Notre visite du tournage de FREE GUY – 4ème partie
Article Cinéma du Lundi 06 Septembre 2021

Shawn Levy et Ryan Reynolds parodient l’univers des jeux vidéo et la banalité du quotidien dans une aventure de science-fiction drôle et touchante.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Suite de notre entretien avec Shawn Levy, réalisateur, producteur, co-scénariste & Ryan Reynolds (Guy) producteur, co-scénariste.

Guy veut-il vivre sa propre vie de manière normale, ou aimerait-il aussi pouvoir se comporter comme le font les joueurs dont les avatars se déchainent dans les rues de la ville ?

Ryan Reynolds : Il aspire à une vie normale, mais c’est surtout le développement de ses liens sentimentaux qui va le motiver. D’ailleurs, c’est l’aspect de cette histoire qui m’a le plus intrigué quand on m’a parlé de ce concept d’un guichetier de banque qui découvre qu’il n’est qu’un personnage d’arrière-plan dans un jeu vidéo. J’ai tout de suite trouvé cette idée géniale, mais ce sont les aspirations de Guy qui font que l’on s’attache à lui et que l’on a envie de le voir réussir. Bien sûr, il attend plus de choses de son existence, et veut devenir une vraie personne. Et il doit aussi gérer le trouble qu’il ressent en apprenant qu’il n’est pas réel alors qu’il se sent réel. Il doit affronter puis surmonter ce choc existentiel énorme tout en agissant pour le bien de Free City, et il fait ainsi des choses audacieuses, dangereuses qui vont constituer les morceaux de bravoure de cette aventure.

Avez-vous joué avec les jeux vidéo dont le film s’inspire, même indirectement ?

Shawn Levy : Je voudrais insister sur le fait qu’aucun jeu réel n’est mentionné ni évoqué directement dans le film. Mais pour compléter ce que Ryan a répondu à la question précédente, je dois dire que Guy ne souhaite pas s’échapper du monde du jeu dans lequel il vit, il veut simplement agir pour avoir un impact sur Free City, pour changer les choses, et pour pouvoir reprendre le contrôle de sa propre existence. Il ne veut absolument pas fuir. Maintenant, pour revenir aux jeux vidéo, la ville de Guy et le nom du jeu vidéo dans lequel il vit portent le même nom : Free City. Dans le film, nous utilisons des éléments qui peuvent faire penser à GRAND THEFT AUTO, d’autres à FORTNITE, mais rien n’est directement reproduit ou cité, qu’il s’agisse des moments d’action ou des règles de ces jeux. On pourrait dire que nous nous inspirons surtout de la culture des jeux vidéo, et des caractéristiques de cet univers.

Ryan, pouvez-vous parler de l’éveil de votre personnage, de sa prise de conscience ?

Ryan Reynolds : Cela se passe en plusieurs étapes. Guy remarque d’abord des choses qui lui semblent étranges alors que personne ne s’en soucie autour de lui. Une fois qu’il décide d’agir et de sortir de sa routine, il franchit un point de non-retour. Et à partir du moment où Guy apprend qui il est et que son monde est menacé, il décide de tout faire pour le protéger, même s’il n’a pas été programmé pour agir ainsi. Il veut transformer Free City, la rendre meilleure. Et au lieu des schémas répétitifs de son ancienne vie, il veut pouvoir enrichir la palette de son existence, avoir de nouveaux choix, de nouvelles possibilités. Pour vous et moi, décider ce que nous voulons faire est normal, alors que pour Guy, qui était l’esclave de sa programmation, c’est un concept absolument incroyable ! En agissant, il va pouvoir échapper à ces contraintes, comme s’il sortait d’une prison.

Guy est-il le seul personnage de Free City à être conscient qu’il n’est qu’un personnage de jeu vidéo ?

Ryan Reynolds : Ah, là c’est un sujet très délicat ! Je préfère ne pas répondre ! (rires)

Shawn Levy : Vous êtes français ?

Oui.

Shawn Levy : Ça ne m’étonne pas : vous posez des questions perspicaces sur le script. Sans entrer dans les détails, je peux vous dire que c’est effectivement un thème que l’histoire du film explore.

Dans la scène que nous venons de vous voir tourner avec Jodie Comer, Guy est allongé sur le sol, comme s’il avait été tué dans le jeu, avant de ressusciter. Est-ce bien ce qui se passe à ce moment de l’histoire ?

Ryan Reynolds : Non. Mais ce qui se produit dans cette scène fait partie des effets visuels du film que je préfère.

Shawn Levy : Sans vous révéler exactement de quoi il s’agit, je peux vous dire que cette scène est issue d’une phrase que Ryan avait prononcée pendant nos sessions d’écriture, il y a plusieurs mois de cela, en commençant par ‘Et que diriez-vous si…’ Ce qu’il nous a expliqué ensuite était un concept d’action si original visuellement qu’il fallait absolument l’intégrer au film. FREE GUY est mon 12ème film, et l’expérience que j’ai acquise m’a appris à être attentif à chaque fois qu’une des personnes de l’équipe me dit ‘Et si nous faisions cela ?’, car il peut s’agir de ce qui deviendra l’un des meilleurs moments d’une scène. Aujourd’hui, cinq mois après cette session, l’idée de Ryan se concrétise et va prendre vie à l’écran.

Ryan Reynolds : C’est très agréable de travailler dans cette ambiance de confiance et d’écoute. Toutes les idées que l’on lance de cette manière ne sont pas forcément bonnes, mais c’est satisfaisant de pouvoir les proposer à des collègues auxquels on fait confiance, et de voir comment ils réagissent.

Shawn parlait de l’innocence de votre personnage. Guy est-il l’exact opposé de Deadpool, dont la vision du monde est extrêmement sarcastique ?

Ryan Reynolds : Guy est pur mais pas niais : il est capable de dire des choses assez drôles, basées sur l’observation sincère d’une situation. Quand nous avons imaginé Guy, nous nous sommes un peu inspirés du personnage de jardinier que jouait Peter Sellers dans BIENVENUE MISTER CHANCE. Un homme simple et tellement ouvert qu’il est comme une toile blanche sur laquelle les gens projettent les idées qu’il leur inspire. Nous avons gardé un peu de cette notion dans le film, car les gens du monde réel qui observent Guy pendant qu’il agit dans le jeu commencent eux aussi à imaginer des choses sur lui.

Shawn Levy : Et comme Chance le jardinier, Guy possède cette simplicité humaine et cet attachement aux choses essentielles qui lui confère la sagesse des innocents.

Utilisez-vous le thème de l’existence préprogrammée de Guy dans le jeu pour évoquer certains aspects de nos vraies vies que nous ne pouvons pas contrôler ?

Shawn Levy : Tout à fait. Je me souviens d’ailleurs que Ryan et moi avions parlé de ce sujet dès notre premier rendez-vous de travail sur FREE GUY. Nous aimions beaucoup le fait que cette histoire soit une comédie qui permette de commenter l’univers des jeux vidéo, et qui bénéficie d’un potentiel visuel quasi illimité, mais les thèmes du film nous intéressent parce qu’ils ont un rapport direct avec nous tous, avec tout le monde. Chaque être humain a envie de pouvoir écrire sa propre histoire. Il n’aime pas conformer sa vie à ce que l’on attend de lui, car il espère en faire ce qu’il a choisi qu’elle soit. Le second thème sous-jacent qui nous a beaucoup plu est celui de la prise de conscience de Guy. Vous savez, quand on se retrouve dans une situation bancale ou un environnement qui est loin d’être idéal, on peut facilement se dire, ‘Tout ça n’est pas terrible mais je m’en accommode car je ne peux rien y faire’, parce que c’est plus confortable de ne pas se mettre en danger. Par contre, puiser en soi l’énergie de dire ‘Je ne vais plus rester à l’arrière-plan et subir cette situation. Même si je ne peux apporter qu’un tout petit changement à mon niveau, ça vaut quand même la peine d’essayer d’avoir un impact sur les choses ’ est une décision beaucoup plus difficile à prendre, mais infiniment plus gratifiante. Et cette idée se trouve vraiment au cœur de notre histoire.

Ryan Reynolds : Oui. Pour certaines personnes, faire un petit geste qui sort de l’ordinaire est déjà un grand pas en avant. Mais de nombreuses petites actions qui s’ajoutent les unes aux autres peuvent générer beaucoup de changements positifs dans le monde. Nous avons tous eu l’occasion de voir cela se produire. Parfois, il suffit de tourner juste très légèrement le gouvernail pour que le bateau avance à nouveau dans la bonne direction.

ESI reviendra bientôt sur la création de FREE GUY, avec d’autres interviews des concepteurs et des acteurs de cette réjouissante fable de SF ! Bookmark and Share


.