Bass instaure d’emblée un autre rapport entre les protagonistes de son histoire : il n’y a plus d’un côté les géants tout puissants et de l’autre les êtres minuscules et insignifiants, mais deux peuples aux intérêts différents, capables chacun de déployer des stratégies à tour de rôle. Et c’est en décrivant ce choc des intelligences humaines et animales, cette lutte à deux échelles si incroyablement différentes, que le film réussit à nous captiver, à nous surprendre constamment, et à nous faire basculer dans une autre réalité.

L’un des paradoxes les plus cruels de PHASE IV, réalisé par l’un des plus grands affichistes américains de tous les temps, est sans doute que son poster de 1974 finalement choisi par la Paramount en donne une idée caricaturale et totalement fausse ! L’illustration présente des fourmis géantes (comme celles de l’excellent THEM ! / DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE réalisé par Gordon Douglas en 1954) qui poursuivent un couple d’humains dans un paysage crépusculaire d’apocalypse. Et une très grosse fourmi émerge de la paume ensanglantée d’une main au centre de l’image. Avec ces éléments clichés de films catastrophe et de productions d’horreur, on comprend mieux pourquoi les premiers spectateurs américains qui sont allés découvrir le film en salles en attendant un divertissement classique ont été totalement décontenancés, dépités et ont généré ensuite un bouche à oreille très négatif qui a causé son échec aux USA. PHASE IV a été mieux accueilli et compris en Europe et notamment en France, mais le film a malgré tout été relégué longtemps en fond de catalogue par la Paramount.

On se réjouit donc de le revoir dans une copie d’une telle qualité aujourd’hui, d’autant que le somptueux coffret édité par Carlotta propose aussi de découvrir la fin originale du film, telle que Saul Bass l’avait imaginée, tournée et montée. Double plaisir, donc, car les cinéphiles qui connaissent déjà le film n’avaient jamais pu voir cette fin auparavant !

Nous n’en avons pas encore fini avec ce coffret, car dans la seconde partie de cette chronique nous vous parlerons de l’une des plus belles pépites proposées dans les suppléments du Blu-Ray, un fabuleux court-métrage de Saul Bass dont le scénariste n’est autre que Ray Bradbury, l’un des plus grands auteurs de la SF !

Voilà le secret du coffret PHASE IV : il ne contient pas qu’un seul chef d’œuvre, mais bel et bien deux !

La suite fourmillante d’infos de cet article colonisera bientôt une autre page d’ESI ! Bookmark and Share


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