BLACK PHONE : Un classique instantané de l’épouvante. Entretien exclusif avec le réalisateur Scott Derrickson – 1ère partie
Article Cinéma du Lundi 18 Juillet 2022

Magistrale adaptation de la nouvelle de Joe Hill, ce thriller surnaturel terrifie autant qu’il bouleverse. Si vous ne l’avez pas encore découvert en salles, ne le ratez pas !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Le réalisateur Scott Derrickson (SINISTER, DOCTOR STRANGE) retourne à ses premières amours et s’associe à nouveau avec Blumhouse pour explorer leur genre de prédilection, l’horreur. C. Robert Cargill (DOCTOR STRANGE, la franchise SINISTER) a co-écrit le scénario avec Derrickson en adaptant une des nouvelles de Joe Hill extraite de son recueil Fantômes - Histoires Troubles. BLACK PHONE est produit par leur compagnie Crooked Highway en partenariat avec Universal et Blumhouse. Dans cette histoire, Finney Shaw, un adolescent de 13 ans timide mais très intelligent, est enlevé par un tueur sadique qui l’enferme dans un sous-sol insonorisé où s’époumoner n’est d’aucune utilité. Quand un vieux téléphone hors d’usage accroché au mur se met à sonner, Finney décroche le combiné par réflexe et découvre l’impensable : il lui permet d’entendre les voix des précédentes victimes de son ravisseur, des adolescents qui ont mystérieusement disparu sans laisser de trace. Ils sont morts, hélas, mais pourtant résolus à ce que leur triste sort ne devienne pas celui de Finney…Tel est le pitch de ce film au suspense haletant dont nous ne dirons rien de plus pour vous permettre d’en profiter pleinement en salles.

Entretien avec Scott Derrickson, co-scénariste, producteur exécutif et réalisateur

Je n’avais pas encore eu l’occasion de vous remercier d’avoir si bien transposé DOCTOR STRANGE au cinéma, en rendant hommage au travail du dessinateur Steve Ditko…

Merci ! Je suis ravi que vous me parliez de Ditko. J’ai vraiment tenté de rendre justice à ses merveilleux dessins.

De nombreux fans de Marvel se demandent ce que vous aviez prévu de montrer dans la suite du film. Le révélerez-vous un jour ?

Non. En quittant le projet d’un commun accord avec Marvel, et de manière tout à fait cordiale, car je suis toujours ami avec Kevin Feige et avec l’équipe créative du studio, nous avons convenu qu’il valait mieux ne pas en parler. Je ne répondrai donc jamais à cette question.

BLACK PHONE fonctionne si bien et à tant de niveaux émotionnels différents qu’il plaira aussi aux spectateurs qui ne sont pas des fans d’horreur. Même si le film est basé sur une nouvelle de Joe Hill, avez-vous essayé d’emblée de vous adresser à un public plus large, et pas seulement aux amateurs d’épouvante ?

Non, ce n’était pas mon objectif. J’ai été fasciné par cette nouvelle quand je l’ai lue et je me suis senti immédiatement en phase avec cette histoire. Je l’ai découverte lors de sa publication, il y a seize ans. J’avais trouvé ce concept génial et idéal pour le cinéma. Je ne raisonne jamais en termes de cible de public : j’écris et je réalise le film que j’ai envie de voir.

C’est la meilleure manière de procéder pour créer sincèrement un film.

Oui, je le crois. Avant d’être un réalisateur, je suis d’abord un fan de cinéma. Et c’est ainsi que je réagis avant de choisir mes nouveaux projets. Je me demande si je serais prêt à me déplacer et à acheter une place de cinéma avec mon argent durement gagné pour aller voir ce film. Et si la réponse est oui, alors je me lance dans ce projet !

Sans gâcher les rebondissements du film, quelles sont les principales différences entre la nouvelle originale et le scénario que vous avez écrit avec C. Robert Cargill ? Quels éléments du récit avez-vous développés ou ajoutés ?

L’histoire suit la trame de la nouvelle de Joe Hill, qui est assez courte, puisqu’il la raconte en 30 ou 40 pages. J’ai eu le sentiment qu’il fallait développer le personnage de Finney, l’adolescent qui est le héros du film. Cela faisait une dizaine d’années que je réfléchissais à l’adaptation de cette histoire, et après avoir quitté le projet de suite de DOCTOR STRANGE, je me suis dit qu’il était temps de traiter une histoire qui me permettrait d’aborder certains aspects de mon passé. J’ai suivi une thérapie depuis deux ans pour surmonter les traumatismes dus aux violences que j’ai subies pendant mon enfance. Pendant un moment, j’ai envisagé d’écrire une intrigue située dans la région où j’ai vécu, et de la traiter dans l’esprit des QUATRE CENTS COUPS de François Truffaut avec Jean-Pierre Léaud, qui est probablement l’un des plus beaux portraits d’enfants jamais filmés. J’avais réuni quelques idées directement inspirées par mon vécu et mes souvenirs, mais sans obtenir assez de matériel pour en faire un film. C’est alors que j’ai songé à ajouter cela à l’histoire de Joe Hill, et que j’ai eu la vision de ce que ce film pourrait devenir. Un récit hybride, qui incorpore les événements de la nouvelle et l’évocation de mon enfance, passée au Nord de Denver en 1976.

La reconstitution des années 70 est absolument parfaite dans le film. Les fans de SF et de Fantasy d’une cinquantaine d’années vont apprécier l’hommage que vous rendez au magazine américain Starlog.

Oh, je suis tellement content que vous mentionniez cela ! Ce jour-là, sur le tournage, nous nous trouvions dans des magasins qui avaient été redécorés à la manière des années 70, et j’ai remarqué que dans un coin, les accessoiristes avaient préparé un présentoir à journaux rotatif, avec des exemplaires de Starlog. Je leur ai tout de suite demandé de le transporter et de le placer bien en évidence au centre du décor de la solderie, pour faire ce clin d’œil aux fans de SF de ma génération !

Starlog a été une revue très importante pour les jeunes cinéphiles de l’époque. Était-ce aussi votre cas ? Est-ce ainsi que vous avez découvert les coulisses des films de SF et les secrets des effets spéciaux quand vous étiez enfant ?

Oui. Nous allions souvent au cinéma avec mes parents, et cela m’a permis de voir énormément de films dès le plus jeune âge. Quand j’allais dans la solderie du quartier, je feuilletais des vieux numéros de Starlog vendus là. Comme je n’avais pas beaucoup d’argent de poche, je les lisais debout à côté du présentoir, puis je les remettais en place et j’allais acheter des comics !

Dans une séquence du film, vous utilisez très efficacement un extrait de DARK SIDE OF THE MOON, le fameux album de Pink Floyd. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous l’avez choisi et comment vous l’employez dans ce contexte de thriller ?

Ah vous soulignez encore un point intéressant. Le morceau de cet album que j’ai utilisé s’intitule ON THE RUN (en fuite, NDLR). A ce moment du film, j’utilise un montage sans dialogue qui dure plusieurs minutes. J’espérais trouver une musique composée dans les années 70 qui s’adapterait bien à cette ambiance. J’ai testé de nombreux morceaux, mais aucun ne fonctionnait. Et puis quand nous avons placé ON THE RUN sur ces images, l’effet était magique. C’était même tellement bien que nous avons refait le montage pour l’adapter à cette musique. J’étais inquiet, car je craignais que nous ne disposions pas des moyens d’acheter les droits d’utilisation d’une oeuvre aussi connue de Pink Floyd. Je ne connais pas personnellement les membres du groupe, mais pourtant ils ont toujours été extrêmement sympathiques avec moi. Ils m’ont donné gratuitement l’autorisation de laisser Vincent D’Onofrio porter un tee-shirt Pink Floyd dans SINISTER, puis m’ont permis d’utiliser leur chanson INTERSTELLAR OVERDRIVE dans DOCTOR STRANGE. Elle provient de leur premier album, THE PIPER AT THE GATES OF DAWN, de l’époque où Syd Barrett faisait encore partie du groupe, et qui est moins connue du grand public que le reste de leurs albums. Je me suis dit qu’ils devaient apprécier mon travail et savoir que j’adore leur musique. Et pour BLACK PHONE, ils ont été une nouvelle fois très gentils, puisqu’ils nous ont cédé les droits d’utilisation de ON THE RUN pour une somme très modeste. Je leur en suis très reconnaissant, parce que j’adore ce morceau et qu’il s’intègre parfaitement dans le film.

Cette musique évoque à la fois des atmosphères oniriques et d’autres qui sont cauchemardesques…

Oui. Le début du morceau pourrait faire penser aux effets d’un shoot de cocaïne, avec le sentiment de paranoïa qui s’installe et augmente de manière délirante ! (rires)

On croit reconnaître des sonorités électroniques de la bande originale de PLANETE INTERDITE dans la musique du générique début du film…Est-ce le cas ?

Je dois avouer que je l’ignore. Mais je ne serais pas surpris d’apprendre que notre compositeur Mark Korven ait eu envie d’évoquer ces ambiances sonores étranges.

Quelles sont les opportunités narratives et visuelles que vous avez particulièrement appréciées en tant que réalisateur quand vous avez développé ce projet ?

J’avais trois buts visuels dès le départ. Le premier était de réussir l’aspect du masque, car je savais qu’on allait le voir souvent dans le film, et que si son design ne fonctionnait pas, cela pourrait ruiner tout le projet. Le deuxième était de trouver le quartier de banlieue et la maison où Finney et Gwen vivent avec leur père. Je voulais qu’il s’agisse d’un voisinage qui ressemble à celui de mon enfance, un quartier populaire habité par des ouvriers. Comme nous allions tourner en Caroline du Nord, nous avons fait des repérages là-bas et pendant longtemps ils n’ont rien donné. Je commençais à désespérer et finalement, nous avons trouvé une petite section d’un quartier pratiquement identique à celui du Nord de Denver où j’avais grandi. Tout était resté presque comme dans les années 70, où ces habitations de banlieue avaient été construites, et c’était parfait pour le film. Le troisième but était de bien concevoir le sous-sol dans lequel Kinney est retenu captif, car on allait le voir longtemps dans ce décor. Il fallait que ce soit un endroit clos suffisamment complexe dans ses volumes pour que je puisse y placer tous les éléments requis par l’histoire. Voilà les trois objectifs principaux que j’avais en tête en préparant le film.

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