[Flashback] Dans les coulisses de Galaxy Quest : Les trucages d’une formidable parodie de SF
Article Cinéma du Jeudi 08 Octobre 2015

Par Pascal Pinteau

Marqué par son rôle d'aventurier de l'espace dans la célèbre série "Galaxy Quest", Jason Nesmith gagne sa vie en se produisant sur scène lors de conventions de Science-Fiction. Le feuilleton s'est arrêté il y a plus de vingt ans, mais les fans lui sont restés fidèles. C'est grâce à eux que Nesmith paie ses factures et qu'il se prend encore pour une star. Si l'ancien "Commandant Peter Quincy Taggart" satisfait son ego en signant des autographes par centaines, les comédiens qui incarnaient les seconds rôles de la série font grise mine. Ils rêvent d'échapper à l'univers de "Galaxy Quest" pour jouer enfin des personnages sérieux au théâtre ou au cinéma. Ils enfilent sans enthousiasme leurs uniformes mités pour clamer la devise du feuilleton, "Ne jamais abandonner, ne jamais se rendre !" devant leurs fans. A peine les comédiens sont-ils sortis de scène qu'ils se retrouvent téléportés dans un vaisseau spatial qui n'a rien d'un décor en carton-pâte. Les Thermiens, des extraterrestres un tantinet naïfs, ont capté les épisodes de "Galaxy Quest" à l'autre bout de l'univers...et les ont pris pour des archives historiques ! Impressionnés par la vaillance du "Commandant Peter Quincy Taggart" et de son équipage, ils sont venus les supplier de les défendre contre Sarrus, un Attila du cosmos qui extermine tout sur son passage! Comment les acteurs vont-ils s'acquitter de leurs rôles dans cette mission on ne peut plus réelle ? C'est le sujet de cette comédie injustement passée inapercue, et pourtant produite par le studio de Steven Spielberg, Dreamworks. Après le succès de Men In Black, Spielberg avait mélangé a nouveau l'humour et la science-fiction en un savoureux cocktail. Alléché par les premiers échos de ce scénario, nous nous étions rendus à Hollywood pour assister au tournage de Galaxy Quest. Retour dans le temps…



MAI 1999. Nous avons rencontré l'équipe de Galaxy Quest dans l'ancien studio des frères Warner, un lieu magique où l'on s'attend à croiser les stars des années 30 au détour de chaque couloir. Le logo de Galaxy Quest ornait six des sept plateaux du vieux studio. Poussant la porte du plateau 5, nous nous sommes retrouvés devant l'énorme infrastructure du poste de pilotage du vaisseau Thermien. La décoratrice Linda DeScenna nous attendait là, les yeux rivés à un moniteur vidéo: elle vérifiait l'apparence d'une cosse géante en résine et en fibres de verre en compagnie des producteurs du film. Sa mini-conférence achevée, Linda nous a expliqué que son travail sur Galaxy Quest avait débuté sur les chapeaux de roues en novembre 98. Les premiers décors avaient été esquissés en décembre et les plans de construction achevés en Janvier 99 afin de permettre au tournage de débuter en mars. Tout se passait pour le mieux lorsque le réalisateur a démissionné en claquant la porte. Il était furieux que le département juridique de Dreamworks lui interdise de parodier les décors et les costumes de Star Trek, typiques de la science-fiction des années soixante. Les avocats craignaient que les Studios Paramount, propriétaires de Star Trek, n'apprécient guère cette plaisanterie. Galaxy Quest a donc été transformée en série des années 80 pour éviter tout risque de procès. Ce changement s'est avéré catastrophique pour l'équipe de Linda, car la moitié des décors et des accessoires au look "années 60” étaient fin prêts ! Linda est donc revenue à la case départ, le moral au plus bas, et a adapté ses créations au style des années 80 et aux exigences du nouveau réalisateur, Dean Parisot, sans dépasser le budget de 6 millions de dollars qui lui avait été attribué. Les feuilles de décor ont été démontées et recomposées différemment, tandis que les panneaux techniques et les accessoires sont devenus plus sophistiqués. Après avoir résolu ce problème épineux, Linda DeScenna a du faire tenir tous ses décors sur cinq plateaux au lieu des sept initialement prévus. Il lui fallait démonter certains décors dès la fin des prises de vues et en installer d'autres sur le même plateau pour filmer les scènes suivantes, et répéter inlassablement ce processus tout au long du tournage. Linda avait heureusement conçu ses décors à partir d'éléments démontables, que l'on pouvait assembler de différentes manières. Les pièces de ce gigantesque puzzle ont été mélangées et recomposées cinq à six fois pour figurer tour à tour le poste médical, les quartiers d'habitation, les couloirs ou le poste de commande du vaisseau. Lorsque l'on voit les comédiens traverser plusieurs décors au cours de la même séquence du film, on est incapable d'imaginer qu’il s’agit d'images tournées à des semaines d’intervalle, reliées par un savant montage ! Une autre astuce a permis de créer l’illusion d’un immense astronef : des couloirs courbés, dont on ne voit pas la fin. Grâce à ce truc bête comme chou, les spectateurs perdent tout point de repère. Ils ont l'impression que les acteurs peuvent arpenter le vaisseau pendant des heures sans s’arrêter. Les portes qui jalonnent ces couloirs sont toutes semblables, et ne mènent nulle part. Les équipes de construction créaient au jour le jour des pièces derrière les portes, à partir du “Puzzle de base”, pour donner l’impression de se trouver dans d'autres parties du vaisseau.

Les décors truqués

Les décors de Galaxy Quest contiennent de nombreux accessoires truqués et c’est à un des meilleurs spécialistes en la matière, Isidoro Raponi, que Dreamworks a fait appel. Isidoro semble réunir toutes les compétences de l’équipe de “Mission impossible” à lui seul : il a mis au point les mécanismes des extraterrestres de Rencontres du troisième type, façonné la terrifiante double mâchoire du monstre d'ALIEN, construit le décor du sous-marin de A la poursuite d’Octobre rouge, crée les effets pyrotechniques et les impacts de balles du Parrain N°3, et reconstitué un duplicata de l’avion du président des Etats-unis pour Air force One, pour ne citer que quelques-uns des films de sa carrière. Au moment de notre visite, Isidoro et ses collaborateurs fabriquaient des tableaux de bord parcourus d'animations lumineuses et de clignotements dignes des enseignes de Las Vegas. Il a fallu assembler des centaines de circuits électroniques pour créer toutes ces pulsations et régler leur tempo et leur intensité selon les désirs de la décoratrice et du réalisateur. Lorsque l’on voit de près les éléments de décor de Galaxy Quest, ils ont l’air si lisses et si nets que l’on jurerait qu'ils sont recouverts d'acier. Il faut les toucher pour se rendre compte qu'ils sont réalisés en bois. Dans la plupart des cas, les structures de ces décors sont composées de bois peu coûteux, à la texture grossière, comme le sapin. Les parties visibles, en revanche, sont fabriquées avec du “Médium”, de la sciure de bois mélangée avec de la colle et séchée sous haute pression pour obtenir des planches. Ce matériau se scie et se ponce facilement. Il suffit de le recouvrir d'enduit et de quelques couches de peinture argentée pour lui donner un aspect métallisé plus vrai que nature. Lorsque les équipes d’Isidoro utilisent un contreplaqué plus grossier, elles appliquent en surface un plastique thermo-collant qui “gomme” la texture du bois et masque ses imperfections. Les décors du poste de pilotage du vaisseau Thermien avaient été conçus pour abriter les éclairages de faible intensité voulus par le premier réalisateur. Lorsque le nouveau directeur de la photo est arrivé, il a éclairé les tableaux de bord avec des projecteurs internes si puissants que leurs cadrans en plastique ont fondu ! Dès le lendemain matin, les cadrans étaient réparés et ornés de plaques de verre résistant à des chocs thermiques ! Cette aptitude à trouver des solutions rapides à des problèmes est le fruit d'un travail qu'Isidoro Raponi réalise chaque jour. Il teste systématiquement tous les matériaux qui apparaissent sur le marché Américain, qu'il s'agisse de plastiques, de plâtres synthétiques, de colles ou de silicones, de manière à avoir toujours une solution en tête au moment fatidique. La documentation technique qu’il a accumulée ainsi pourrait remplir une bibliothèque. En dépit de ces précautions, ce sont souvent les effets les plus simples qui deviennent des casse-têtes infernaux. Isidoro soupire encore en évoquant les interrupteurs lumineux que Linda DeScenna et Dean Parisot avaient choisis pour orner les panneaux techniques du vaisseau. Ces carrés blancs dotés d'ampoules sont introuvables depuis que les diodes électro-luminescentes (L.E.D.) les ont supplantés. Isidoro et ses collaborateurs se sont transformés en détectives et ont finalement localisé les objets convoités dans des décharges d’avions! Il a fallu se rendre dans ces étranges cimetières au coeur du désert, et prélever un par un plus de 2000 interrupteurs sur les tableaux de bord des avions, par une température de 45 degrés à l'ombre !

Effets spatiaux

Pendant les scènes de combat spatiaux, le poste de pilotage du vaisseau de Galaxy Quest était violemment secoué pour simuler les impacts des tirs adverses. Pour obtenir cet effet, l’équipe d’Isidoro a soudé les structures en métal du décor sur une plateforme de 400 mètres carrés, composée de tubulures d’acier. Cinq énormes vérins pneumatiques reliés à la base de la plate-forme - appelée “Gimble” - peuvent la pousser et la tirer avec une rapidité impressionnante. Isidoro est devenu un spécialiste de ces mécanismes qui permettent de secouer tout un décor, mais aussi de le faire pivoter, tourner, monter ou descendre selon les envies du réalisateur ou les nécessités du script. Les maquillages des ennemis des Thermiens, quant à eux, sont l'oeuvre de Stan Winston, dont le travail sur Aliens et Terminator 2 avait été récompensé par des Oscars. Le masque de Sarrus a été réalisé en mousse de latex à partir du moulage de la tête de Robin Sachs. Avant d'avoir le visage couvert de prothèses, ce comédien anglais devait d'abord orner le haut de son crâne d'un petit casque creux en résine et en fibre de verre, recouvert d'une peau de mousse de latex. Une radiocommande permettait d'actionner les dix servomoteurs disposés à l'intérieur du casque, et d'animer ainsi les cinq griffes qui ornent la tête de Sarrus. Ses autres expressions faciales sont dûes aux grimaces de Robin Sachs, dont les yeux avaient été recouverts de lentilles de contacts impressionnantes. Le reste du costume était constitué de fausses mains en mousse de latex, d'épaules renforcées et d'une armure de plastique, soit 36 kilos d'accessoires divers que le malheureux comédien devait porter toute la journée, sous la chaleur des projecteurs. Allez vite découvrir le fruit de ce travail en louant le DVD du film. Vos éclats de rire récompenseront les efforts de Robin Sachs, Linda DeScenna, Isidoro Raponi et de toute la fine équipe de Galaxy Quest...

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