Dave Filoni : Entretien avec l’un des talents majeurs de Lucasfilm – 2ème partie
Article TV du Lundi 12 Octobre 2020

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

En visionnant des épisodes des différentes saisons de THE CLONE WARS avant cet entretien, j’ai été surpris par les similitudes qui existent entre cette série animée et THE MANDALORIAN. Pouvez-vous nous parler de l’influence que THE CLONE WARS a eu sur la création du MANDALORIAN ?

Ce que les deux séries ont en commun, c’est déjà de raconter des histoires autour de la galaxie STAR WARS, et aussi le fait que Jon Favreau et moi avons la même sensibilité à propos des récits que nous aimons écrire et mettre en scène. Jon connaît très bien mon travail sur THE CLONE WARS et STAR WARS REBELS, et en faisant appel à moi quand la production du MANDALORIAN a été lancée, il a tenu à s’assurer qu’il y aurait une parfaite cohésion entre ce qui avait été raconté dans les séries animées, selon la vision de George, et ce que nous allions montrer dans ces nouvelles aventures en prises de vues réelles. Comme il savait que je possédais cette expérience-là, quand je lui disais ‘Tu sais, Jon, je ne crois pas que l’on puisse faire ça dans cet épisode’, il me faisait confiance, me disait OK, et nous cherchions une autre idée, plus compatible avec ce qui avait été établi. Nous avons construit ainsi une excellente collaboration. En prenant part à cette aventure, j’ai apporté à la série toutes les choses que j’aime particulièrement, et Jon a fait de même de son côté. Nous avons avancé de cette manière, en considérant tous les deux qu’il était important que l’on sente que la continuité des événements avait été respectée dans l’ensemble de ces séries, de THE CLONE WARS et STAR WARS REBELS au MANDALORIEN, et que les grandes trames narratives de l’évolution de cette saga restaient cohérentes. Nous avons eu la chance que nos visions soient parfaitement compatibles, et c’est ce qui nous a permis de former une bonne équipe. Jon se repose sur moi au sujet des événements qui doivent être reliés les uns aux autres, qu’il s’agisse d’un petit détail ou d’un élément important de la narration. Avez-vous vu tous les épisodes du MANDALORIAN ?

Oui, bien sûr, et je les ai trouvés excellents.

Merci ! Eh bien le sabre laser noir que l’on voit à la fin du dernier épisode du MANDALORIAN vient de THE CLONE WARS. C’est Jon qui a eu l’idée de le faire apparaître ainsi, tenu par Moff Gideon, que joue Giancarlo Esposito ! Cela nous a permis de créer un coup de théâtre amusant pour conclure cette première saison.



Nous avons vu le personnage de Saw Guerrera passer de THE CLONE WARS a ROGUE ONE, où il était incarné par Forest Whitaker, et à présent, Ahsoka Tano, l’un des principaux personnages de THE CLONE WARS et STAR WARS REBELS va apparaître dans THE MANDALORIAN, sous les traits de la belle Rosario Dawson…

Oui, ce sont des rumeurs pour l’instant, au moment où nous parlons.

Bien plus que des rumeurs, si l’on en croit Rosario Dawson, qui a visiblement hâte de pouvoir le confirmer officiellement ! (Dave Filoni éclate de rire) Pouvez-vous nous dire si cela signifie que nous allons voir davantage de personnages de THE CLONE WARS et d’éléments comme le sabre laser noir dont vous venez de parler dans THE MANDALORIAN ?

Je n’ai pas le droit de vous révéler des choses sur la deuxième saison du MANDALORIAN, mais effectivement, on a vu le personnage de Saw Guerrera, qui avait été créé par George, passer de THE CLONE WARS à ROGUE ONE. Une excellente collaboration a été instaurée entre les équipes qui travaillent sur les différents projets STAR WARS, et quand ROGUE ONE a été conçu et que l’on cherchait à établir la liste des rebelles qui feraient partie des héros du film, nous avons cité Saw Guerrera en disant qu’il s’agissait d’un guerrier charismatique. Et l’équipe de ROGUE ONE a retenu notre suggestion. Je pense que la logique derrière tout cela est de considérer qu’il n’est pas nécessaire de créer de nouveaux personnages quand ceux dont on a besoin existent déjà dans l’univers de STAR WARS, à l’époque où cette histoire se déroule. Le tout est de respecter l’intégrité du personnage original, car si vous le modifiez à un tel point qu’il ne se ressemble plus, l’utiliser ne présente plus d’intérêt. J’ai été confronté à cette situation très souvent pendant la production des séries animées : amener des personnages de THE CLONE WARS dans STAR WARS : REBELS n’aurait eu aucun sens, car il s’agit de situations et d’histoires très différentes. En revanche, faire venir des personnages des films en prises de vues réelles dans CLONE WARS est très cohérent, à condition de respecter la continuité chronologique des événements. Pour en revenir au sabre laser noir, transposer un accessoire d’animation 3D en une « vraie » arme que l’acteur peut tenir en main et dont la lame laser a le même rendu a été infiniment plus difficile à faire que nous ne l’avions anticipé. Comme nous ne pouvions pas reproduire le look stylisé du sabre de la série animée, il a fallu établir des différences subtiles qui le rendent plus réaliste, et qui pourraient donner aux téléspectateurs l’impression que c’est le sabre noir du MANDALORIAN qui a inspiré celui de CLONE WARS ! Il fallait que tout soit cohérent, dans un sens comme dans l’autre. Toute la difficulté du passage de l’animation aux prises de vues réelles, c’est que le public projette des choses et complète par son imaginaire les détails qui sont absents dans la représentation stylisée d’un personnage de THE CLONE WARS, tandis que les moindres détails de textures doivent paraître crédibles dans THE MANDALORIAN. Bien sûr, quand Forest Whitaker joue Saw Guerrera, il apporte énormément de choses à ce personnage. Et si nous faisons revenir Saw dans la continuité chronologique de THE CLONE WARS, il faudra se dire qu’il est devenu ce que Forest Whitaker et Gareth Edwards en ont fait. Combler tous ces « trous » dans la continuité de la saga STAR WARS représente beaucoup de travail ! On doit réfléchir à énormément de choses qui dépendent de ce qui s’est passé avant pour ne pas commettre d’erreur. Il faut réunir tout une équipe de gens très pointus pour y parvenir, mais c’est très amusant à faire, malgré tout.

Qu’avez-vous apprécié le plus, créativement parlant, en travaillant sur la première saison de THE MANDALORIAN ?

L’une de mes plus grandes satisfactions a été le plaisir de collaborer avec le vaste groupe de personnes extrêmement talentueuses qui ont travaillé sur la création de cette série. Venant de l’animation, j’avais déjà eu la chance de disposer d’une équipe géniale. Mais en passant à la conception et la réalisation d’une série en prises de vues réelles, je savais que j’allais sortir de ma « zone de confort ». En découvrant cet univers-là, je me suis rendu compte que tout était à la fois complètement différent, mais aussi remarquablement similaire par d’autres aspects. Je dois rendre hommage à Jon et à toute notre équipe, car j’ai été accueilli les bras grands ouverts, aidé, soutenu, et cela m’a permis de travailler en prenant confortablement mes marques et en faisant tout ce que je sais faire pour donner vie à des histoires qui se déroulent dans l’univers narratif et visuel de STAR WARS. Grâce à eux, je n'ai jamais été gêné par le changement de medium. Et à titre personnel, je dois dire qu’arriver sur un plateau et marcher pour la première fois dans le décor d’un épisode que j’avais écrit a été une impression fantastique, absolument inoubliable !

De quel décor s’agissait-il ?

D’une rue de Mos Eisley. Tout d’un coup, je me retrouvais aux côtés d’acteurs qui jouaient les personnages que j’avais imaginés, dans cet environnement complet que j’avais visualisé en l’écrivant. C’était dingue ! Faire cela en animation est une chose. Mais quand vous travaillez en prises de vues réelles, vous pouvez marcher dans l’univers que vous avez conçu, manipuler les accessoires, diriger les personnages en chair et en os, déclencher des explosions et le début d’une vraie scène d’action. Évidemment, cela vous donne aussi de plus grandes responsabilités, car la vision que vous avez eue est concrétisée par des équipes de centaines de personnes que vous devez diriger au mieux. C’est beaucoup de travail et un exercice très différent, mais au bout du compte, mon job est le même qu’en travaillant sur THE CLONE WARS : il faut qu’en voyant un épisode du MANDALORIAN, on se dise ‘Ah oui, là on est dans l’univers de STAR WARS !’ Ma mission est que tout cela reste authentique, fidèle à ce que George m’a appris au fil des ans. Mais passer aux prises de vues réelles a été très amusant aussi. J’ai parlé à George de cette transition d’un médium à l’autre quand il est venu nous rendre visite sur le tournage du MANDALORIAN : je lui ai dit en plaisantant ‘C’est ta faute si je me retrouve dans cette situation ! Je n’aurais jamais pensé que je ferais cela avant que nous travaillions ensemble et que tu m’enseignes tant de choses à propos de la réalisation d’un film. C’est ce qui m’a poussé à me lancer dans cette nouvelle aventure.’



Quels sont les nouveaux objectifs narratifs et visuels que Jon Favreau et vous-mêmes avez établis pour la deuxième saison de THE MANDALORIAN ?

Sans entrer dans les détails, le défi à relever consistait à raconter de nouvelles histoires intéressantes et émouvantes, à faire évoluer nos personnages, et à imaginer une arche narrative solide pour l’ensemble de ce récit. Il a fallu aussi réfléchir à l’échelle que nous voulions donner à ces aventures. Les effets visuels des films de la saga sont si spectaculaires qu’il faut que nous tentions de nous en approcher, mais avec nos moyens qui sont ceux d’une série… Bien sûr, nous avons envie que la saison 2 soit plus spectaculaire que la première, en nous inspirant de la transition de STAR WARS à L’EMPIRE CONTRE-ATTAQUE. Nous avons essayé de créer des situations avec du suspense, des surprises, tout en restant dans cet univers que nous aimons tant. Techniquement, je pense que nous avons encore mieux utilisé le système Stagecraft (le plateau entouré d’un mur vidéo circulaire géant et d’un plafond vidéo) que dans la première saison. Nous avons poussé ses applications bien plus loin, en intégrant les personnages dans les environnements de ces nouvelles aventures. Nous avons appris à combiner des effets visuels classiques et notre nouvelle méthode de trucage pendant le tournage de la première saison. Cela nous a permis de trouver de nouvelles idées de narration visuelle, et d’imaginer d’autres manières de mettre en scène et de filmer les acteurs.

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