ZACK SNYDER’S JUSTICE LEAGUE : les coulisses de la renaissance d’un film – 2ème partie
Article Cinéma du Lundi 19 Avril 2021

Par Perry White

Zack et Deborah Snyder ont donc présenté soigneusement leur projet à HBO Max. Et c'est alors que la pandémie a éclaté. Si les perspectives de faire aboutir le "director's cut" de JUSTICE LEAGUE semblaient s'éloigner, Deborah Snyder ne l'entendait pas ainsi. "Au contraire, je pensais que c'était le bon moment de se lancer", précise-t-elle. "D'abord parce que beaucoup de productions devaient s'interrompre. Ensuite parce que de nombreuses entreprises avaient désormais du temps libre pour un projet comme le nôtre – des entreprises qui, sans nous, n'auraient peut-être pas été en mesure de poursuivre leur activité, tant elles étaient durement frappées par les conséquences de la pandémie et l’arrêt de la production cinématographique. C'était formidable de pouvoir soutenir des prestataires avec qui la Warner et nous-mêmes travaillions depuis si longtemps".

À l'instar des univers parallèles bien connus des aficionados de la BD, cette version née de l'imaginaire de Zack Snyder mêle passé et présent. Il aura en effet fallu utiliser l'intégralité des images tournées par le cinéaste pour la première version, à l'exception d'une séquence qui a mûri dans l'esprit de Snyder pendant des années (mais nous y reviendrons un peu plus tard…). Junkie XL, alias Tom Holkenborg, compositeur d'origine de JUSTICE LEAGUE (mais écarté au profit de Danny Elfman pour la version « Whedon » du film sortie en 2017), a écrit une partition inédite de quatre heures. Les équipes d'effets visuels se sont attelées à des milliers de plans qui nécessitaient d'être travaillés ou retravaillés.

"Le plus difficile a été de mettre ce projet en chantier sans l'ébruiter", signale la productrice. "Nous ne voulions pas que quiconque en découvre l'existence avant qu'un accord formel n'ait été conclu ou avant qu'on ne l'annonce nous-mêmes publiquement. La plupart de nos prestataires se sont démenés pour faire aboutir ce projet car ils avaient, eux aussi, le sentiment d'aller au bout d'un périple. Leurs contributions avaient été dénaturées, si bien qu'en voyant leurs idées d'origine ressuscitées, ils étaient aussi heureux que nous".

Une sortie en salles était hélas inenvisageable, Deborah et Zack Snyder et HBO Max ont collaboré pour offrir une expérience cinématographique – sur petit écran – aux abonnés. La plateforme a même travaillé avec le cinéaste et sa productrice sur une série de six "chapitres" interactifs :

1 - "Ne Compte pas là-dessus, Batman !" 2- "L'époque des héros" 3- "Mère bien-aimée, fils bien-aimé" 4- "Changeur de monnaie" 5- "Tous les chevaux du roi" 6- "De plus en plus sombre" Épilogue

En observant la barre de défilement du temps au bas de l'écran, on y aperçoit des repères pour chaque chapitre. De cette manière, si on n'a le temps de voir qu'une seule partie, il est très simple par la suite de reprendre le visionnage là où on s'est arrêté.

"C'était idéal de travailler avec HBO Max car nous avons vraiment eu la possibilité d'explorer les personnages en profondeur, ce qui aurait été impossible avec une version destinée à une sortie en salles", explique Deborah Snyder. "Les fans de la première heure visionneront le film dans son intégralité, tandis que d'autres le verront par petits bouts. Pour nous, c'était important de faire en sorte que les gens disposent de plusieurs options de visionnage".

Entretien Avec Zack Snyder

Comment pourriez-vous raconter l'histoire de JUSTICE LEAGUE à quelqu'un qui ne connaît pas la première version ?


C'est l'histoire d'une bande de marginaux. Ce sont des super-héros, certes, mais ils sont tous un peu rebelles, et chacun d'entre eux possède certains pouvoirs nécessaires pour sauver la planète. Le film raconte comment ces âmes en peine unissent leurs forces et forment une famille. Ils se rapprochent et s'associent dans le but de faire le bien et de sauver le monde. Mais chemin faisant, ils s'engagent dans un périple cathartique qui leur permet d'affronter leurs propres démons et d'aller mieux au bout du compte.

Avez-vous toujours été amateur de BDs ?

J'ai toujours aimé les livres illustrés. Quand j'étais gamin, j'adorais Heavy Metal Magazine (L’adaptation américaine du magazine français Métal Hurlant, NDLR) qui était une publication d'heroic fantasy pour adultes sur laquelle je suis tombé très jeune. Trop jeune. Elle a vraiment façonné mon style. Du coup, pour vous répondre, oui, je suis fan d'histoires illustrées depuis très longtemps. C'est une forme d'expression qui a nourri mon approche cinématographique, très visuelle, de la narration.

Dans un film de quatre heures, on a le temps de développer plusieurs univers. Comment avez-vous décidé lesquels méritaient plus d'attention que les autres ?

Au départ, Chris Terrio et moi savions qu'il y aurait peut-être d'autres films de la saga à venir : il y avait un film sur The Flash en tournage avec un grand rôle pour Cyborg, et le film sur Wonder Woman n'était pas encore sorti. On a travaillé avec les auteurs de THE FLASH et je me suis pas mal investi dans l'écriture de WONDER WOMAN. Par ailleurs, on envisageait deux suites à JUSTICE LEAGUE où l'on pourrait développer les trajectoires des personnages qu'on avait élaborées en détail. Notre idée était de faire la connaissance de Cyborg qui était censé être la colonne vertébrale du film. À l'époque, on n'avait pas encore imaginé de film entièrement consacré à Cyborg. Du coup, on a surtout fouillé le parcours personnel de Cyborg et on a réfléchi à ce qui le motive et l'anime.

La littérature autour de l'univers DC est foisonnante et chacun a sa propre vision de cette mythologie. Comment avez-vous choisi la documentation vous servant de sources d'inspiration et les éléments qu'il fallait créer ?

Avec Chris, on savait ce qu'on voulait raconter. Je m'appuie essentiellement sur des ouvrages reconnus qui font autorité, mais je m'inspire également d'auteurs que j'aime bien. Outre le classique de Jack Kirby consacré aux Nouveaux Dieux, on s'est intéressés à la relecture de la 'Justice League' proposée par Grant Morrison et Alex Ross. J'envisage ces adaptations cinématographiques comme un auteur de BD qui s'attaque à un personnage dans une saga de bande-dessinée. La plupart du temps, ils ont des idées originales et imaginent des rebondissements inattendus. C'est aussi notre approche. Nous proposons notre point de vue sur ces personnages, et d'autres auteurs après nous en proposeront une interprétation différente. Je trouve que c'est très sain pour la BD et la mythologie, et j'espère que cela se pérennisera. Même pour des super-héros, certaines trajectoires sont inhabituellement longues. Pour que les personnages composant la Ligue des Justiciers aient un minimum de densité, il fallait comprendre qui ils sont et ce qui les a empêchés de s'unir. Dans la BD, l'histoire des origines de tous ces héros est bien connue. On s'en est largement inspirés. Quand on fait découvrir un nouveau super-héros, c'est important de savoir ce qui l'anime et d'où il tient ses pouvoirs. Sur le plan mythologique, l'histoire des origines et la source des pouvoirs sont souvent liées. On tenait vraiment à savoir d'où venaient ces personnages. On a ensuite évoqué en détails où ils en sont dans leur parcours quand on les retrouve et qu'ils s'apprêtent à rejoindre la Ligue des Justiciers.

Je sais que vous avez essentiellement utilisé les images existantes, mais le film dure quatre heures… Avez-vous tourné de nouvelles scènes ? La seule séquence inédite est celle entre Batman et le Joker. Tout le reste n'est composé que des images de la première version.

Vous découvrirez la suite de cette conversation avec Zack Snyder dans la prochaine partie de notre dossier. Bookmark and Share


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