BLACK WIDOW : Entretien avec la réalisatrice Cate Shortland
Article Cinéma du Lundi 05 Juillet 2021

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

La réalisatrice australienne Cate Shortland s’est fait connaître en remportant de nombreux prix internationaux, notamment pour ses films LE SAUT PERILLEUX (SOMERSAULT – 2004) qui a révélé Sam Worthington, et le thriller psychologique BERLIN SYNDROME (2017). BLACK WIDOW est son premier blockbuster américain.

BLACK WIDOW est un film d’aventures rempli d’action, mais qui surprend aussi par ses scènes émouvantes. Comment avez-vous abordé ce projet et réussi à trouver le bon équilibre narratif entre émotion et grand spectacle ?

Dès que nous avons commencé à parler du projet avec Kevin Feige, l’équipe des Studios Marvel et avec Scarlett Johansson, nous savions que BLACK WIDOW allait devoir traiter plusieurs sujets importants : nous permettre de découvrir qui est Natasha en tant qu’individu, apprendre ce qui lui est arrivé dans le passé, et comprendre pourquoi elle a vécu l’essentiel de sa vie en solitaire, comme on le voit au début du film, alors qu’elle est devenue une fugitive traquée par le général Ross, dans le contexte de AVENGERS CIVIL WAR, en 2016. Nous savions aussi que nous voulions que le résultat final soit très divertissant, avec des moments d’action époustouflants, aussi intenses que ce que l’on ressent dans une attraction de parc à thème. Je crois donc que nous avions tous envie de parvenir à créer ce mélange, en donnant un aspect âpre et réaliste aux scènes d’action, en construisant des relations crédibles entre Natasha et son ancienne « famille » et en nous débrouillant pour entremêler tout cela de manière naturelle. Nous avons décidé de placer toujours Natasha au centre de ce qui arrive, en prenant garde à ne pas laisser les traumatismes de son passé alourdir cette histoire, et en présentant progressivement des réponses à ses interrogations. Et heureusement, nous avons souvent réussi à faire cela en nous appuyant sur l’humour, ou sur des situations insolites.

Comme le prouve la scène des retrouvailles entre Natasha et Yelena, sa « petite sœur » d’espionnage, qui débute par un combat absolument hallucinant…

Oui, et que nous avons tourné pendant une période de canicule ! Je me souviens qu’il faisait tellement chaud que nous devions régulièrement arrêter de filmer, parce que le décor se transformait en intérieur de four à micro-ondes ! (rires) C’était étouffant. Malgré tout, nous étions tous impressionnés par l’énergie et la concentration déployées par Scarlett et par Florence pendant ce combat. En les observant, on avait le sentiment qu’elles faisaient cela sans effort, alors que c’était un véritable exploit physique. A chaque fois qu’elles s’arrêtaient pour faire une pause, elles ruisselaient de transpiration. Nous les vaporisions avec de l’eau pour les rafraîchir un peu, et nous recommencions. Elles ont été fantastiques !

Les différents styles de combat reflètent toutes les capacités de Natasha. Avez-vous consulté les caractéristique de sa gestuelle dans les films de la saga AVENGERS, le superviseur des cascades et vous-même, afin de vous en inspirer ?

Je dirais que nous avons essayé d’aborder différemment chacun des combats du film, en fonction de ce que nous devions raconter dans cette histoire. Par exemple, en ce qui concerne la scène du pont où Natasha lutte contre Taskmaster, on voit que son adversaire est capable d’imiter tout ce qu’elle fait. Et quand Natasha constate cela, elle comprend qu’il est inutile de puiser dans ses capacités les plus pointues, car elles vont être copiées aussitôt et utilisées contre elle. La seule solution consiste à déstabiliser Taskmaster par l’esquive et la ruse. Pour les autres combats, nous avons essayé de les rendre chaotiques, imprévisibles, comme des bagarres de rues qui dégénèrent.

C’est effectivement l’énergie qui se dégage pendant l’affrontement dans l’appartement entre Natasha et Yelena…

Oui, car elle se retrouve en face d’une adversaire formidablement coriace. Ces combats sont rapides, surprenants, âpres et paraissent « bruts ». Ils vont droit au but, en générant des dégâts terribles. Mais ils restent cependant amusants à regarder, comme nous le souhaitions depuis le début. Quand nous avons réfléchi à la chorégraphie de ces scènes, j’ai dit que je voulais voir des humains en train de se battre, et non pas des super-héros. Et une fois que cela commence, les protagonistes improvisent au fur et à mesure. Kevin Feige, le patron des Studios Marvel, nous disait qu’il voulait que chacun de ces combats ait des enjeux parfaitement clairs. Il ne s’agissait pas de créer des chorégraphies parfaites, mais d’imaginer des petits moments d’accidents, des choses qui ratent, des événements inattendus qui vous amènent dans une autre direction, et tout cela a été extrêmement amusant à imaginer et à tourner.

BLACK WIDOW s’intègre dans l’immense trame narrative du MCU. Est-ce que cela a changé beaucoup de choses pour vous, comparé à vos films précédents ?

C’était très similaire quand nous nous trouvions sur le plateau, parce que j’étais totalement concentrée sur ce que Florence, Rachel , David ou Scarlett étaient en train de faire. Du coup, j’arrivais à en oublier l’énorme infrastructure de l’ensemble, pour me focaliser sur l’instant présent que nous créions. Mais concrètement, beaucoup de choses sont différentes par rapport à un film d’auteur à budget réduit. Pour arriver sur le plateau, il vous faut marcher pendant 20 minutes au milieu de 500 camions et 400 personnes. Et tout a été préparé auparavant dans les moindres détails par cette équipe gigantesque. On participe à énormément de réunions préparatoires, avec beaucoup de gens assis autour de la table, pour parler des objectifs importants à atteindre, et tout régler au mieux. Kevin m’a donné dès le début de précieux conseils pour apprendre à gérer ces réunions, et cela m’a bien aidée. Je suis une femme assez timide, et je préfère parler seulement à quelques personnes à la fois. Mais il faut se familiariser au fonctionnement de ces grands groupes. Ce que j’en ai retiré de très positif, et qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses au passage, c’est que j’ai pu m’appuyer sur les compétences de ces professionnels, en leur parlant franchement et en leur faisant confiance. Quand vous entamez une collaboration avec Marvel, vous pensez que tout va se passer comme chez les grands studios Hollywoodiens. Mais en fait, je n’ai rencontré que des gens enthousiastes et honnêtes qui voulaient m’aider à faire un bon film. C’était vraiment beau de découvrir cet esprit de collaboration, toute cette entr’aide pour amplifier et améliorer nos idées.

Pouvez-vous nous donner un exemple précis de scène qui a été amplifiée par les apports créatifs de l’équipe ?

Oui : au départ, toute la séquence du goulag consistait à montrer trois types dans une sorte de terrain vague grillagé ! (rires) Et à force d’échanger des idées pour lui donner plus d’ampleur, c’est devenu un morceau de bravoure du film, avec des décors énormes, 500 figurants, des combats incroyables, et un cataclysme naturel en plus ! (rires). J’ai adoré cela, et toute l’expérience de la préparation et du tournage de BLACK WIDOW !

La suite de notre dossier Top Secret sur BLACK WIDOW sera bientôt révélé sur ESI. Bookmark and Share


.