MATRIX RESURRECTIONS : Entretien avec Jada Pinkett Smith (Niobe) et avec le producteur James McTeigue
Article Cinéma du Vendredi 25 Fevrier 2022

Entretien avec JADA PINKETT SMITH (Niobe)

Comment décririez-vous l’évolution de votre personnage
? Ce qui m’a beaucoup plu, c’est que Lana a fait évoluer le personnage de Niobe qui, désormais, règne sur la ville et inspire le respect. Pour moi, Niobe … a vu du pays ! (rires) Elle est vénérée par tous ses jeunes soldats. Elle a de grandes capacités intellectuelles et comme elle n’a plus forcément la force physique qu’elle avait autrefois, elle compte sur la jeune génération pour faire preuve d’énergie. La considération dont elle bénéficie m’a fait penser aux cultures africaines qui, encore aujourd’hui, respectent leurs anciens. On devrait sans doute s’en inspirer un peu aux États-Unis ! (rires) Même si c’est une combattante et une dirigeante, j’ai le sentiment que Niobe a toujours été quelqu’un de tendre. Je n’oublierai jamais la scène entre Morpheus et elle dans la trilogie – elle ne durait qu’une seconde – où on sentait sa part de féminité et sa générosité. Mais elle a toujours été une combattante avant tout et, lorsqu’elle était plus jeune, elle n’avait pas franchement le temps de se laisser aller à ses sentiments. En vieillissant – comme c’est le cas pour tout le monde – , elle a mûri et compris que le plus important dans la vie, c’est l’amour et les relations humaines. Il ne s’agit pas uniquement de survivre pour survivre. Car on peut difficilement survivre sans aimer. Du coup, je pense qu’elle est enfin parvenue à cette conclusion et je suis certaine que Freya [interprétée par Telma Hopkins] lui a vraiment permis d’en prendre conscience. Je pense que grâce à Freya, elle s’est ouverte au monde et qu’en réalité elle n’attendait que ça.

Comment avez-vous ressenti l’impact de Matrix dans la culture populaire ? J’entends souvent dire que MATRIX a marqué beaucoup de gens. Je croise des jeunes gens qui ont eu des cours sur la philosophie et les idées de MATRIX à l’université. Aujourd’hui, mes enfants sont devenus grands et je dirais que même eux ont été profondément marqués par la trilogie qui aborde des questions existentielles. Ils continuent à en apprécier la mise en scène, mais comme ces films traitent de concepts pointus, ils m’interrogent sur des points très précis en supposant que j’ai sans doute des infos confidentielles étant donné que j’ai joué dedans ! (rires)

Toutes les minorités sont représentées dans cette histoire… Pour Lana et Lilly, il s’agit du monde dans lequel elles vivent, et c’est ce qu’elles représentent à l’écran. Et pour être tout à fait honnête, c’était déjà leur conception du monde avant que celle-ci ne soit dans le débat public. Je tiens à être parfaitement claire en la matière. Avant que ce ne soit une mode, Lana et Lilly nous parlaient de diversité et d’inclusion – par rapport à l’âge, à l’origine ethnique, à l’orientation sexuelle, au genre… Je leur suis vraiment reconnaissante, parce que c’est l’un des aspects que j’ai toujours aimé dans la trilogie et que j’aime chez elles. Elles avaient une ouverture d’esprit que n’avait pas Hollywood. Les univers qu’elles ont créés reflètent le monde dans lequel elles vivent – le monde dont elles sont témoin à chaque instant.

Entretien avec JAMES McTEIGUE (Producteur)

Pourquoi un quatrième volet aujourd’hui ?
Je pense que ces personnages ont évolué, que nous avons tous évolué, et il semble que nous sommes désormais à un point culminant de cette épopée pour adultes. Nous n’avons plus besoin de nous abriter derrière notre jeunesse. On n’a pas souvent affaire à des personnages comme ça qui ont atteint une vraie maturité.

Votre collaboration avec Lana et Lilly Wachowski remonte au film original… Quand on a fait connaissance pour travailler sur MATRIX, c’était comme deux philosophies clandestines qui se rencontraient. Quand on vient de l’industrie australienne du cinéma, où les budgets sont très serrés, on doit être extrêmement inventif. Et tout à coup débarquait ce gros film de science-fiction qu’on n’avait pas l’habitude de voir car, lorsqu’on n’a pas beaucoup de budget, on n’a pas l’occasion de travailler sur des projets de science-fiction – à quelques exceptions près. Et voilà qu’on avait cette occasion unique en Australie. Tout à coup, on se disait « On va y arriver, on va prouver au monde qu’on est capable de tourner ce gros film de science-fiction, que personne ne nous avait donné l’occasion de faire jusque-là ». La plupart des productions américaines qui venaient en Australie pour y tourner l’ont fait pour la Grande Barrière de Corail, ou pour retrouver une atmosphère européenne – pas pour un film de science-fiction futuriste, parce que ce n’était pas le point fort de notre pays. Je crois que notre approche de la mise en scène tenait beaucoup à nos personnalités. Quand j’ai rencontré Lana et Lilly, nous avions une conception très précise d’un tournage, même si nos rapports n’étaient pas encore très solides. L’amitié est plus fluctuante que les relations de travail. Tandis que Lana et Lilly ont évolué, nos rapports – affectifs et professionnels – ont évolué, eux aussi. Notre conception d’un tournage a gagné en liberté, ce qui correspondait à l’évolution de notre amitié. Ce sont de formidables partenaires et collaboratrices. Réaliser des films de cette envergure est un véritable exploit ! En 23 ans, nous nous sommes souvent croisés : il m’arrive de réaliser mes propres films et, parfois, on fait des films ensemble. Mais nos rapports ont été constants tout au long de ces années. Et je suis heureux de pouvoir parachever notre périple.

Comment vos styles de mise en scène ont-ils évolué ? Ce que je peux dire sur le style très libre de SENSE8, c’est qu’il nécessite d’avoir acquis une solide expérience. C’est un point majeur. Il faut avoir déjà réalisé pas mal de films pour être capable, par exemple, de tourner une scène de soirée pendant un coucher de soleil en 20 minutes ! La plupart des réalisateurs seraient effrayés par cette perspective. Ils n’auraient pas la capacité de s’adapter à chaque instant. Car pas mal de questions se posent dans ce genre de situation : est-ce qu’on tourne la scène immédiatement, quand les acteurs sont en contre-jour, ou est-ce qu’on doit se déplacer ? C’est le genre de situation qui en rendrait dingue plus d’un ! On a passé des années à tourner en studio avec des éclairages bien précis sur lesquels on réfléchissait pendant des jours et des jours. Et désormais, on réfléchissait à la trajectoire du soleil ! « Où va se coucher le soleil ? Où sera-t-il entre 11h15 et 11h18 ? » On n’avait jamais eu une telle liberté auparavant. On est désormais parti dans une tout autre direction. Tous les films qui s’inspirent de MATRIX sont tournés sur fonds verts. Ils utilisent une méthode qu’on utilisait il y a vingt ans. C’est aussi devenu l’esthétique à laquelle les gens se sont habitués. Les spectateurs risquent d’être surpris… Lana répète souvent que les gens, depuis vingt ans, tentent de lui donner leur interprétation de MATRIX. Et elle ajoute « Je suis l’auteur de MATRIX et vous allez découvrir comment cet univers a évolué ».Ce que je trouve exaltant avec MATRIX, c’est qu’il ne fonctionne pas comme la plupart des films. Il me fait davantage penser à un morceau de musique où chacun peut livrer sa propre interprétation. Mais les gens sont souvent très didactiques dans leur interprétation de MATRIX. Et on en a joué !

Si vous voulez continuer à explorer l’univers de la Matrice, rendez-vous très vite sur ESI pour une interview avec les co-scénaristes et le producteur Grant Hill ! Bookmark and Share


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