MOURIR PEUT ATTENDRE : Les coulisses Top Secrètes du tournage – 6ème Partie
Article Cinéma du Dimanche 24 Octobre 2021

LES COSTUMES ET LES DÉCORS EXTÉRIEURS

Depuis que Ian Fleming l’a vêtu de sa tenue préférée – un costume droit de couleur bleu marine, avec un nœud de cravate à quatre mains ( un « four-in-hand », jamais de Windsor!) –, James Bond a redéfini l’image de l’espion. Avant 007, l’agent secret type se dissimulait derrière un long manteau et un chapeau à large bord. La chef costumière Suttirat Anne Larlarb explique: « Bond a changé tout cela. Quand vous êtes costumière sur un James Bond, une lourde responsabilité pèse sur vos épaules! » Créer les costumes de la plus longue franchise cinématographique au monde constitue un énorme défi logistique, compte tenu du nombre de personnages importants, de la nécessité de gérer de multiples costumes et d’organiser des centaines d’habillages répétitifs. La chef costumière explique que la clé du succès repose sur la collaboration. Elle détaille: « Tout le monde s’attend à ce que James Bond soit l’homme le mieux habillé de la planète, et de cela découle notre association avec certaines marques. Toute une série de collaborations ont été mises en place autour du film. »

C’est évidemment la collaboration entre la créatrice des costumes, le metteur en scène et les comédiens qui s’avère la plus déterminante. Tous les costumiers chevronnés savent bien que les vêtements sont une prolongation du personnage, et personne ne comprend mieux les personnages que ceux qui leur donnent vie. Lashana Lynch, qui joue le rôle de l’agent double-0 Nomi, précise que Suttirat Anne Larlarb adopte pleinement cette approche. Elle se souvient: « Suttirat est très volontaire pour collaborer, et c’est formidable. La première fois que je l’ai rencontrée, nous avons longuement discuté de l’identité de Nomi et des particularités que nous pourrions intégrer à son costume pour qu’elle se sente l’âme d’une battante lorsqu’elle est en mission. Quelles sont les choses qui la représenteront le mieux? Qu’est-ce qui lui permettra d’être à l’aise, mais aussi de se sentir sexy et en maîtrise? » Elle remarque: «Suttirat a une façon bien à elle de vous cerner immédiatement. Elle lit les gens très facilement et très vite, et elle travaille en prenant en compte chaque partie de votre corps. » Léa Seydoux acquiesce: « Suttirat a fait un travail tellement formidable! Nous voulions pour Madeleine quelque chose d’intemporel, d’à la fois simple, féminin et sophistiqué sans excès. Il fallait une simplicité qui parle à toutes les femmes, et Suttirat l’a tout à fait compris. » Suttirat Anne Larlarb porte un très grand soin aux détails. Elle mentionne par exemple les longues conversations qu’elle a eues avec Ralph Fiennes au sujet de la façon dont M pouvait boutonner son col. « Les vêtements de M semblent assez sobres, il porte des costumes classiques, mais nous avons discuté des heures de la façon dont son personnage dans ce film particulier pourrait renaître comme une nouvelle version de M . » Outre les héros, Suttirat Anne Larlarb a également habillé les méchants, notamment le dernier ennemi de Bond, Safin. Selon elle, la garde-robe du méchant peut être la plus exotique de toutes, car le personnage n’est pas nécessairement lié à des attentes préexistantes. La chef costumière explique: « De mon point de vue, les vêtements de Safin sont l’élément le plus inventé du film; nous les avons conçus en partant de zéro. À travers toute une série de dessins, de recherches et de prototypes, nous avons mis au point les tenues de Safin et de tous ses sbires. » Comme elle l’avait fait pour 007 lui-même, Suttirat Anne Larlarb a passé en revue les styles et les approches utilisés pour habiller les précédents méchants de la saga Bond. Elle commente: « Ils sont devenus des icônes, ils sont même parodiés. Et pourtant, il y a chez eux une ligne directrice à laquelle je voulais absolument rendre hommage. » La garde-robe d’un méchant de Bond se définit souvent par sa simplicité, avec un soupçon d’exotisme ou de mystère, et l’on retrouve cet esprit dans la première tenue que la chef costumière a créée pour Safin. Celui-ci apparaît au début du film dans une tenue de chasse, le visage dissimulé par un masque de théâtre nô.

Suttirat Anne Larlarb explique : « Le masque nô est dépourvu d’expression, et selon la façon dont l’acteur se déplace ou en fonction de l’éclairage, il peut susciter différentes émotions. Il peut être tour à tour effrayant, serein ou agressif. Ces trois descriptions correspondaient exactement à la manière dont Safin devait être perçu. » Évidemment, en matière de garde-robe, aucune collaboration n’est plus importante que celle entre la chef costumière et Daniel Craig. Elle raconte : « Nous avons longuement discuté et échangé pour nous assurer que Bond allait de l’avant, muni du bagage de ses incarnations précédentes. Il ne fallait pas oublier l’héritage de Bond en général, tout en veillant à le faire évoluer vers l’avenir. » James Bond est à la retraite au début de cette aventure, et Suttirat Anne Larlarb note que l’un de ses défis sur le nouveau film était de savoir comment habiller Bond alors qu’il n’est plus membre des services secrets de Sa Majesté. Elle explique : « Il devait donner l’impression d’être un Bond complètement différent, un Bond qu’on ne reconnaît pas, qui ne s’habille pas comme on s’y attend, toujours impeccable et dans des tenues à la coupe parfaite. Il fallait qu’on le sente détendu. Il devait être intégré dans son environnement tout en se démarquant quand même. Nous étions donc tiraillés entre deux directions opposées. » « Heureusement, poursuit-elle, quels que soient les vêtements que vous donnez à Daniel, il les porte très bien, il s’agissait donc pour nous simplement de trouver des pièces qu’on ne s’attend pas à le voir porter quand il vit à Londres, ou dans ses missions sur le terrain. » Suttirat Anne Larlarb poursuit: « Pour habiller Bond loin du service actif, le secret réside dans son essence même, son instinct et la coolitude inhérente au personnage. Nous voulions donner l’impression que dans tout ce qu’il possède, rien n’a été trop pensé ou trop élaboré, qu’il a un sens naturel du style sans avoir à réfléchir. »

« Nous aimions l’idée d’une silhouette pour ne pas distraire l’attention par les motifs, les formes ou les détails. On le perçoit comme une silhouette, et parce que c’est un pays tropical et qu’il fait très chaud, il fallait des vêtements un peu plus amples, mais quand même toujours ajustés pour mettre en valeur son superbe physique. » La pièce maîtresse de la garde-robe de Bond reste bien sûr son smoking, qui, dans MOURIR PEUT ATTENDRE, a été confectionné par Tom Ford. Le créateur de mode a habillé pour la première fois le commandant Bond dans SKYFALL, en 2012. Suttirat Anne Larlarb commente : « Le smoking est probablement l’élément le plus emblématique de la garde-robe de James Bond, donc pour MOURIR PEUT ATTENDRE, j’ai revisité ce que chaque Bond avait porté comme tenue de soirée dans tous les films avant celui-ci, puis j’ai prêté une attention particulière à ce que Daniel avait porté dans les précédents films qu’il avait tournés. Nous avons tout de suite su que nous ne répéterions pas quelque chose qui avait déjà été vu. Nous voulions quelque chose de spécial. »

LES SITES DE TOURNAGE

Les lieux où se déroule l’histoire sont toujours un ingrédient fondamental des films de James Bond. Ils reflètent l’atmosphère et le ton du récit et transportent le public dans des endroits du globe magnifiques, redoutables ou exotiques. Selon le régisseur général Charlie Hayes, Cary Fukunaga et le chef décorateur Mark Tildesley ont toujours été très précis quant aux lieux qu’ils souhaitaient : « Ils devaient toujours évoquer une ambiance ou un sentiment, tout en étant adaptés à l’action et aux éléments de décor. Mark Tildesley avait sur son mur un étonnant tableau qui exposait toutes les émotions de chaque scène du film au fur et à mesure que nous avancions, ainsi que les couleurs qu’ils désiraient. » Charlie Hayes et le régisseur superviseur Ben Piltz ont ensuite travaillé en étroite collaboration avec Cary Fukunaga, Mark Tildesley et les producteurs pour trouver les lieux qui correspondaient à ces attentes. Ils ont commencé par la Norvège, qui est le premier lieu vu dans le film, dans la séquence précédant le générique de début.

La Norvège

Barbara Broccoli explique: « Nous savions que nous allions devoir nous rendre en Scandinavie car le père de Madeleine, M. White, était scandinave. Il fallait que ce soit un endroit où toute la famille se serait cachée. Un lieu inaccessible, loin de tout. » Altaussee, en Autriche, où Bond avait traqué White dans 007 SPECTRE, a été une source d’inspiration visuelle. Le temps que Cary Fukunaga avait passé en Norvège avant de rejoindre le projet en a été une autre. Le réalisateur explique: «Tous les lieux se sont imposés assez naturellement. J’avais passé un certain temps en Norvège et j’étais tombé sous le charme des paysages de ce pays. Et comme l’acteur jouant M. White, Jesper Christensen, est danois et que Léa est française, nous avons décidé que nous pouvions faire de Madeleine une Norvégienne. » La production s’est alors mise à la recherche d’une maison isolée à l’architecture traditionnelle. Le régisseur général Charlie Hayes commente : « Nous recherchions ce sentiment d’isolement pour donner l’impression que M. White et sa famille avaient pu se cacher et se couper du monde. Et bien sûr, cela rend la séquence d’ouverture d’autant plus frappante et effrayante. » Ils ont choisi une forêt commerciale juste au nord d’Oslo, et ont construit la maison sur site, sur un grand lac. Charlie Hayes explique: « La maison elle-même a été bâtie sur le lac plutôt que sur la rive, car cela fonctionnait mieux en termes créatifs. Les structures existantes que nous avions trouvées ne correspondaient pas tout à fait quant à la géographie et à la composition de la scène que Cary avait en tête. » La construction de la maison sur le lac a apporté son lot de challenges. Le régisseur confirme: « L’équipe norvégienne avec laquelle nous avons travaillé a d’abord été un peu déroutée par notre demande. Et puis, lorsque nous avons tourné, la température a commencé inévitablement à remonter et nous avons vu la glace s’amincir sous nos pieds. C’était sans danger, bien sûr, mais cela faisait quand même un drôle d’effet. » Une partie de la section se déroulant en Norvège, qui comprend une autre poursuite en voiture et à moto, a été filmée en fait au Royaume-Uni, sur le domaine d’Ardverikie dans le parc national écossais des Cairngorms, et dans le grand parc de Windsor. Charlie Hayes explique : « Cette poursuite en voiture les mène sur la route de l’Atlantique, la route océanique la plus incroyable de Norvège, puis dans la forêt, et ces images ont été tournées en Écosse, dans différents endroits du domaine d’Ardverikie. »

« La partie finale de cette poursuite a été filmée dans les bois de Buttersteep, qui fait partie de la forêt commerciale rattachée au Windsor Great Park. Nous avons donc réparti la partie norvégienne sur un bon nombre de sites. »

L’Italie

Après les paysages hivernaux gelés et intimidants de la Norvège, le film passe à la douce lumière du sud de l’Italie. Les films de James Bond sont étroitement associés à ce pays, en particulier sous l’ère Daniel Craig: CASINO ROYALE, QUANTUM OF SOLACE et 007 SPECTRE comportent tous des scènes s’y déroulant. Cary Fukunaga explique: « Ce pays était le cadre idéal parce qu’ils partent au soleil couchant à la fin de 007 SPECTRE, et quel pays est plus romantique que l’Italie? En plus, la ville antique de Matera est tout simplement incroyable, il fallait absolument qu’on aille y tourner. » La production a choisi Matera pour y situer la poursuite en voiture palpitante de la séquence prégénérique. Michael G. Wilson commente: « L’Italie offre une grande variété de lieux de tournage. Nous aimons ce pays. Bond l’aime aussi. Matera est visuellement magnifique, et c’est en outre un endroit idéal pour une poursuite en voiture. » Matera est une ville très ancienne qui sert souvent de lieu de tournage pour des productions bibliques ou classiques, cependant elle était ravie d’accueillir un film contemporain avec une séquence d’action exaltante. C’est à Matera que Bond remplit une mission personnelle, avant d’être attaqué et de se lancer dans une poursuite en voiture dans les rues étroites et sinueuses. Charlie Hayes, le régisseur général, déclare: « Là-bas, les routes sont étroites et courtes, c’est loin d’être un endroit évident pour une poursuite en voiture, mais une grande partie du succès de cette séquence tient au fait que nous utilisons l’environnement et les véhicules d’une façon inattendue. »

Une autre scène importante qui se déroule en Italie se joue à la gare de la commune de Sapri, dans le sud-ouest du pays. Les cinéastes ont été reconnaissants de l’aide de Trenitalia, les autorités ferroviaires italiennes. Charlie Hayes commente : « Il est difficile de filmer dans une gare, où que ce soit dans le monde. Vous ne pouvez pas trop perturber le fonctionnement habituel. Nous devions trouver un endroit où le service des trains puisse continuer à fonctionner autour de nous, et où une partie de la ligne puisse être consacrée à faire avancer et reculer en toute sécurité notre train, le Frecciarossa, pour filmer les plans dont nous avions besoin. » « Trenitalia a été enthousiaste et nous a soutenus. Nous voulions être sûrs de n’avoir oublié aucun détail et que tous les aménagements étaient appropriés et solides. »

Vous découvrirez les exploits réalisés par le chef décorateur du film dans la suite de notre dossier 007 ! Bookmark and Share


.