Avant-première BLACK WIDOW : Entretien avec le scénariste Eric Pierson – 2ème partie
Article Cinéma du Vendredi 25 Juin 2021

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Avez-vous eu plus de mal à écrire les scènes avec Natasha parce qu’elle a été peu loquace sur ses sentiments jusqu’à présent ?

C’est ce qui m’a semblé très intéressant, au contraire. Natasha est apparue sept fois dans des films Marvel, et en raison de l’attitude « fermée » du personnage, il n’avait pas pu être développé autant que les autres protagonistes du MCU. Elle aide toujours les autres à avancer, à se sortir de situations dangereuses, mais ne se révèle jamais en le faisant. Ce n’est que dans INFINITY WAR et finalement dans ENDGAME qu’elle s’ouvre de plus en plus. BLACK WIDOW nous donne l’opportunité de nous confronter à cette attitude et de comprendre comment les circonstances de sa vie passée l’ont amenée à devenir celle qu’elle est. Tout en progressant dans la narration de l’intrigue, nous révélons peu à peu de nombreuses parties de sa vie qui étaient restées secrètes jusque là. Et cela nous permet de comprendre les émotions qui l’ont poussée à prendre certaines décisions dans INFINITY WAR et dans ENDGAME. C’est donc très stimulant de travailler sur un personnage aussi fermé et de lui faire retrouver des gens de son passé qui la connaissent bien, et devant lesquelles elle ne peut plus faire l’impasse sur ses secrets !

Avez-vous collaboré directement avec Scarlett Johanssen sur les parties du script qui concernaient Natasha et son passé ?

Oui, et d’ailleurs j’ai eu l’agréable surprise que Scarlett me téléphone alors que je ne m’attendais absolument pas à cela. En commençant à parler avec elle, je me suis mis à penser ‘Ah oui, c’est bien la voix autour de laquelle tout ce film a été construit’. (rires) Nous avons discuté pendant une bonne heure de tous les points qu’elle avait abordés avec la réalisatrice de BLACK WIDOW, Cate Shortland. Elles avaient envie d’aller au cœur du personnage pour explorer ses émotions intimes, et voulaient révéler les aspects de sa vie qui intriguaient le public depuis sa première apparition dans le MCU. Après, environ une semaine avant le début du tournage, il y a eu une lecture du script avec Scarlett, Rachel, Florence et David, et une série de répétitions plus poussées des scènes principales. Collaborer avec Scarlett est très agréable parce qu’elle analyse bien le script et fait toujours des remarques intéressantes et justifiées. Mais c’est aussi stressant parfois, parce qu’elle est perfectionniste et très exigeante. Si elle s’interrompt pendant la répétition d’une scène et dit ‘Désolé, mais ça ne fonctionne pas’, vous vous dites ‘Oh bon sang, je suis dans un sacré pétrin !’ (rires) On en discute ensemble, et Scarlett nous met vite sur la voie pour que les dialogues lui conviennent et qu’elle puisse jouer la scène en se sentant à l’aise. C’est compliqué car il faut avoir de la ressource et trouver des idées efficaces au bon moment, mais au final, cela contribue à améliorer le film pendant le tournage. Et relever ces défis au jour le jour est satisfaisant, à un niveau créatif.

Est-ce que vous recherchez ce type de collaboration avec les acteurs des films sur lesquels vous travaillez ?

Non, car c’est très stressant ! (rires) Mais ça fait partie du job ! C’est normal que l’on se rende compte que certaines scènes ne fonctionnent pas telles qu’elles ont été écrites quand les acteurs les interprètent pour la première fois. Les lectures du script sont justement faites pour cela, et les répétitions avant le tournage aussi. Le pire, c’est quand cela se produit pendant que l’on filme, parce que l’on n’a pas pu repérer ces problèmes avant. Cela arrive quand l’acteur en question n’a été disponible qu’à partir du début du tournage et pas avant. On se retrouve alors au pied du mur, contraint de trouver instantanément de nouvelles idées, parce que tout le monde veut recommencer à filmer au plus vite, vu le coût faramineux de l’heure de tournage d’une superproduction. Là, vous subissez une pression maximum. Le temps manque, et vous sentez que toute l’équipe attend d’appuyer sur le bouton « on » pour se remettre à bosser ! (rire) Cela dit, après coup, je suis content d’avoir contribué à trouver des solutions. Mais pendant que cela se passe, c’est une épreuve qui met vos nerfs à rude épreuve. Vous avez l’impression que le sort du film tout entier repose sur vous et la pression est énorme ! Le point positif de ces situations, c’est que personne ne réagit en disant ‘oh, ce n’est pas grave, c’est assez bien comme ça.’ Tout le monde a envie que le résultat soit le meilleur possible.

Et de votre côté, vous arrive-t-il de prendre l’initiative de proposer une autre version de certaines répliques parce que vous sentez qu’une actrice ou un acteur n’est pas à l’aise avec cette partie du texte ?

Absolument. Je vais à sa rencontre entre deux prises et je lui dis ‘Si vous pensez que cette réplique ne fonctionne pas pour vous, on peut essayer de trouver autre chose ensemble.’ Quand cela se produit, tout le monde est ouvert à cette collaboration, et les conversations qui s’ensuivent sont toujours intéressantes. Ces dialogues avec les acteurs sont très enrichissants pour un scénariste.

Natasha affronte deux ennemis coriaces dans le film, Taskmaster, et le général Dreykov, son ex mentor, qui dirige toujours la Chambre Rouge, l’organisation secrète qui forme les Veuves Noires. Pourriez-vous nous dire comment vous avez approché les scènes dans lesquels ces personnages apparaissent, pour les rendre originales et surprenantes ?

Le nom du général Dreykov avait été cité par Loki dans le premier AVENGERS, et nous sommes partis de là pour imaginer le passé et la vie de ce personnage. Je dirais que Dreykov utilise la psychologie pour exercer son emprise, tandis que Taskmaster représente la force brute, les muscles, avec une petite touche de T-1000 par-dessus tout cela ! (rires)

En quel sens ?

Taskmaster n’abandonne jamais. Même si vous croyez vous en être débarrassé, il va se relever et revenir vous attaquer en étant encore plus dangereux, parce qu’il aura assimilé la manière dont vous vous êtes défendu, et la retournera contre vous en la reproduisant parfaitement. En gérant ces ennemis de Natasha, j’ai essayé de créer un monstre à deux têtes, avec Dreykov dans le rôle du manipulateur et Taskmaster dans celui de la menace physique quasiment insurmontable, qui va défoncer un mur de briques avec ses poings pour vous poursuivre et vous éliminer.

Pouvez-vous nous parler des relations qui existent entre Natasha, Melina, et Yelena ?

Je vais commencer par les rapports entre Natasha et Yelena. Dans les comics, Yelena est un personnage assez important. Elle a été formée elle aussi par la Chambre Rouge pour devenir une Veuve Noire, et quand Natasha part à l’Ouest, elle la considère comme une traîtresse et agit en ennemie farouche, en défendant les intérêts du bloc de l’Est. Dans notre film, leur relation est plus subtile que cela. Nous montrons dans le prologue qu’elles ont eu un attachement proche de celui de deux sœurs. Enfin, plus précisément de deux sœurs qui sont constamment en train de se disputer, comme cela arrive souvent dans la vie ! (rires) Mais quand elles se retrouvent, elles se découvrent un objectif commun qui va les rapprocher l’une de l’autre. L’une des choses qui m’intéressaient dans cette histoire, c’est qu’elle se déroule après CIVIL WAR, alors que Natasha est une fugitive recherchée par le Général Ross et ses troupes. Quand j’ai pitché à Kevin Feige les éléments que j’avais envie de développer dans le script, je lui ai dit que dans cette situation, tout ce que Natasha avait à faire en allant se cacher à l’Est, c’est simplement de ne rien faire et de rester tranquille en profitant de la vie sous une fausse identité. Bref, se détendre en faisant profil bas. Mais c’est précisément à ce moment-là que Yelena déboule et vient percuter frontalement ses plans, en les faisant voler en éclats. Dès que cela se produit, elles n’ont plus d’autre choix que celui d’affronter ensemble un ennemi commun, et Natasha doit renoncer à son exil tranquille. En ce qui concerne Melina Vostokoff, que l’on connait sous le nom de la Veuve de Fer dans les comics, elle a été une sorte de mère de substitution pour Yelena et Natasha pendant une mission qui a duré assez longtemps, celle que l’on découvrira dans le prologue. Tout comme Alexei Shostakov a été une figure paternelle. Dans les comics, Alexei est le Gardien Rouge, l’équivalent russe de Captain America. Mais nous montrons dans le film qu’il a connu ensuite un sort nettement moins glorieux que celui de Steve Rogers. Bookmark and Share


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