VENOM : LET THERE BE CARNAGE : Dans les coulisses du combat des symbiotes – 3ème partie
Article Cinéma du Vendredi 03 Decembre 2021

LA CRÉATION DES SYMBIOTES

Andy Serkis est l’un des meilleurs experts en matière de personnages mêlant infographie et jeu d’acteur. Que ce soit dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, LA PLANÈTE DES SINGES ou STAR WARS – ou dans son studio de performance capture, Imaginarium –, il a élargi le champ des possibles en livrant des prestations dignes d’être oscarisées.

Son expérience des personnages numériques était palpable sur le plateau. « J’ai passé pas mal de temps à camper des personnages à deux facettes », indique-t-il. « Je savais que, dans ce film, il fallait dégager Tom de toute contrainte pour pouvoir lui laisser la place d’imaginer la présence de Venom. Ça ne l’aurait pas aidé de donner la réplique à un type en costume puisque Venom est un symbiote qui surgit de son corps ».

C’est pour cette raison qu’en dépit de sa grande expérience de la performance capture, Serkis a choisi d’animer Venom et Carnage d’une manière plus traditionnelle. « On voulait que Tom se sente libre d’interpréter le personnage à sa guise », précise le réalisateur. Pour autant, le metteur en scène et son équipe ont tout de même réussi à puiser dans leurs acquis en matière de performance capture. « On s’en est servi comme d’un outil pour définir la dimension physique des personnages ».

Par exemple, d’après Spencer Cook, superviseur de l’animation, les images de Tom Hardy sous les traits de Venom ont inspiré son équipe. « Cela nous a donné quelques pistes pour savoir comment s’inspirer du jeu de Tom pour animer Venom », explique-t-il. « C’est donc une interprétation artistique du travail de Tom ».

Ce n’est pas un hasard si l’équipe s’est constamment référée à Tom Hardy : « Venom, c’est Tom », signale Sheena Duggal, superviseuse Effets visuels. « Au bout du compte, tout notre travail a été modelé par son jeu hallucinant ».

Si Venom a été conçu avec précision pour le premier opus, Carnage a dû être imaginé de A à Z. « Venom est comme un quarterback ou un joueur de rugby – il est très imposant, avec un physique néanderthalien, des épaules massives et une force hallucinante », reprend Serkis. « On voulait que Carnage soit radicalement différent. C’est un métamorphe, asymétrique, qui reflète la personnalité de Cletus Kasady. Ses tentacules sont plus fins et peuvent se transformer en armes de différentes manières. Il contrôle sa structure moléculaire si bien qu’il peut se métamorphoser en n’importe quoi et adopter n’importe quelle forme. Il peut même se changer en brume ».

« Bien entendu, au départ, on s’est inspiré de la BD », indique Sheena Duggal. « À partir de là, on a exploré l’anatomie du personnage, la matière qui le constitue, la manière dont il reflète la lumière et dont il se déplace, sa couleur, etc. On s’est demandé à quoi il pouvait ressembler et comment s’y prendre pour rassembler ses tentacules et faire en sorte qu’elles forment un tout cohérent ».

« Contrairement à Venom, Carnage n’est pas forcément un bipède », renchérit Serkis. « Il peut bouger ses tentacules de différentes manières. J’ai travaillé avec pas mal de danseurs au Studio Imaginarium pour varier les manières de se mouvoir du monstre, comme si on se servait de l’énergie de Venom pour faire en sorte que la gestuelle de Carnage soit plus expressive et davantage guidée par son esprit pervers. C’était formidable de pouvoir utiliser la performance capture pour élaborer une sorte de vocabulaire physique nous permettant ensuite de déterminer les mouvements de Carnage ».

« Ses bras et ses jambes sont aussi importants que ses autres tentacules », affirme Sheena Duggal. « Il me fait penser à l’Homme de Vitruve. Au bout du compte, quand on s’attaque à lui, on a le sentiment d’affronter une créature de fils barbelés – ou un buisson de ronces. Il est foncièrement pervers, puissant, dangereux et c’est une arme vivante à lui tout seul. Même s’il se contente de vous frapper avec un tentacule, vous resterez collé à lui et serez déchiqueté car il est recouvert de rasoirs et de fils barbelés ».

« Ce qu’on avait en tête pour Carnage, c’était qu’il allait évoluer tout au long du film et qu’il développerait ses propres armes », poursuit Sheena Duggal. « Tandis qu’il devient de plus en plus puissant, il démultiplie ses armes, de plus en plus acérées et dangereuses, et sa forme humaine disparaît peu à peu. Il peut utiliser sa colonne vertébrale pour se constituer une lance, puis s’en servir comme d’un javelot, et ensuite sa colonne repousse. Il peut également développer d’autres armes ou les propulser comme s’il s’agissait de projectiles ».

Comme pour le premier opus, Tom Hardy considère que son jeu n’a jamais été meilleur que lorsqu’il a enregistré le texte de Venom en amont du tournage. Une fois sur le plateau, les ingénieurs du son ont diffusé l’enregistrement dans l’oreillette de l’acteur afin que celui-ci puisse, en quelque sorte, se donner la réplique à lui-même. « Tom s’est surtout guidé à l’oreille », indique Serkis. « Il échafaude tout un univers sonore en amont de chaque scène ».

« Après avoir répété, Tom se mettait dans un coin de la pièce avec un ingénieur du son et enregistrait les répliques de Venom pour la scène en question, avant que l’équipe du Son ne monte l’enregistrement », explique le réalisateur. « Ensuite, on équipait Tom d’une oreillette – d’un ‘perce-oreille’ – et les gars du son diffusaient la bande-audio de Venom dans son oreille. C’est ainsi que Tom pouvait trouver son rythme, donner la réplique à Venom et créer une présence physique pour le personnage, où qu’il décide de placer son regard ».

« J’ai un émetteur radio capable de diffuser du son jusqu’à 200 mètres de distance », note Patrick Anderson, ingénieur du son en charge de la bande-audio de Venom, que Tom surnommait son « partenaire » pour les scènes où il est face à Venom. « Je lui diffusais les dialogues de Venom, et Tom me faisait part de ses commentaires. Par exemple, il me disait ‘Prends quelques secondes supplémentaires avant de me balancer le texte’ ou ‘interromps-moi avec cette réplique, essaie de t’opposer à moi’, parce qu’Eddie, en fait, ne peut pas contrôler l’alien qui est en lui. Comme on préparait les répliques indépendamment les unes des autres, on était en mesure d’obtenir un débit à la fois naturel et heurté, en cas de besoin, et plus organique pour Tom ».

La voix de Venom est encore rehaussée par la magie du cinéma, mais dans une moindre mesure. D’après Anderson, c’est, pour l’essentiel, le jeu de Hardy qui permet au personnage d’exister. « C’est phénoménal de constater à quel point il crée lui-même le personnage », relève l’ingénieur du son. « Je m’occupe seulement des 10% de finitions avec des effets de mon crû : je modifie un peu la tonalité pour aller davantage dans les graves comme il convient pour un monstre, et j’augmente la modulation pour donner à la voix une dimension fantastique ».

L’incarnation des personnages a également mobilisé les talents du grand chef-opérateur Robert Richardson, trois fois oscarisé. « Il fallait éclairer Venom d’une façon bien précise, de crainte de ne pas bien distinguer les articulations de son anatomie », explique Sheena Duggal. « On a découvert que le mieux, c’était d’utiliser des éclairages spectaculaires qui créent des reflets sur son corps visqueux. Sur le plateau, on disposait d’un buste du monstre que la doublure pouvait enfiler sur sa tête et ses épaules et un peu de texture de Venom sur une balle qui pouvait tenir lieu de tentacules. Grâce à ce dispositif, quand Bob éclairait le plan, il avait une idée précise de ce à quoi Venom aurait l’air après l’intervention des effets visuels ».

La technologie de réalité augmentée (AR) permettait également d’obtenir un aperçu du rendu de Venom ou de Carnage. « On avait une appli grâce à laquelle on pouvait projeter Venom ou Carnage sur n’importe quelle surface du décor, et on pouvait ensuite tourner autour et voir à quoi ces deux monstres allaient ressembler », poursuit Sheena Duggal.

L’élaboration de Shriek a également nécessité des effets visuels. « On s’est inspiré de la bouche ouverte d’une baudroie », note Sheena Duggal. « On avait aussi en tête la gueule du requin. Si vous regardez la séquence au ralenti, on voit ses dents se rétracter et le voile du palais s’affaisser : la métamorphose est spectaculaire ». Bookmark and Share


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