MINUIT DANS L’UNIVERS sur Netflix : Double compte à rebours pour la survie de l’humanité – 2ème partie
Article Cinéma du Lundi 15 Fevrier 2021

Par Pascal Pinteau

Devant et derrière la caméra

George Clooney a occupé trois fonctions sur MINUIT DANS L’UNIVERS puisqu’il était à la fois coproducteur, réalisateur, et l’un des acteurs principaux. Son personnage, l’astronome Augustine, est un homme seul, usé, prématurément vieilli, qui a assisté à l’effondrement de la civilisation en utilisant les équipements de communication de la base arctique dans laquelle il travaille. « Augustine a accompli des choses assez surprenantes dans son domaine de compétence, mais il est parvenu en sacrifiant ses relations avec les autres », raconte Clooney. « Les regrets qui en découlent sont douloureux. » Le poids du passé sur Augustine a passionné Mark L. Smith : « Je me suis focalisé sur cela dès le début car il s’agit de l’élément central de l’histoire. Tout le monde peut s’identifier à quelqu’un qui essaie de re?parer un tort et de corriger une erreur qu’il a commise. Peu importe où vous vivez et quelle langue vous parlez. » Et George Clooney a saisi cette occasion, livrant une interprétation émouvante dans la droite ligne de sa composition d’agent de la CIA en perdition dans SYRIANA (2005), récompensée par un Oscar. Dans son jeu, il exprime le besoin irrépressible d’Augustine de reprendre contact avec le monde extérieur. « J’ai adoré ce rôle » déclare Clooney, ajoutant avec un sourire en coin : «En fait, je suis plus jeune qu’Augustine ne l’est dans le livre. Il est sensé avoir 70 ans, et je ne ressemble pas encore à un homme de cet âge-là. J’aime prétendre que l’on m’a énormément maquillé pour me vieillir. Mais les conditions de travail en Islande et mes responsabilités de réalisateur ont beaucoup joué sur mon aspect dans ce film. » Grant Heslov a été impressionné par l’engagement total de Clooney devant et derrière la came?ra : « George a du jongler constamment entre ses différentes casquettes et je ne sais pas comment il a réussi à tout gérer aussi bien », s’étonne le producteur. « Son interprétation d’Augustine est l’une de ses meilleures performances, une vraie métamorphose. Avoir autant de responsabilités l’a probablement aidé, car il était en mode surmenage, et son personnage avait besoin d’être dans cet état d’esprit, d’agir avec cette fébrilité.» Augustine souffre d’une maladie sans nom, qui décime la planète et nécessite des transfusions sanguines constantes. Pour Clooney, également en charge du rythme des journées de tournage en tant que réalisateur et producteur, cette transformation physique présentait un défi particulier, car il ne s’agissait pas de se laisser simplement pousser la barbe : « Je voulais qu’on ait l’impression que je suis en phase terminale d’une maladie comme un cancer du poumon ou une autre affection causée par la pollution de l’environnement. Mais quand on perd beaucoup de poids, on perd beaucoup d’énergie. Il fallait donc que je reste dans un équilibre très difficile à préserver afin de pouvoir jouer un homme en fin de vie tout en étant encore capable de donner des directives efficaces à l’équipe de tournage. » Alors que les collègues d’Augustine et leurs familles ont fui la station de recherche, le scientifique a décidé de rester sur place. A sa grande surprise, il découvre qu’il a de la compagnie en la personne d’une petite fille accidentellement oubliée. La jeune actrice irlandaise Caoilinn Springall, âgée de six ans seulement au moment du tournage, joue le rôle avec une candeur extraordinaire. « Je lui disais : "OK. Montre-moi que tu as peur", on faisait une prise, et c’était parfait », se souvient Clooney. « Ensuite, après lui avoir dit, "Maintenant, montre que tu es triste", c’était pareil, elle réussissait sa scène du premier coup. Elle nous a tous bluffés, nous les comédiens adultes qui avons nos petits trucs pour arriver à exprimer une émotion. » La découverte de la fillette est l’un des moments pivots de cette histoire, comme l’explique Mark L. Smith :« J’étais séduit par l’idée d’une histoire père-fille. Un adulte et une enfant qui entreprennent un voyage difficile, dangereux, et luttent ensemble contre les éléments. Leur aventure se déroule dans le futur, mais elle pourrait tout aussi bien avoir lieu aujourd’hui. »



De l’autre côté des étoiles

Pendant ce temps, à des millions de kilomètres, sur le vaisseau spatial Aether, l’astronaute Sully tente de rétablir la communication avec la Terre qui reste mystérieusement silencieuse. Pour tenir ce rôle complexe, il fallait faire appel à une actrice capable d’exprimer une grande empathie. La production a pensé d’emblée à Felicity Jones, que les amateurs de science-fiction ont découverte dans le rôle principal de ROGUE ONE, A STAR WARS STORY, en 2016. « Felicity était excellente dans UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS, tout comme dans les autres projets auxquels elle a participé », s’enthousiasme le réalisateur. « Elle dégage une certaine douceur, mais on peut facilement l’imaginer être très convaincante en astronaute chargée des communications d’une mission spatiale de deux ans. Son registre est très vaste et elle est parfaitement capable de relever ce défi. » Les différentes facettes du personnage de Sully ont vite convaincu la comédienne : « J’ai été très touchée à la lecture du scénario et tout aussi émue par le livre. L’histoire s’est ancrée en moi à un tel point que je ne pouvais pas m’empêcher de penser à Sully et à ses collègues à bord du vaisseau spatial, flottant dans le néant, essayant de trouver un sens à leurs vies et une connexion avec leur monde. Tout cela a stimulé ma créativité. Je voulais creuser davantage la personnalité de Sully, comprendre qui elle était. »

Un tournage par moins quarante degrés

Après la validation du script et la distribution de l’ensemble des rôles, le projet pouvait entamer les phases de développement visuel et de préparation technique du tournage. Si George Clooney et Grant Heslov avaient décidé d’emblée que le film serait tourné avec la caméra grand format Arri Alexa 65 millimètres puis retravaillé numériquement, il semblait évident que la meilleure solution pour tourner des scènes d’isolement dans des conditions hivernales consisterait à le faire dans des décors naturels. La production s’est donc installée sur le glacier de Vatnajokull, la plus grande calotte glaciaire d’Islande - et la deuxième de toute l’Europe - où les blizzards blancs et les panoramas enneigés n’auraient pas besoin d’être simulés. « L’Islande est un pays magnifique », s’émerveille Heslov. « Nous tournions à cinq heures et demie de route de Reykjavik, au milieu de nulle part. Selon le temps, il fallait jusqu’à deux heures pour nous rendre au camp de base où se trouvaient les remorques et les camions. Et puis de là, nous devions monter sur des motoneiges pour arriver à destination. » S’il était lui aussi impressionné par la beauté de ce paysage, George Clooney n’oubliait pas ses dangers inhérents : « C’était un véritable glacier. On nous conseillait de ne pas trop nous éloigner, car nous aurions pu tomber d’une falaise de 450 mètres de haut. Des experts nous entouraient pour nous empêcher de faire des bétises. Mais c’était très amusant de se promener en motoneige et de vivre ce genre d’aventure…pendant un certain temps. Nous n’aurions pas pu filmer ces scènes ailleurs. » Le mois d’octobre était le seul moment où le tournage pouvait avoir lieu dans des conditions favorables. Un peu plus tôt, il n’y aurait pas de neige. Plus tard, il ferait beaucoup trop froid. Mais cela ne signifie pas que l’équipe a travaillé dans un contexte vraiment confortable : « La glace que vous voyez dans ma barbe est réelle », raconte Clooney. « Si je rentrais à l’intérieur d’une tente pour me réchauffer pendant 10 minutes, cette glace fondait. Pour que mon aspect reste le même dans le plan suivant, je montais sur une motoneige, je pulvérisais de l’eau sur ma barbe et tout gelait à nouveau en quelques secondes. Mais il fallait être prudent : quand j’enlevais mon masque pour les besoins d’une scène, mes paupières gelaient et mes yeux se fermaient au bout de 30 secondes. Nous ne pouvions filmer qu’une minute au grand maximum. » Le directeur de la photographie de MINUIT DANS L’UNIVERS, Martin Ruhe, a travaillé auparavant avec Clooney lorsque ce dernier a réalisé deux des six épisodes de la minisérie CATCH-22. Cette fois-ci, Ruhe devait parvenir à restituer le côté poétique de l’histoire en utilisant la lumière de l’Islande, en dépit de la rudesse de son climat. Comme l’écrivain Colson Whitehead l’avait dit dans sa critique du roman : « Lily Brooks-Dalton est une chroniqueuse extraordinaire des espaces désertiques, qu’il s’agisse de l’étendue froide de l’univers ou des recoins les plus profonds du cœur humain. » Pour évoquer tout cela, Ruhe devait tirer parti de ce que la nature lui imposait. « C’est le lieu de tournage qui a dicté la façon dont nous filmions », explique-t-il. « Nous nous trouvions au cœur de vraies tempe?tes, et nous tournions sur un glacier difficile d’accès. Nous avons donc adopté une attitude pragmatique, en utilisant des équipements aussi petits que possible pour pouvoir être mobiles et réussir vite nos plans. Il fallait penser constamment à la santé et la sécurité de toute l’équipe. Nous tournions une histoire de survie, mais nous avions parfois l’impression de la vivre réellement nous aussi ! Malgré tout cela, je dois avouer que j’aime que l’endroit où l’on filme vous impose la manière dont vous allez procéder. » Quand Augustine s’aventure dans l’immensité enneigée pour accéder à un satellite de communication encore en état de marche, il emmène avec lui la petite fille qui lui tient compagnie. Ce qui impliquait que Clooney tourne ces scènes dans des conditions extrêmes avec Caoilinn Springall, alors âgée de six ans. « Caoilinn est irlandaise, c’est une dure é cuire» plaisante Clooney. « Moi aussi, je suis irlandais. C’est une simple promenade de santé pour nous, comme si nous nous rendions au pub ! Caoilinn était à l’arrière de la motoneige avec moi, par -40 degrés, avec des vents de 110 kilomètres/heure. On avait parfois l’impression qu’elle allait s’envoler quand nous marchions, mais c’était comme un jeu pour elle. Sa mère était toujours présente. Personne n’a été mis en danger. Nous étions tous reliés les uns aux autres et équipés de sifflets et de lampes. Elle ne s’est jamais plainte une seule fois. »

La suite de notre dossier MINUIT DANS L’UNIVERS apparaîtra bientôt sur ESI. Bookmark and Share


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