WANDAVISION : Entretien avec Jac Schaeffer, chef scénariste et Matt Shakman, réalisateur, les créateurs de la série des Studios Marvel – 1ère partie
Article TV du Jeudi 28 Janvier 2021

Par Pascal Pinteau

Entretien avec la chef scénariste & productrice exécutive Jac Schaeffer et le réalisateur & producteur exécutif Matt Shakman.

Jac Schaeffer
a débuté sa carrière en 2009 en tant que scénariste, productrice et réalisatrice du film TIMER. Elle a signé pour Disney le scénario du court-métrage JOYEUSES FÊTES AVEC OLAF, et du film THE HUSTLE avec Anne Hathaway et Rebel Wilson. Elle a également participé à la conception de l’histoire du film BLACK WIDOW, avec Scarlett Johansson, pour les Studios Marvel.

Récemment, Matt Shakman a mis en scène les épisodes LE BUTIN DE GUERRE / THE SPOILS OF WAR et FORT-LEVANT / EASTWATCH de la 7ème saison de GAME OF THRONES, qui ont récolté certaines des meilleures critiques de toute la série, plusieurs épisodes de THE BOYS pour Amazon, BILLIONS pour Showtime, et SUCCESSION pour HBO, ainsi que le pilote de la série THE GREAT pour Hulu, avec Nicholas Hoult et Elle Fanning, qui lui a valu une nomination à l’Emmy Award du meilleur réalisateur de série comique.



Comment présenteriez-vous le concept de WANDAVISION ?

Matt Shakman :
C’est un mélange atypique de sitcoms « classiques » comme MA SORCIERE BIEN-AIMÉE ou I LOVE LUCY, d’intrigues, de mystère dans l’esprit de LA QUATRIEME DIMENSION et de scènes d’action à grand spectacle avec nos super-héros, comme on s’attend à en voir dans les blockbusters des Studios Marvel.

-Est-ce que vous parodiez les sitcoms célèbres des années 50 à 90, ou avez-vous cherché à les reproduire, à les imiter fidèlement ?

Matt Shakman :
Nous avons voulu leur rendre hommage. C’était un point très important pour toute notre équipe, à commencer par Kevin Feige qui a eu cette idée. Nous n’avons jamais eu l’intention de les considérer de manière ironique, d’autant plus que nous avons tous une véritable affection pour ces séries qui ont bercé notre enfance. Elles font partie de nos vies, et c’est d’ailleurs assez touchant, je trouve, que la première série des Studios Marvel soit justement un hommage sincère à ces sitcoms qui ont fait l’histoire de la télévision.

Jac Schaeffer : Il faut préciser que quand la série débute, nous jouons aussi avec le format de l’image. On retrouve Wanda et Vision dans une sitcom en noir et blanc des années 50, avec un cadre au format 4/3, dit « carré », sans aucune explication préalable. L’action débute immédiatement ainsi, et on se retrouve dans une « vraie » sitcom. Avec ses codes, ses quiproquos, ses répliques comiques, etc. Et au fur et à mesure que le temps passe, Wanda et Vision évoluent dans les différentes époques de ces séries : par exemple, les couleurs surgissent quand on arrive dans l’ambiance des années 60. Et nos héros s’en accommodent, comme les personnages de sitcoms qui affrontent les situations les plus délirantes, parfois. Comme la série nous laisse plus de temps pour décrire la vie de couple de Wanda et Vision, nous avons pu faire ce que l’on n’a jamais fait dans les films du MCU, c’est-à-dire les montrer dans l’intimité de leur foyer, pendant qu’ils discutent de tout et de rien, préparent le petit déjeuner le matin, se retrouvent en fin de journée, font la vaisselle…Et voir Elizabeth Osen et Paul Bettany les jouer dans ce contexte domestique est vraiment drôle et charmant. Mais cette existence apparemment tranquille n’est pas exactement ce qu’elle semble être, et on va s’en rendre compte progressivement.

Matt Shakman : Chronologiquement, je précise que WANDAVISION se déroule après les événements décrits dans AVENGERS: ENDGAME. Dans le premier épisode, Wanda et Vision viennent de se marier et débutent leur nouvelle vie dans une petite ville tranquille de banlieue. Vision a trouvé un emploi dans une société, fait la connaissance de son patron autoritaire et impressionnant, de ses collègues, tandis que Wanda s’occupe du foyer et fait connaissances avec ses voisines en cherchant à faire bonne impression. Bien sûr, Wanda et Vision agissent de manière à dissimuler leurs pouvoirs à leurs nouveaux amis, et ils sont contents de mener cette existence paisible. Tout semble aller pour le mieux, mais quand on leur pose des questions sur leur passé, et qu’on leur demande d’où ils viennent, ils constatent qu’ils sont absolument incapables de répondre. C’est à partir de ce moment-là qu’ils se rendent compte que les choses qui les entourent ne sont pas exactement ce qu’elles paraissent être.

Matt, vous avez été acteur pendant votre enfance et vous avez joué vous-même dans des sitcoms. Comment avez-vous utilisé cette expérience unique dans votre travail sur la série ?

Matt Shakman :
Ce projet représentait un défi très personnel et très particulier pour moi, car j’ai effectivement passé toute mon enfance non seulement à jouer dans des sitcoms, mais aussi à visiter les plateaux des grandes séries comiques des années 80, et à m’amuser dans les décors extérieurs des studios, qui étaient en quelque sorte ma cour de récréation. C’était comme remonter le cours du temps et replonger dans ces souvenirs pour mieux recréer certaines ambiances que j’avais connues à cette époque.

Quels sont les projets de Wanda et de Vision quand la série débute ?

Jac Schaeffer :
Eh bien, dans le premier épisode, ils s’installent dans cette charmante petite ville, juste après leur mariage. Ils sont follement amoureux, et il n’y a pas la moindre trace des Avengers ou de tout ce que nous connaissons du MCU dans cet environnement. Ils mènent donc une vie presque normale, à la différence près qu’elle est une sorcière et lui un androïde. D’un geste, elle peut faire voler, sécher et ranger les assiettes dans les placards de la cuisine, et lui est capable de changer de densité et traverser des objets solides. Mais ce qu’ils souhaitent plus que tout, c’est de s’intégrer au plus vite dans cette petite communauté, de se faire de nouveaux amis, et d’y vivre heureux. Comme dans toutes les sitcoms, il y a bien sur des situations embarrassantes et des malentendus, des voisins un peu trop curieux, de petites catastrophes à rattraper, mais au fil des épisodes, nous voyons apparaître des sortes de manques inexplicables, des « trous » dans la trame de cet univers un peu trop lisse et trop parfait. Nos héros se demandent pour quelle raison ils ne parviennent pas à se souvenir d’où ils viennent ni exactement quand ils se sont mariés. Cela intrigue Wanda, mais quand les choses deviennent un peu trop étranges, trop inquiétantes, elle prend peur et préfère faire un pas en arrière, un geste magique, et profiter encore des choses plus rassurantes qui l’entourent.

Comment avez-vous préparé les acteurs à jouer dans l’esprit des sitcoms du passé, en raison de l’approche choisie pour WANDAVISION ?

Matt Shakman :
C’était très important pour nous de bien préciser d’emblée à toute l’équipe que nous n’allions pas parodier ni même caricaturer un peu les sitcoms, mais les évoquer le plus fidèlement possible, en leur rendant hommage. Nous avons étudié le ton de ces épisodes, le style de la réalisation, du jeu des comédiens, le traitement des décors, l’écriture des dialogues, des plaisanteries, etc. Nous sommes même allés jusqu’à organiser un « camp d’entraînement aux sitcoms » avec toute la distribution, avant le tournage. Nous avons regardé ensemble des épisodes cultes de MA SORCIERE BIEN AIMÉE, I LOVE LUCY, et du DICK VAN DYKE SHOW (série des années 60, inconnue en France, mais cultissime et toujours extrêmement populaire aux USA, NDLR), et nous les avons analysés, décortiqués en détail pour bien assimiler ce qui était spécifique dans le traitement des images et du son des séries de ces différentes époques, ainsi que dans la pronociation des dialogues, le jeu et la gestuelle des acteurs. Nous voulions nous assurer d’être totalement fidèles à ces séries qui ont marqué leur époque, et nous nous sommes mêmes entretenus, quand c’était possible, avec les personnes qui avaient travaillé sur ces séries pour en savoir encore plus. Kevin Feige, le président des Studios Marvel, et moi avons eu la chance et le privilège de déjeuner avec le génial Dick Van Dyke avant de lancer la production de WANDAVISION. Et c’était fantastique de l’entendre nous raconter en personne comment ils avaient développé le DICK VAN DYKE SHOW qui était l’une de nos principales sources d’inspiration pour le premier épisode de notre série. Nous avons bénéficié aussi de l’aide d’un formidable répétiteur de dialecte qui a aidé les comédiens non seulement à prendre les intonations qui correspondaient exactement à chaque époque, mais qui vérifiait aussi que les expressions employées dans les dialogues étaient justes, et qu’il ne subsistait pas d’anachronismes. Nous avons tenu compte également de l’évolution du sens de l’humour au cours des décennies, car il change beaucoup d’époque en époque.

La suite de notre dossier WANDAVISION apparaîtra bientôt dans les pages d’ESI, et ce ne sera pas une illusion !

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