Dans les coulisses de DUNE, le film-événement de Denis Villeneuve – 10ème partie
Article Cinéma du Dimanche 31 Octobre 2021

C’est la quatrième fois que Donald Mowat , chef-maquilleur, chef-coiffeur et prothésiste, travaille avec le cinéaste. Il reconnaît que, contrairement à d’autres collaborateurs du film, « je n’avais pas lu le livre ! J’ai commencé à regarder la précédente adaptation cinématographique, mais je l’ai interrompue parce qu’elle parasitait ma méthode de travail. Je souhaitais surtout m’attacher au scénario et aux story-boards pour permettre à Denis de concrétiser sa vision du projet et aux acteurs de mettre en valeur leur contribution ». Il évoque ses créations pour DUNE comme « ancrés dans la réalité, avec un mélange de modernité et d’inspiration historique, qu’il s’agisse du maquillage ou des coiffures des comédiens et des figurants ». Nourri par ses recherches en anthropologie, en histoire de l’art, en cinéma, en photographie et même en matière de vie monastique, Mowat a conçu des styles différents pour chacun des nomades Fremen. Les soldats des Atréides ont une allure paramilitaire bien nette avec les cheveux coupés court et un rasage de près. « Je privilégie toujours la retenue », indique Mowat, « mais même avec ce parti-pris, le maquillage et la coiffure peuvent se révéler difficilement convaincants pour le spectateur – il faut travailler avec rigueur pour que le résultat n’ait pas l’air artificiel. La simplicité et le naturalisme sont bien plus difficiles à obtenir que les gens ne le croient ». La créativité du chef-maquilleur a été remarquée par les acteurs. Évoquant Dame Jessica, Rebecca Ferguson déclare : « On avait convenu que Jessica devait presque avoir l’air éteinte dans son allure, parce qu’elle n’est pas l’épouse légitime du Duc Leto, mais qu’elle est une concubine. Elle est très puissante, sans jamais rechercher l’attention. Elle protège le Duc, marchant un pas derrière lui, loin de la lumière. Du coup, Donald a conçu une allure très simple et naturelle, presque sans maquillage, qui lui convient parfaitement ». « L’allure de Rebecca et Timothée dans le film est saisissante », ajoute Mowat. « Il y a quelque chose d’atemporel chez tous les deux ». Josh Brolin, sous les traits de Gurney Halleck, porte une cicatrice soigneusement élaborée par souci de réalisme, de nuance et de cohérence dramaturgique.

Pour Stilgar, chef des Fremen, Mowat précise : « J’ai travaillé avec Javier Bardem en étroite collaboration pour mettre au point un style qui lui plaise vraiment : des tatouages délavés et un maquillage estompé pour les yeux. Du point de vue de la caractérisation du personnage, ce style me semble très singulier car Javier n’a jamais eu cette allure au cinéma ». Les Harkonnen, qui sont imberbes, portent un maquillage couleur ivoire, des cache-sourcils, et de faux crânes chauves, ce qui leur donne une allure très stylisée. Les cruels Sardaukar se distinguent par un style plus viril : ils portent la barbe avec des cheveux courts plaqués en arrière et un tatouage sur le front. Le maquillage de Dave Bautista et de David Dastmalchian était assez complexe, comprenant notamment le tatouage sur la lèvre caractéristique des Mentat (également appliqué, bien entendu, à Stephen McKinley Henderson, sous les traits du Mentat Thufir Hawat). Mais le Baron Harkonnen était sans doute le personnage le plus difficile à maquiller. « C’était une tâche immense, car Stellan Skarsgård est dans une combinaison prosthétique recouvrant tout le corps, qui le représente ‘nu’. Avec un tel personnage, le maquillage peut emprunter la mauvaise direction en un rien de temps. Ça peut devenir risible, car dès qu’on met un acteur dans un tel costume, on pense à [la série] Little Britain ou à AUSTIN POWERS », confie Mowat.

Dans le même état d’esprit que Jacqueline West et Morgan, Mowat révèle que, pour le Baron, il s’est inspiré « du personnage campé par Marlon Brando dans APOCALYPSE NOW et L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU, une sorte de brute épaisse et cruelle ». Mowat a sollicité les artistes prothésistes suédois Love Larson et Eva von Bahr, et la création de la combinaison a été longue et difficile : un moulage du corps de l’acteur a tout d’abord été réalisé, comprenant visage et tête. Le duo a été impressionné par la patience et le cran de l’acteur. « Stellan a été incroyable. Il a dû se tenir debout et immobile parfois pendant deux heures tout en ayant sur lui une épaisse couche de silicone avec des bandes de plâtre pour servir de structure et maintenir la forme du silicone », explique Larson. « La tête et les épaules ont été réalisées séparément et ça a dû être très oppressant mais il ne s’est jamais plaint ». L’équipe a été surprise en découvrant que le Baron Harkonnen allait être nu pendant presque tout le film. « Denis et Stellan aimaient son allure quand il était nu et, du coup, les costumiers Jacqueline West et Bob Morgan ont conçu de nouvelles tenues avec une matière plus fine qui laissait voir son corps », poursuit Larson.

Six costumes ont ainsi été réalisés dans les ateliers de Stockholm en mobilisant l’équipe suédoise habituelle et en recrutant deux sculpteurs venus d’Espagne pour achever le moulage du corps. Les combinaisons devaient convenir pour les scènes où le Baron Harkonnen est dans son bain, ce qui a représenté une difficulté supplémentaire pour l’équipe des prothésistes. « On a fait des essais avec la totalité de la combinaison dans l’eau et on a vite constaté qu’elle flottait trop et que ce serait franchement difficile de le faire aller sous l’eau », précise Eva von Bahr. « Il y avait aussi un autre problème quand on arrivait à le mettre dans l’eau : la combinaison agissait comme une éponge, elle absorbait trop de liquide et devenait si lourde que c’était presque impossible de le sortir de l’eau ! » Mais l’immersion dans la baignoire n’a pas été le seul défi, puisque le Baron Harkonnen est aussi capable de flotter dans les airs. Pour ces séquences, des trous ont été percés dans la combinaison pour y installer les sangles des harnais et l’équipe était constamment sur le qui-vive pour accueillir Skarsgård lorsque celui-ci revenait à terre.

Il fallait près de sept heures pour que l’acteur enfile la combinaison entière et l’équipe a conçu un système pour que cette étape soit aussi confortable que possible. « Il faisait très chaud dans ce costume si bien qu’il enfilait d’abord une combinaison rafraîchissante, ce qui le soulageait un peu. On commençait alors à lui installer sa prothèse crânienne pour cacher ses cheveux puis celle du cou et enfin celle du visage qui s’ajoute à l’arrière, celle-ci étant l’une des plus grandes. Puis, on ajoutait le menton, suivi de chaque pommette séparément et enfin les lobes d’oreilles. L’étape suivante consistait à fixer les prothèses des mains par-dessus ses phalanges, lesquelles pesaient presque 4 kilos. Enfin, on lui mettait sa sous-combinaison musculaire suivie par la celle imitant la peau », détaille Eva von Bahr. « C’était un vrai travail d’équipe », reprend Mowat. « Mes collaborateurs ont été formidables et leur investissement, comme leurs efforts sans relâche, se voient à l’image. Les acteurs, eux aussi, étaient magnifiques et je suis très heureux de les avoir aidés à créer leurs personnages ». Bookmark and Share


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