Dave Filoni : la Force est avec lui. Entretien avec l’un des talents majeurs de Lucasfilm et du MANDALORIEN – 4ème Partie
Article TV du Mardi 03 Novembre 2020

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

A présent que vous vous êtes exprimé grâce à l’animation dans THE CLONE WARS et STAR WARS REBELS, puis en prises de vues réelles dans LE MANDALORIEN, y a-t-il un domaine que vous vous êtes mis à préférer à l’autre ?

Non, je n’ai pas de préférence particulière. Chaque domaine a ses avantages et ses inconvénients. J’aime vivre ces deux expériences. Elles sont exceptionnelles toutes les deux, chacune à sa manière, même s’il y a quelque chose que j’apprécie tout particulièrement dans le côté concret et immédiat d’un tournage en prises de vues réelles avec des acteurs. C’est extraordinairement spontané. Tout se produit devant vous dans l’instant, et une seconde après c’est fini. J’en ai longuement parlé avec Kathleen Kennedy (la PDG de Lucasfilm, NDLR), car elle m’a demandé comment j’avais ressenti ces différences entre l’animation et un tournage avec des comédiens. Je dirais que pendant la fabrication d’un épisode d’une série animée, je dispose assez longtemps de la possibilité d’intervenir en relevant l’un des sourcils d’un personnage, ou en le faisant sourire de manière plus ironique, pour donner ainsi une toute autre signification à ses propos. En tant que réalisateur d’animation, vous êtes responsable de toutes ces variables qui doivent se combiner harmonieusement, mais vous n’agissez pas directement dessus : vous guidez vos équipes en leur donnant vos indications à tour de rôle, souvent séparément. On pourrait dire que cela ressemble à une recette de cuisine à laquelle on continuerait d’ajouter de nouveaux ingrédients même pendant que la cuisson est en cours. Quand vous vous retrouvez sur un plateau de tournage, c’est très différent car vous devez tout observer et diriger en même temps. Chacune de vos instructions doit être bien pensée. Heureusement, la postproduction numérique vous permet de procéder à certaines retouches, et vous apporte beaucoup de flexibilité après coup. Mais il n’y a rien de plus magique que de réussir à créer puis à capturer un moment unique devant les caméras. J’avais envie de faire cela depuis très longtemps. Par bonheur, notre troupe d’acteurs et nos équipes techniques sont formidables et nous permettent de créer et d’enregistrer des moments vraiment exceptionnels.

Avez-vous eu le sentiment de découvrir et d’apprendre tout cela de votre côté, ou était-ce une expérience que vous partagiez avec d’autres personnes à vos côtés ?

Deborah Chow et moi réalisions au même moment des blocs de scènes de nos épisodes respectifs dans le décor de Mos Eisley, quand le tournage de la première saison a débuté. C’était formidable de pouvoir discuter avec Deb parce qu’elle était sur place, dans les mêmes environnements, et avait donc les mêmes petits problèmes à résoudre. Nous pouvions convenir des moments pendant lesquels elle allait tourner, et quand ce serait mon tour, alternativement. Cela nous a énormément aidé. D’ailleurs, tout le monde était disponible et bienveillant dans l’équipe. Je me sentais soutenu à 200%, pas seulement par Jon Favreau, mais aussi par tous les membres de nos équipes. Franchement, je dois dire que pour moi, LE MANDALORIEN est un rêve devenu réalité. Cela faisait déjà longtemps que des gens me conseillaient de passer à la réalisation en prises de vues réelles, mais j’ai pour habitude de ne pas m’impliquer dans un nouveau projet si je ne me sens pas capable de bien m’en occuper, et de gagner ainsi le respect des gens avec lesquels je vais travailler. Dans le cas du MANDALORIEN, je n’aurais pas pu me retrouver dans une meilleure situation. Et je le dis sincèrement. Cela représente énormément pour moi. J’aimerais que mon père soit encore là et puisse assister à tout cela. Il aurait été extrêmement fier de me voir travailler sur cette série, je le sais.

Parlez-vous de votre collaboration avec Jon Favreau…

Jon est passionné par le progrès, les innovations, par tout ce qui est inédit et mérite d’être exploré. Il est extrêmement intelligent, sait énormément de choses, et ses critères de qualité dans le travail sont très élevés. Je me souviens qu’il a passé la période de Noël à écrire certains des scénarios de la première saison. Il m’en a envoyé un, et je lui ai répondu ‘Jon, je suis en vacances.’ Mais il était si enthousiaste qu’il devenait impatient. Un peu plus tard, il m’a envoyé une photo de ses chaussettes, qui étaient décorées avec la silhouette de Boba Fett. Le commentaire qui accompagnait ces images était ‘J’ai tricoté ces chaussettes en moins de temps qu’il ne t’en a fallu pour lire ce script !’ C’était si drôle que je lui ai répondu ‘D’accord, d’accord, je vais le lire !’ (rires) Et dès que je m’y suis mis, j’ai tout de suite aimé l’ambiance qu’il avait créé : j’ai senti que l’on se trouvait vraiment dans l’univers de STAR WARS. Et ce n’est pas le genre de choses que je dis à la légère. C’était enthousiasmant. Cela faisait un moment que je cherchais la bonne occasion de passer à un projet en prises de vues réelles, et d’ailleurs Kathleen essayait aussi de m’y aider. Je ne pouvais pas espérer avoir un meilleur mentor que Jon Favreau pour franchir cette étape. Il est non seulement une légende Disney, mais aussi un grand cinéaste. J’ai eu une chance exceptionnelle de pouvoir travailler avec lui sur LE MANDALORIEN.

Justement, pouvez-vous nous donner un exemple de l’esprit d’innovation qui anime Jon Favreau ?

Il explore les techniques de pointe pour trouver les moyens de fabriquer de nouveaux outils de narration visuelle. J’avais déjà apprécié tout ce qu’il avait réussi à accomplir dans LE LIVRE DE LA JUNGLE, et ce film m’avait beaucoup inspiré. J’ai retrouvé cette innovation mise au service du récit dans le travail qu’il a réalisé pour LE ROI LION. Pour moi, LE MANDALORIEN était une occasion unique de collaborer avec quelqu’un qui travaille dans un registre proche du mien, tout en sachant que j’allais devoir me hisser au niveau de Jon, ce qui allait être un énorme défi créatif et narratif. Mais il n’y a rien de mieux pour progresser. Ce qui est intéressant dans mon parcours, c’est qu’il a été entièrement tracé par STAR WARS, puisque j’ai eu le privilège exceptionnel d’avoir George Lucas puis Jon Favreau comme mentors. Je suis conscient de la chance exceptionnelle qui m’a été donnée.

Le prochain épisode de notre dossier consacré au MANDALORIEN apparaîtra bientôt sur ESI !

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