Avant-première : The Wolfman – Métamorphoses à la pleine lune
Article Cinéma du Vendredi 06 Mars 2009

De retour dans son Angleterre natale, un homme recherche son frère disparu. En menant son enquête, il découvre qu’une ancienne malédiction est capable de transformer un homme en loup-garou pendant les nuits de pleine lune. Sa traque des lycanthropes lui révélera une part de lui-même qu'il n'aurait jamais soupçonnée... Réalisée par Joe Johnston (Jumanji, Jurassic Park 3), cette nouvelle version de The Wolfman, grand classique de l’épouvante des années 1940, est l’un des films très attendus de cette année...

Par Pierre-Eric Salard



Bien plus ancien que celui du vampire, le mythe du loup-garou est commun à de nombreuses cultures européennes. Dès le cinquième siècle avant Jésus Christ, les mythologies greco-romaine mentionnent des hommes se transformant en loup. On retrouve également ces références dans les légendes russes, scandinaves et slaves. Du Moyen-âge jusqu’à la Renaissance, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été accusées d'être des loup-garous, puis condamnées à mort. Ce mythe a maintes fois inspiré les cinéastes. The Werewolf fut le premier film à l'aborder, dès 1915. En 1935, les studios Universal produisent Le Monstre de Londres, une première évocation de la lycanthropie qui ne rencontre qu’un succès mitigé. Six ans plus tard, le studio tente un nouvel essai, dont la réalisation est cette fois-ci confiée à George Waggner (The Climax, 1944, avec Boris Karloff). Ce sera The Wolf Man, alias Le Loup-Garou. Le personnage éponyme y est interprété par Lon Chaney Jr, le fils de Lon Chaney (L’homme aux 1000 visages), qui se spécialise alors dans les incarnations du monstre de Frankenstein, de Dracula et de La Momie. On note aussi la présence de Claude Rains (L’homme invisible) et Bela Lugosi, le premier interprète de Dracula, en 1931. Bénéficiant des maquillages impressionnants de Jack Pierce, Le Loup-Garou remporte un beau succès et rejoint Dracula, le monstre de Frankenstein et la Momie au panthéon des monstres illustres des studios Universal. Le succès du premier volet sera prolongé par Frankenstein rencontre le loup-garou (1943), La Maison de Frankenstein (1944), La Maison de Dracula (1945) et Deux nigauds contre Frankenstein (1948).



The Wolf Man eut également une grande influence sur la manière de décrire les loup-garous au cinéma, aussi bien dans le grand classique anglais produit par la Hammer La Nuit du Loup-Garou (Terence Fisher, 1961), ou les productions américaines comme Le Loup-Garou de Londres (John Landis, 1981), Wolf (Mike Nichols, 1994), et Underworld (Len Wiseman, 2003). Aujourd’hui, c'est encore le film fondateur de 1941, qui est l’objet d'un remake. La malédiction renoue donc avec ses origines cinématographiques... après 65 années d'attente !



Meurtres dans la campagne anglaise

Il aura fallu attendre mars 2006 pour que les studios Universal annoncent le lancement de la production de ce remake, sous l'impulsion de l'acteur Benicio del Toro. Fan du film original et collectionneur d'objets de collection estampillés The Wolf Man, l'acteur décide de produire le film... et se réserve bien sûr l'interprétation du rôle-titre ! « J'adore Le Monstre de Londres, La Nuit du loup-garou (1960) et, bien sûr, le film original », explique-t-il. « Je ne pouvais pas manquer cette occasion ! » L'écriture de cette nouvelle version est confiée à Andrew Kevin Walker (Seven, Sleepy Hollow). S'il conserve la trame de l'histoire originale, l'auteur y ajoute de nouveaux personnages et des séquences qui peuvent tirer parti des dernières avancées en matière d'effets visuels. A l'instar de son prédécesseur, le film se déroule à la fin des années 1880, à l'époque Victorienne, alors que l'enfance de Lawrence Talbot prend fin de manière tragique, à la suite du décès de sa mère. Après avoir quitté la paisible bourgade de Blackmoor, Talbot tente d'oublier cet événement tragique au fil des ans. Mais la fiancée de son frère, Gwen Conliffe, finit par le retrouver et le supplie de rechercher l'homme qu'elle aime, qui a brutalement disparu. Contraint de revenir au domaine familial, Talbot renoue avec son père et se lance à la recherche de son frère. Il découvre alors qu'une créature sanguinaire décime les villageois. Un inspecteur de Scotland Yard, Aberline, débarque dans le hameau afin de mener l'enquête. Alors qu'il réunit les pièces d'un puzzle sanglant, Talbot entend parler d'une ancienne malédiction qui transforme ses victimes en loup-garou lors des nuits de pleine lune. S'il veut mettre fin au massacre et protéger la femme dont il commence à tomber amoureux, il n'a qu'une solution : tuer la créature qui rôde dans les forêts de Blackmoor. Hanté par un passé mystérieux, Talbot part à la chasse du monstre cauchemardesque. Cette traque va l'obliger à révéler une partie de lui-même dont il n’avait pas conscience... et à assumer une terrible destinée !

L'homme de la situation

Grâce à ce pitch alléchant, le film est rapidement validé par les dirigeants des studios Universal. En février 2007, ces derniers proposent le poste de metteur en scène à Mark Romanek, prolifique réalisateur de clips musicaux (Michael Jackson, Audioslave, Lenny Kravitz, Coldplay), auquel on doit le script et la mise en scène de Photo Obsession (2002), un thriller avec Robin Williams. Dès lors, les cadres d'Universal, confiants, annoncent la sortie de The Wolfman pour le 12 novembre 2008, et le processus de casting est lancé. Benicio del Toro, producteur du film, s'est déjà attribué le rôle principal, mais il reste à trouver l’interprète du père du héros, Sir John Talbot. Ce sera le prolifique Anthony Hopkins (Le Silence des Agneaux, Dracula), qui semble décidément apprécier les créatures maléfiques ! Emily Blunt (Le Diable s'habille en Prada) incarne quant à elle Gwen Conliffe, l'élue du coeur du héros. Enfin, l'excellent Hugo Weaving (Matrix) obtient le rôle du détective Aberline. Il faut ensuite trouver un artiste talentueux pour s'occuper du maquillage du loup-garou, sur lequel repose le succès de l'entreprise. Or la production n'a même pas besoin de lancer un appel d'offres ! Lorsque le légendaire maquilleur Rick Baker entend parler du remake, il contacte immédiatement Universal et insiste pour s'occuper du maquillage du lycanthrope. En fait, il découvre qu'il était d'ores et déjà considéré comme le candidat idéal ! « Je suis allé voir quelqu'un que je connais à Universal », raconte-t-il. « Je lui ai dit : Vous savez quoi ? Je DOIS faire ce film ! Il faut que vous me confiiez le projet ! Je ferai un boulot vraiment cool. Le Loup Garou et Frankenstein sont probablement les deux films qui m'ont marqué le plus durant mon enfance, ce qui m'a fait vouloir devenir maquilleur ! » Il faut noter que cet as du maquillage n'est pas étranger à la créature maudite, puisqu'il a déjà travaillé sur Le loup-Garou de Londres, Wolf et Wes Craven's Cursed - sans oublier le clip de Thriller, pour les besoins duquel il a transformé Michael Jackson en lycanthrope ! Baker, célèbre pour ses maquillages de gorilles (King Kong 1976, Gorilles dans la brume, La Planètes des singes 2001) a reçu six Oscars des meilleurs maquillages pour Le Loup-Garou de Londres, Bigfoot et les Henderson, Ed Wood, Professeur Foldingue, Men in Black et Le Grinch ! Nul ne conteste que Rick Baker est l'homme de la situation... En accord avec Benicio del Toro, l'artiste décide d'élaborer un maquillage proche de celui créé par Jack Pierce dans le film original. Mais le réalisateur, lui, insiste pour que son équipe artistique fasse elle aussi des recherches, et crée des centaines de croquis différents, ce qui prend du temps...

L'homme est un loup pour l'homme

La pré-production accumule tant de retard qu’une décision drastique est prise à l'automne 2007 : la sortie du film est alors repoussée au premier trimestre 2009. Ce premier retard ne sera pas le dernier. En janvier 2008, Mark Romanek se retire du projet. L'habituelle formule officielle des « différents créatifs » dissimule en fait un désaccord total entre le réalisateur et Universal à propos du montant du budget. Une pléiade de remplaçants potentiels sont alors annoncés. Les dirigeants d'Universal rencontrent successivement Frank Darabont (The Mist), James Mangold (Identity), Bill Condon (Dreamgirls) et Martin Campbell (Casino Royale). Au grand dam des amateurs d'horreur, le réalisateur Brett Ratner (Rush Hour, X-Men : L'affrontement final) reste un temps le candidat le mieux placé, mais c'est finalement Joe Johnston, coutumier des grosses productions, qui est engagé en février 2008. Après avoir débuté en tant que directeur artistique des effets spéciaux de l'Empire Contre-Attaque (1980) et Le Retour du Jedi (1983), pour lesquels il signa de nombreux storyboards et dessins conceptuels, Johnston s'est fait un nom dans le milieu de la réalisation grâce à Chérie, j'ai rétréci les gosses (1989), Jumanji (1995), ou encore Jurassic Park 3 (2001). Lorsqu'il rejoint la pré-production de The Wolfman, déjà bien avancée, Johnston engage David Self (Road to Perdition) afin de peaufiner le scénario. Le budget du film (85 millions de dollars) et le calendrier du tournage, eux, restent inchangés...

Une créature de cauchemar

Joe Johnston sélectionne immédiatement l'un des premiers designs élaborés par Rick Baker pour le loup-garou. Alors que le tournage approche, le maquilleur travaille à temps plein sur le film. « Ce maquillage est plus effrayant et dynamique que celui du film original », explique-t-il. « Mais je voulais rester fidèle à l'original. Par contre, Benicio (del Toro) peut jouer avec le maquillage bien plus que ne le pouvait Lon Chaney Jr ». Mais compte tenu de la pilosité importante de l'acteur, sa transformation en loup-garou s'avère plus ardue que prévue. « Il faut avouer que la différence entre Benicio et son alter-ego poilu n'est pas énorme (rires) ! Que fallait-il modifier ? Tout est pratiquement déjà là ! Lorsque j'ai travaillé sur Le loup-Garou de Londres, nous sommes partis d'un homme nu pour arriver à cette créature infernale à quatre pattes, ce qui nous permettait une grande latitude dans sa transformation. Cette fois-ci, il s'agit juste d'ajouter plus de poils et de dents à Benicio ! (rires) ». Le maquillage est cependant constitué par plusieurs éléments. « La pièce qui couvre son nez et son front est une prothèse », précise Baker. « Elle est en mousse de latex, avec des bords très fins. Elle recouvre en partie le visage de Benicio et se fond avec sa propre peau. Ensuite nous avons une perruque, ainsi qu'un dentier qui transforme ses propres dents en celles, géantes, du Loup-garou. La plupart des poils sur le visage sont appliqués à la main. Ce sont des brins de poils que l'on applique par petits paquets et que l'on colle sur le visage. C'est pour ainsi dire la méthode qui était utilisée sur Lon Chaney dans le film original de 1941 ! Il nous faut trois heures pour appliquer ce maquillage. C'est une bonne moyenne : certains maquillages que j'ai réalisés auparavant nécessitaient près de 8 heures de pose ! » Il semble cependant que la transformation du lycanthrope n'incombe pas au célèbre maquilleur : aux dernières nouvelles, elle serait entièrement conçue en images de synthèse ! Cette hérésie attriste Baker, qui craint que la transformation soit irréaliste. Mais il espère encore que le réalisateur changera ses plans... Le tournage en lui-même s'est déroulé en Angleterre, de mars à juin 2008 : les intérieurs ont été filmés dans le studio Pinewood, les extérieurs dans les villages surannés de la province anglaise. « C'est vraiment génial », insiste Baker. « Nous avons tourné de nuit, dans une communauté gitane. C'était comme être dans un vieux film Universal. Nous étions dans la forêt, au milieu des roulottes et des gitans, des cavaliers et du brouillard, et je me disais : 'Génial ! C'est vraiment comme dans The Wolfman !' (rires) Que les fans soient rassurés : ils savent que le responsable des maquillages est comme eux, un fan de base. J'adore les vieux classiques Universal. Le vieux fan en moi est surexcité ! » The Wolfman, dont la sortie est désormais repoussée à novembre 2009, a décidément de belles cartes en main pour nous faire craindre les prochains clairs de lune...

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