[Flashback] Mars Attacks : Martians, Go Home !
Article Cinéma du Jeudi 30 Juillet 2020

A l'occasion du départ du rover Perseverance, qui rejoindra Mars en 2021, nous vous proposons de découvrir les secrets d'un film culte. Le réalisateur Tim Burton aime passer l'Amérique au travers de sa moulinette parodique, notamment grâce aux hordes d'extraterrestres de son film Mars Attacks !

Par Pascal Pinteau



Les secrets du film

Douillettement installé au paradis des écrivains de Science-Fiction, H.G. Wells devait sourire en observant les frontons des cinémas en 1996. Quelques mois après Independence Day, une nouvelle variation sur le thème de La guerre des mondes déboulait dans les salles obscures. Le fomenteur de ce second conflit interplanétaire était Tim Burton, dont chaque film, de Beetlejuice à Batman en passant par L'étrange noel de Mr Jack, est un réjouissant tourbillon visuel. Le réalisateur s'est souvenu des cartes de paquets de chewing-gum Mars attacks ! publiées par la société Topps? en 1962, au coeur des tensions américano-soviétiques de la guerre froide. Ces petites vignettes jointes aux friandises de son enfance décrivaient tous les détails d'une invasion Martienne, accumulant des scènes de destructions si violentes que les bonnes âmes s'offusquèrent. Le couperet de la censure tomba et les cartes ?Mars Attacks? ne furent distribuées que sur une partie du continent américain, devenant ainsi l'objet de la convoitise de nombreux collectionneurs en herbe. 20 ans plus tard, ces cartes, devenues des objets-cultes, ont fait l'objet de rééditions luxueuses. Tim Burton s'est directement inspiré des meilleures illustrations de la série pour en faire les scènes-clés de son nouveau délire cinématographique. Les premières images donnent d'emblée le ton parodique et l'humour noir du film : un troupeau de vaches en feu s'enfuit après une rencontre du troisième type?h que l'on imagine plutôt désagréable ! Le générique qui suit, réalisé en images de synthèse par Warner Digital, est un superbe hommage au cinéma de Science-Fiction des années 50. Des soucoupes volantes métallisées sortent des cratères de la planète rouge par centaines pour se diriger droit sur la terre. Empruntant aux films catastrophe leur galerie de protagonistes fort différents, Tim Burton évite le piège du premier degré patriotique dans lequel Independance Day est tombé.

Fidèle à lui-même, il se moque des Etats-Unis en suivant les aventures de dizaines de personnages kitschs et dérisoires, dont la naïveté et l'incompétence provoquent l'hilarité. Mars attacks ! nous montre donc un Président des Etats-Unis complètement dépassé par la situation, interprété par Jack Nicholson (ex-Joker de Batman), conseillé par le Professeur Kessler (Pierce Brosnan) savant a l'optimisme imperturbable, qui fume la pipe en cherchant le moyen de communiquer avec les visiteurs de la planète rouge, selon lui forcément pacifiques ! Un ancien champion de boxe devenu pharaon de pacotille d'un Casino-pyramide de Las Vegas, une famille de l'amérique profonde qui astique ses armes pour tirer sur les soucoupes, une fan de New Age qui attend les envahisseurs-nouveaux messies assise dans la position du lotus, une présentatrice de télévision plus préoccupée de sa coiffure que du cours des événements, des savants dont la machine a traduire le martien fonctionne a peu près, voilà la réjouissante assemblée qui accueillera l'ambassadeur des Martiens, pour découvrir ensuite l'efficacité de leur rayon désintégrateur ! Mais avant que nos lamentables héros ne cherchent à détruire les cruels extraterrestres, il a fallu confier aux spécialistes des effets numériques la tâche de les créer de toutes pièces. Industrial Light and Magic, la société d'effets spéciaux de George Lucas, a assemblé une équipe de 75 personnes pour animer des envahisseurs entièrement synthétiques.

Des Martiens générés par ordinateur

Parmi ces infographistes se trouvait Magali Rigaudias, une jeune Française qui nous a confié la recette du Martien à la mode d'I.L.M. : Le modèle-type du Martien en trois dimensions a été crée par l'équipe des designs, couche par couche. Le squelette du personnage comporte de multiples points d'articulations, auxquels on a attribué des axes de mouvement précis »? C'est ainsi que le programme du personnage détermine qu'il ne faut pas qu'un bras puisse se plier à l'envers ou qu'une main ait l'idée saugrenue de tourner plusieurs fois sur elle-même. Les os sont ensuite revêtus d'un assemblage de masses musculaires, sur le cou, les ras, le ventre, les cuisses. Ces volumes sont spécialement conçus pour se déformer en se tassant sur eux-mêmes lorsque le squelette adopte une nouvelle posture, pour créer l'illusion d'un véritable corps, bien rempli. Des yeux hyperréalistes et une texture de peau joliment horrible vont parachever le physique de notre Martien. Là encore, l'ordinateur permet une recherche de détails incomparable. Les infographistes disposent désormais de milliers de textures dont ils peuvent modifier tous les paramètres pour obtenir un rendu inédit. Reliefs, brillances et couleurs se modifient ainsi à l'infini et au pixel près, en agrandissant sur l'écran la plus infime partie de l'image sur laquelle on intervient. Le petit carré de peau, une fois achevé, est multiplié et le corps du Martien se retrouve doté d'une enveloppe de chair élastique, qui se déformera selon ses mouvements.

L'animation de Marionnettes virtuelles

A ce stade, notre Martien lambda est encore inerte et n'a jamais affronté les « feux de la rampe ». Pour le préparer à interpréter sa première scène, Il a fallu relier ses articulations entre elles et établir la hiérarchie de ses mouvements. Autrement dit, on a programmé ses bras pour qu'il se déplient automatiquement dès que l'on tire sur ses mains, tout comme ses jambes, qui se déplacent dès que l'on touche à ses petons. Maintenant, le personnage est devenu une marionnette virtuelle apte à passer entre les mains expertes des animateurs. Rude tâche que celle qui attendait Magali et ses camarades : les Martiens devaient déambuler dans les images déjà tournées en prises de vues réelles, « jouer » avec les comédiens de chair et d'os. Magali se rappelle de sa prestation de dompteuse d'extraterrestre : « La première étape de mon travail consistait a positionner le personnage dans ses attitudes principales, dans quatre ou cinq images-clés déterminant les grandes lignes de l'action. Ce premier jet de l'animation, très saccadé, était suffisant pour servir de point d'ancrage à la trajectoire des mouvements ». Les positions intermédiaires ont été ajoutées dans un second temps, une par une, comme dans le cas d'un dessin animé traditionnel. On les a peaufinées jusqu'à obtenir 24 poses par seconde de film. Bien entendu, l'axe, la couleur et l'intensité de l'éclairage des personnages virtuels doit correspondre exactement à celui des séquences réelles, et projeter des ombres qui raccordent avec les vraies ombres sur le sol. Lorsque le plan est approuvé par l'animateur superviseur, il est traité avec un autre programme appelé « Motion Blur », qui crée un effet de filage, un flou transparent sur les parties du corps qui se déplacent vite. C'est ainsi que les martiens de Tim Burton se déplacent avec une fluidité étonnante, sans l'effet stromboscopique typique des films d'animation de marionnettes comme le vénérable (mais ô combien magnifique!). Des cycles de marche déjà stockés dans les ordinateurs d?fI.L.M. ont aussi été utilisés pour animer les personnages lors de séquences plus simples, et modifiés pour adapter leurs attitudes à leur environnement « humain ». En tout, 4 Martiens de base ont été crées : le Martien tout ce qu'il y a de plus normal, avec sa peau verte, ses yeux globuleux injectés de sang, et son casque transparent, L'ambassadeur, à la robe rouge et or plus prestigieuse, le Martien en chef, et le Martien déguisé en terrienne sexy (ah, le traître!), figuré par une actrice portant une cagoule verte, effacée par ordinateur, puis remplacée par une tête de synthèse lorsqu'elle retire son masque orné d'une invraisemblable « choucroute » de cheveux blonds !



Des combats entre des personnages de synthèse et des comédiens de chair et d'os

Pour corser le tout, de nombreuses scènes de Mars attacks ! décrivent des combats entre les terriens bien décidés à se défendre et les vilains extraterrestres. Des acteurs de petite taille costumés en Martiens et des mannequins de mousse ont d'abord servi de références visuelles lors du tournage. D'abord pour permettre aux acteurs de regarder les personnages droit dans les yeux, à la bonne hauteur, et ensuite pour s'assurer que l'échelle des personnages sera toujours constante. On a vite fait d'agrandir ou de rapetisser involontairement un personnage lorsqu'on le rajoute sur une image réelle, en engendrant ainsi d'épouvantables problèmes de continuité. Ces points de repères ayant été déterminés, les comédiens devaient mimer leur rencontre avec les Martiens. Ils ont fait semblant de les combattre en utilisant une chorégraphie de gestes soigneusement mise au point et apprise par coeur. Magali et ses amis infographistes ont animé jusqu'à 50 Martiens dans certaines images de ces scènes de bagarres. Un véritable exploit, car il faut gérer les déplacements de tous ces personnages virtuels image par image, en prenant garde de ne pas faire se chevaucher deux Martiens dans le même espace, comme des fantômes qui se traverseraient par mégarde ! Là encore, l'étude des mouvements-clés permet d'animer et de positionner les personnages les uns après les autres, précautionneusement, jusqu'à remplir l'écran d'une horde Martienne en furie ! Tous les Martiens se ressemblant, il a été possible de multiplier le modèle de base dans un grand nombre de plans et de recycler certaines animations en modifiant l?faxe du personnage et seulement une partie de ses attitudes. Amusez-vous donc à dénombrer les petits hommes verts lorsque vous visionnerez Mars attaque ! Si vous le souhaitez, vous pourrez les compter sur vos mains à......six doigts ?! Mais alors, vous aussi, vous êtes un.....Arrghh !!

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