PHASE IV, chef d’œuvre méconnu de la Science-Fiction – 2ème partie
Article DVD Blu-Ray du Mardi 30 Juin 2020

Intéressons-nous à présent aux suppléments du coffret, parmi lesquels vous pourrez découvrir QUEST, l’un des plus beaux courts-métrages de SF jamais réalisés !

Par Pascal Pinteau

En plus de la longue fin inédite du film (hallucinante à tous les sens du terme) le coffret PHASE IV présente 7 suppléments passionnants qui permettent de découvrir l’œuvre de Saul Bass.

UNE VIE DE FOURMI , documentaire de 21 minutes, restitue le contexte de la production de PHASE IV dans les années 70, et explore les thèmes du film, grâce aux entretiens réalisés avec deux spécialistes du cinéma et de la culture populaire, Jasper Sharp et Sean Hogan.

BASS ON TITLES (1977 – Couleurs – 34 mn - Définition type Laserdisc 400p) Dans ce documentaire promotionnel, Saul Bass intervient face caméra et raconte comment il a imaginé et créé quelques-uns des génériques les plus fameux de sa carrière. Cette présentation très intéressante est hélas incomplète : les génériques réalisés pour les films d’Hitchcock, notamment, ne sont pas abordés, probablement pour des questions de droits d’image. Ce programme est en basse définition, et si cela ne nuit nullement aux propos que tient Bass, on grince des dents quand le générique de fin de WEST SIDE STORY est présenté dans une version granuleuse, délavée, et compressée horizontalement au lieu d’être montrée correctement avec des barres noires en haut et en bas, en format Letterbox, et dans une qualité acceptable.

LES 5 COURTS-MÉTRAGES DE SAUL BASS, jusque là inédits en France.

Ces films ont reçu maintes récompenses. Mêlant recherches techniques, graphiques et plastiques, ils questionnent la place de l’homme dans le monde. Un thème qui obsède Bass et que l’on retrouve abordé de différentes manières – humoristiques, dramatiques, symboliques ou factuelles - dans toutes ses réalisations.

THE SEARCHING EYE (1964 – Couleurs – 18 mn - Définition type Laserdisc 400p) Essai sur le thème de l’appréciation de la beauté sous toutes ses formes, des plus humbles et banales aux plus éclatantes. Une illustration inspirée du proverbe anglais Beauty is in the eye of the beholder / La beauté est dans l’œil de celui qui regarde. (Précisons que si Oscar Wilde l’a formulé ainsi dans un de ses texte, cet adage est apparu sous différentes formes bien avant lui. Le grand auteur de Science-Fiction H.G. Wells (L’homme Invisible, La Guerre des Mondes…) l’avait joliment adapté à sa façon, préférant dire La beauté est dans le cœur du spectateur.)

WHY MAN CREATES (1968 – Couleurs – 25 mn - Définition type Laserdisc 400p) Justement récompensé par un Oscar , ce court-métrage beau et amusant mêle prises de vues réelles, dessin animé, et effets visuels pour explorer les nombreux aspects de la pulsion créatrice des humains, de l’aube des temps au 20ème siècle.

NOTES ON THE POPULAR ARTS (1977 – Couleurs – 20 mn - Définition type Laserdisc 400p) Une série de vignettes dédiées aux rêves de ceux qui se rendent dans les salles de cinéma, regardent la télévision, écoutent la musique populaire et lisent les best-sellers. Ces petits épisodes tour à tour comiques, sarcastiques ou lyriques évoquent les multiples manières dont les arts populaires aident le public américain à se projeter dans l’imaginaire, à agrandir son horizon, sa perception du monde, et à satisfaire son besoin de fantaisie et d’évasion. Là encore, Bass utilise ses techniques de prédilection pour créer des images étonnantes.

THE SOLAR FILM (1980 – Couleurs – 10 mn - Définition type Laserdisc 400p) Dans ce vibrant plaidoyer pour l’usage intensif de l’énergie solaire, Saul et Elaine Bass rappellent de manière éloquente et hélas de plus en plus d’actualité, comment l’humanité, dans sa course technologique et consumériste, gaspille d’énormes quantités de ressources naturelles et pollue l’environnement, au lieu de préserver l’unique planète dont nous disposons.

QUEST (1983 – Couleurs – 30 mn – Définition Blu Ray 1080p) Réalisé par Saul et Elaine Bass. Scénario de Ray Bradbury, librement adapté de sa nouvelle Frost and Fire. Ce court-métrage est présenté en haute définition et en version remastérisée.

Le Pitch

Dans un monde plongé dans la pénombre, les humains ne vivent que huit jours, vieillissant à un rythme follement accéléré. Un jour, un jeune enfant est choisi pour mener à bien une mission qui pourrait tout changer. Après qu’on l’ait formé à la stratégie et aux raisonnements abstraits grâce à des jeux éducatifs, il se lance dans un voyage jalonné de pièges mortels et d’épreuves déroutantes pour tenter d’arriver jusqu’à une mystérieuse porte géante. Il faut l’ouvrir pour inonder de lumière ce monde et le revivifier. Y parviendra-t-il avant la fin de sa courte vie ? C’est l’enjeu de cette quête initiatique, pendant laquelle le héros et le spectateur iront de surprise en surprise...

En préambule, rappelons que QUEST a été réalisé en 1983, avec les limites des trucages sur pellicule disponibles à cette époque. Si votre jauge d’estimation d’un film de SF repose uniquement sur le réalisme et la modernité de ses effets visuels en 3D, gagnez du temps et passez votre chemin, car vous ne pourrez pas apprécier ce court-métrage pour ce qu’il est, une magnifique œuvre d’art qui se contrefiche de copier la réalité !

Techniquement, QUEST est daté, oui. Mais au même titre qu’une peinture romantique du 19ème siècle est moins nette et précise qu’une photo HD d’un paysage. Cela n’a strictement aucune importance, car, une fois encore, La beauté est dans l’œil du spectateur. Et si vous savez l’apprécier, si vous possédez encore ce don de l’émerveillement qui se raréfie en cette époque cynique, au lieu de ricaner des maquettes, des surimpressions, et des rétroprojections un peu floues, vous vous laisserez porter par les images sublimes d’un conte fascinant.

QUEST est à la fois le récit d’un voyage, et un voyage en lui-même. Le spectateur pressé, stressé, accro au binge watching, gagnera à le visionner un soir où il se sentira un peu plus calme que d’habitude, prêt à se laisser séduire par une belle histoire, capable de rêver.

Car c’est bien un récit onirique que Saul Bass et son épouse Elaine ont conçu, peaufinant chaque image de ce film comme un tableau, mais sans chercher à épater la galerie. Les compositions visuelles qui décrivent le monde de l’ombre sont épurées, sobres, superbes. Dans la tradition des clairs obscurs des grands maîtres. Plus tard, certains plans rendent hommage aux œuvres surréalistes de Magritte et aux perspectives impossibles des dessins de M.C. Escher. D’autres passages – notamment certaines épreuves imposées au héros – rappellent l’esthétique des premiers effets 3D de TRON, sorti l’année précédente. Le changement permanent de techniques, typique de l’œuvre de Bass, fonctionne parfaitement, car il surprend et déroute le spectateur, tout comme le héros qui découvre de nouveaux paysages irréels à traverser et autant de nouveaux pièges à éviter. Cette profusion de créativité et ces trouvailles visuelles sans cesse renouvelées ensorcèlent le regard. Offrez-vous le plaisir de voir QUEST dans cette belle copie remastérisée. Quand ce sera fait, vous constaterez que le merveilleux tour de magie signé par Saul et Elaine Bass est tout simplement inoubliable.

Pour conclure cette chronique, signalons que le visuel exclusif du coffret PHASE IV – évocateur de l’esthétique des années 70 - a été créé par Scott Saslow, graphiste freelance basé à Van Nuys, en Californie.

Saslow est spécialisé dans la création d’affiches alternatives, de visuels pour le cinéma et les éditions vidéo, et autres objets geek et pop. Ses œuvres ont été exposées à Burbank, Austin, Londres, et il s’est même amusé à concevoir 365 affiches en 365 jours. Il a aussi travaillé comme documentaliste pour un studio de cinéma, intérimaire, figurant et même cobaye pour la NASA (authentique !).

Retrouvez les créations de Scott Saslow sur www.scottsaslow.com. Bookmark and Share


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