AVALONIA : L’ÉTRANGE VOYAGE : Entretien avec Don Hall (réalisateur), et Qui Nguyen (scénariste et co-réalisateur)
Article Animation du Mercredi 25 Janvier 2023

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Initialement destiné à une sortie en salles, cette mission d’exploration menée par tout un clan d’aventuriers est disponible sur Disney+.

C’est pour protester contre la chronologie des médias mise à jour en janvier 2022 - qui réduisait pourtant l’intervalle entre l’exploitation des films au cinéma et leur mise à disposition sur les plateformes – que Disney a renoncé à l’exploitation en salles de son film de fin d’année. Un coup dur pour les exploitants éprouvés par les séquelles financières de la pandémie, et inversement un atout pour Disney+ France, qui se sert de cette exclusivité (AVALONIA est sorti au cinéma partout ailleurs dans le monde) pour augmenter le nombre de ses abonnés…Mais laissons là ces manœuvres pour nous intéresser à l’histoire de cet étrange voyage : les Clade, une famille d’explorateurs devenus légendaires, constate que la source d’énergie découverte jadis par leur patriarche, et qui alimente depuis leur monde, faiblit de jour en jour pour des raisons inconnues. Les Clade décident de retourner là où elle avait été trouvée, et accèdent alors à un monde inexploré, rempli de dangers et de créatures fantastiques. Ils sont aidés dans leur quête par un « blob » espiègle et leur chien à trois pattes, mais les querelles entre les membres du clan se multiplient et menacent de faire échouer cette mission capitale...Si les gros nez ronds des héros d’AVALONIA rappellent ceux des personnages des aventures de Spirou, Tintin ou Astérix, ce n’est pas un hasard : Don Hall et Qui Nguyen, les réalisateurs du film, se sont inspirés des BD franco-belges pour créer leurs designs, et des couvertures des « pulps » de SF des années 30 et 40 - ces magazines qui publiaient des nouvelles d’anticipation sur un mauvais papier à base de pulpe d’écorces - pour imaginer les paysages de cet univers fantastique, comme ils nous l’ont confié…

Entretien avec Don Hall (réalisateur), et Qui Nguyen (scénariste et co-réalisateur)

Vous avez utilisé de nombreuses références de la littérature, des BDs et du cinéma pour créer l’univers d’AVALONIA…

Don Hall:
Oui. Mes premières recherches concernaient les grands récits d’aventures, et même si j’aurais pu remonter à ceux des véritables explorateurs du 19ème siècle, j’ai préféré me replonger dans les oeuvres de fiction de Jules Verne et dans l’ambiance du début du 20ème siècle, marquée par les progrès phénoménaux de la science, qui suscitaient tant d’espoir. J’ai commencé par relire L’ÎLE MYSTÉRIEUSE et VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE, deux romans, qui comme 20 000 LIEUES SOUS LES MERS ont énormément marqué la culture populaire, et dont les ramifications se prolongent au cinéma dans des films comme KING KONG, LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE et même STAR WARS. Ce sont les films avec lesquels j’ai grandi dans les années 70 et 80, et qui m’ont donné envie de devenir cinéaste. Du côté des films d’animation Disney, PETER PAN est aussi un récit d’exploration et d’aventure. Et j’aime beaucoup le style des BDs humoristiques françaises ! Voilà quelques-uns des ingrédients qui ont été jetés dans la marmite pendant que nous réfléchissions à l’histoire. Cela m’a donné l’occasion de me rendre compte que ces livres et ces films qui m’ont émerveillé pendant mon enfance sont encore ceux qui me font le plus rêver aujourd’hui. J’imagine que cela prouve que je n’ai pas beaucoup mûri, mais je m’estime chanceux de pouvoir puiser dans ces ressources d’émerveillement enfantines pour me guider dans mon travail.

Qui Nguyen : Ce sont les mêmes thèmes qui m’ont attiré immédiatement lorsque Don m’a pitché son projet. Il m’a dit « Imagine une grande aventure à la Indiana Jones ou à la KING KONG, mais dans laquelle est entraînée une famille dépassée par la situation et dysfonctionnelle, à la LITTLE MISS SUNSHINE !» J’ai tout de suite saisi le potentiel de ce concept, et eu envie de m’impliquer dans son développement. La vision de Don était si claire et si précise que cela ouvrait des perspectives irrésistibles.

Vous mettez en scène trois générations de personnages dans cette histoire. Pour quelles raisons ?

Don Hall:
Dès le début du projet, je voulais obtenir un contraste intéressant entre eux par ce biais. J’ai commencé par Jaeger, le patriarche, qui est un explorateur haut en couleurs, une star absolue dans son domaine. Un homme audacieux, intrépide, autoritaire, toujours prêt à partir au bout du monde pour relever de nouveaux défis, parfois en oubliant un peu les siens… En pensant à l’impact que tout cela aurait pu avoir sur son fils, j’ai imaginé que Searcher avait eu besoin de s’enraciner dans un lieu, pour y vivre et y travailler, et c’est ainsi que j’ai décidé d’en faire un fermier. Un homme tranquille, qui aime l’idée de profiter de son foyer, de son épouse, et d’élever ses enfants. Et pour créer à nouveau un contraste entre ces deux extrêmes, j’ai pensé que le fils de Searcher, Ethan, qui vient d’avoir 16 ans, devrait se poser toutes sortes de questions sur sa vie future : va-t-il rester à la ferme pour s’en occuper ? Ou partir découvrir le monde pour découvrir qui il est, comme son grand-père l’a fait ? Ce sont ces questionnements qui ont été le point de départ de la construction de notre récit.

Qui Nguyen :Don et moi sommes tous les deux à la fois des pères et des fils, et bien évidemment, nous nous sommes inspirés de nos expériences personnelles pour imaginer les situations dans lesquelles se retrouvent nos protagonistes, et comment elles impactent leurs relations. Tout bonne histoire repose sur des conflits, et en tant qu’enfants et que parents, nous avons amplement puisé dans ce vécu pour décrire leurs réactions de la manière la plus réaliste possible ! Et pour l’idée de la ferme, Don s’est inspiré de celle de sa famille…

Don Hall :Elle se trouve dans l’Iowa, mais comme j’ai été totalement accaparé par le film, je n’y suis pas retourné depuis plusieurs années. Cependant, à chaque fois que je reviens dans cette région si verdoyante et jalonnée de collines, je suis frappé par l’impression d’immensité que je ressens. Quand je me trouve au sommet de notre terrain, la maison du plus proche voisin que je vois se trouve à 1,6km ! (rires) C’est un univers qui semble si grand, et dont les formes géométriques des champs de maïs et de sojà s’étendent à l’infini, comme un design abstrait. Je me suis servi de cette sensation dans les scènes où l’on découvre la ferme futuriste de Searcher.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile à créer visuellement ?

Don Hall:
Tout ! (rires) Comme il s’agit d’une aventure de science-fiction, il a fallu créer énormément de choses qui n’existent pas, et la plupart d’entre elles étaient très complexes à créer puis à animer. À commencer par Splat, qui au départ était juste une petite créature amusante pour nous, mais qui est devenu un véritable casse-tête pour les équipes chargées de sa modélisation et de la conception interne de ses articulations ! On pourrait dire que Splat ne bouge jamais de la même manière, et change constamment d’aspect en interagissant avec l’environnement. Les animateurs ont mis du temps à apprendre à maîtriser toutes ses caractéristiques. Et parallèlement, nous avions deux mondes à créer, celui rétro-futuriste d’Avalonia, où vit la famille de nos héros, et celui du monde étrange en-dessous, dont la faune, la flore, les lois physiques et les paysages sont totalement différents. Nous voulions que les détails de chacun de ces mondes semblent cohérents, harmonieux. L’esthétique d’Avalonia est stylisée, simplifiée, comme dans les BDs françaises ou les illustrations des pulps. L’approche est plus organique et fouillée dans l’autre univers, de manière à le rendre plus étrange et parfois plus inquiétant. Bookmark and Share


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