Entretien avec Michael Bay, réalisateur de Transformers, la Revanche
Article Cinéma du Mercredi 24 Juin 2009

Par Pascal Pinteau

Michael Bay a fait ses débuts de réalisateur en signant des publicités pour Nike, Reebok et Coca-Cola ainsi que des clips musicaux, notamment pour Tina Turner et Lionel Ritchie. Son premier long métrage, le « buddy movie » policier Bad Boys est un franc succès en 1995. Boosté par la présence de Will Smith en tête d’affiche, il rapporte plus de 160 millions de dollars. (Bay en signera la suite, Bad Boys 2, en 2003). C’est par cette réussite que débute la collaboration du réalisateur avec le producteur Jerry Bruckheimer. L’année suivante, Bay signe l’un de ses meilleurs films d’action, The Rock, emmené par Nicolas Cage et Sean Connery en grande forme. En 1998, il produit et réalise Armageddon, film catastrophe et catastrophique, qui marque le début des tics les plus agaçants du « style Michael Bay » : les successions hystériques de plans de moins d’une demi seconde, et de certains plans esthétisants, grandiloquents à l’extrême, souvent filmés au ralenti, tellement caricaturaux qu’ils prêtent à sourire. Mais l’astronaute Bruce Willis réussit cependant à sauver à la fois l’humanité – en faisant exploser l’astéroïde qui fonce sur la terre - et la carrière du film au boxoffice. En revanche, Pearl Harbor déçoit en 2001 : plus préoccupé par ses belles images et ses effets visuels signés ILM que par ses personnages, Bay se contente d’utiliser une banale intrigue amoureuse pour lier le tout et saborde son blockbuster patriotique… Secoué par cet échec, il ne revient à la réalisation qu’en 2005, avec le thriller de Science Fiction The Island, course-poursuite sur fond de clonage humain qui révèle Scarlett Johansson aux côtés d’Ewan McGregor. C’est en 2007 que Michael Bay revient en force, en signant un Transformers particulièrement sympathique et sans prétention. En parfaite adéquation avec son sujet, le réalisateur se régale en filmant d’incroyables affrontements de robots géants, et révèle le talent comique de Shia Labeouf. Dignes successeurs des Gozilla, Ghidorah et autres Baragon qui piétinaient jadis les grandes cités japonaises, les colosses de métal de Bay triomphent au boxoffice, et lancent la vague d’adaptation des jouets cultes au cinéma. Dans Transformers, La revanche (qui marque aussi la revanche de Michael Bay, définitivement revenu au top), le plaisir régressif du pur spectacle est décuplé : les combats des Autobots et des Decepticons sont encore plus spectaculaires (Bravo à Scott Farrar, d’ILM, dont nous publierons bientôt l’interview), les scènes de comédie vraiment bien troussées, le dynamique Shia Labeouf joue toujours aussi bien…et la jolie Megan Fox encore plus mal. Elle n’a qu’une seule expression dans tout le film : yeux bleus mi-clos et bouche entr’ouverte, pour bien signifier « Regardez comme je suis sexy ! ». C’est tellement embarrassant qu’on en vient à espérer qu’elle suivra quelques cours de comédie avant de tourner dans Transformers 3. Bref, si vous aimez autant que nous la SF décomplexée, le cinéma à grand spectacle, les effets spéciaux, les robots, les acteurs qui savent être rigolos et les bimbos, Transformers, la Revanche vous plaira énormément !



Dans ce nouvel épisode, plusieurs séquences se déroulent hors des paysages urbains : vous nous entraînez à Petra, en Jordanie, et en Egypte, sur le site des Pyramides de la vallée des rois…

Oui, c’était assez incroyable de tourner dans ces lieux magiques.

Ce devait être intéressant de mêler l’univers futuriste des Transformers à celui de ces monuments de l’Antiquité…

Absolument. Tout le monde s’est toujours demandé comment les pyramides ont été construites. Eh bien, nous offrons notre réponse dans Transformers, la Revanche !

Ce tournage a-t-il été fatigant ?

Oui, parce que l’on essaie toujours de se surpasser. Je crois que ce film est encore plus divertissant et plus drôle que le premier, et que ses personnages sont plus passionnés par ce qu’ils entreprennent de faire. C’est une aventure d’une plus grande ampleur, et je pense que les spectateurs ressentiront cette différence. Nous avons tourné des scènes impressionnantes. Visuellement, ce film est sans nul doute largement supérieur au premier.

Vous avez tourné certaines scènes du film au format Imax. Que retenez-vous de cette expérience ?

Le procédé Imax est vraiment formidable. Nous avons pu tourner plusieurs séquences avec ces énormes caméras. Cela prend plus de temps à mettre en place, mais je crois que le résultat sera bluffant. J’avais vu The Dark Knight dans une salle Imax, et j’avais été très impressionné par le résultat. Mais contrairement à ce film, nous produisons des effets visuels à la résolution Imax pour toutes ces séquences spéciales. Ce qui signifie que ces effets doivent avoir une résolution dix fois supérieure à celle du 35mm. Je vous laisse imaginer le casse-tête que cela représente pour les équipes d’ILM…Toute la séquence des pyramides a été réalisée au format Imax, et je crois que le résultat va impressionner les spectateurs.

Vous avez la réputation d’arriver parfaitement préparé sur le plateau, et de tourner très vite. Avez-vous storyboardé tout le film, ou réalisé des animatiques très détaillés de toutes les scènes ? Quel est le secret de votre rapidité ?

Je n’ai storyboardé que les scènes d’effets visuels, mais pas tout le film. Mon « secret » est tout simple : j’ai préparé le film pendant si longtemps qu’il est stocké dans ma tête, plan par plan. Quand j’arrive sur le plateau, je regarde quelle est la lumière et je vois tout de suite de quels angles de prise de vue j’ai besoin. Je fais des repérages intensifs avant le tournage pour bien connaître les décors extérieurs, et pour pré-visualiser la manière dont je vais les filmer. C’est comme cela que je procède.

Depuis quelque temps, les suites ont tendance à être plus sombres que les films originaux. Est-ce le cas de Transformers, la Revanche ?

Celui-ci est interdit aux moins de 18 ans ! (Michael Bay éclate de rire)

Dans le premier épisode, on pouvait remarquer que peu de gens mouraient. Y a t’il davantage de « dommages collatéraux » dans ce second volet ?

Oui, un peu plus, car l’action se déroule dans le monde entier. Dans le premier épisode, la menace touchait surtout une petite ville américaine dont on ne citait même pas le nom. Cette fois-ci, les évènements que nous décrivons ont un impact sur toute la planète, sur plusieurs continents, notamment l’Europe, l’Amérique et l’Afrique du Nord. L’ambiance du film est plus apocalyptique…

La clé du succès du premier film, c’est qu’il touchait un très large public…

Et je dois avouer que je n’avais pas du tout prévu que cela fonctionnerait ainsi. A chaque fois que vous faites un film, vous ne savez jamais vraiment s’il va marcher ou pas. Quand je réalisais le premier Transformers, tout le monde disait que c’était une idée médiocre, vouée à l’échec. C’était pénible…Dès que j’ai terminé la scène dans le désert avec Scorponox (Le scorpion qui bondit des dunes de sables pour attaquer les soldats, NDLR), je l’ai montrée à certains de mes amis qui m’avaient dit qu’ils ne comprenaient pas l’intérêt de faire un tel film. Mais quand ils ont vu cette scène, et vu comment nous allions intégrer les robots dans des environnements réalistes, ils m’ont tous dit « Ah…d’accord ! Je comprends ce que vous êtes en train de faire, à présent ! » Dans ce premier épisode, je crois que nous n’avions utilisé que le sommet de l’iceberg. Nous n’avions qu’effleuré le potentiel des robots et des personnages humains. Il y a beaucoup de surprises dans cette nouvelle aventure : nous avons des personnages plus drôles, des robots plus nombreux et plus variés, avec des personnalités encore plus marquées. Il y a des robots un peu stupides, des vieilles machines usées et pleines de sagesse, et des toutes jeunes qui débordent de fougue et de maladresse !

Concevez-vous les scènes d’action avec un coordinateur de cascades ?

Non. Je travaille seul, dans un coin, en écoutant de la musique pour m’inspirer, et en réfléchissant à ce que j’aimerais filmer. Quelquefois, j’utilise la musique du premier Transformers, ou celles de Gladiator, de Batman Begins… les compositions de Hans Zimmer. Hans a d’ailleurs composé plusieurs thèmes musicaux nouveaux pour ce second épisode. Mais pour revenir à votre question, je m’assieds dans une pièce et je réfléchis tranquillement pour imaginer tout cela.

Qu’est-ce qui rend Shia Labeouf si singulier ?

Shia est un acteur surdoué, un diamant brut ! Il peut être assommant, comme le sont quelquefois les garçons surexcités de 22 ans…(rires)…Il faut que je joue le rôle du grand frère et que je lui explique qu’il ne peut pas tourner ses cascades lui-même, qu’il doit être prudent pendant que l’on filme les scènes d’action. Comme tous les garçons de cet âge, Shia a l’impression d’être indestructible ! (rires)…Mais il a un talent exceptionnel. Il a vécu pas mal de choses dans sa vie. Il vient de loin, car il est issu d’un milieu très modeste. Il n’était pas vraiment destiné à faire carrière dans le cinéma. Mais il a réussi malgré tout. Il n’a pas eu de mal à s’imposer comme le leader du film et il a encore plus de charisme que dans l’épisode précédent.

Quelle a été la séquence la plus difficile à tourner ?

Nous avons construit une réplique d’une ville égyptienne au Nouveau Mexique. C’était un décor très grand, dans lequel ont lieu des scènes d’action très compliquées, qui mêlent acteurs, effets spéciaux, effets pyrotechniques, destructions réalisées « en direct » et robots en 3D ajoutés ensuite dans les images. A chaque moment du tournage, il fallait que j’aille et vienne pour tout régler avec les différentes équipes techniques, et que je leur apporte les réponses que j’étais le seul à avoir en tête. C’était extrêmement difficile à coordonner, car dès que je criais « Action ! », il fallait que tout le monde respecte un timing très précis, aussi bien devant que derrière la caméra. Une demi-seconde de retard peut ruiner des plans de ce genre-là. Et comme ils sont compliqués à mettre en place, si on doit les recommencer, il faut attendre 45 minutes à une heure pour que le décor soit remis en place, les murs détruits réparés, les nouvelles charges explosives prêtes à fonctionner, etc…

Diriez-vous que ce film est l’un de ceux que vous avez eu le plus de plaisir à réaliser dans votre carrière ?

Oui, ce second Transformers a été très agréable à faire. Nous étions un peu rassurés parce que le premier a eu un grand succès. Le stress est toujours là, mais nous savions que nous allions bénéficier de la confiance du public. D’un a-priori bienveillant. Bien sûr, ce n’est pas ce qu’on se dit tous les jours sur le plateau, car le travail au quotidien est souvent très dur et les journées très longues. Cela représente un défi, car je tourne ce genre de film très vite. La plupart des réalisateurs disposent d’une seconde équipe qui travaille tout au long du tournage. Pas moi. Tout ce que vous voyez dans le film, nous l’avons tourné nous-mêmes. Je veux être certain de préserver l’intégrité de ma vision initiale, et je mets un point d’honneur à tourner ces films en respectant le budget prévu. Nous avons réalisé Transformers, la Revanche avec un budget inférieur de 30 à 40 millions de dollars à ceux de la plupart des suites de blockbusters. Mais les scènes d’action sont pourtant encore plus spectaculaires et plus nombreuses. Les séquences avec le gigantesque Destructicon qui apparaît à la fin sont démentes. ILM s’est surpassé.

Le succès du premier film vous a-t’il beaucoup surpris ?

Oui, même si j’avais compris que le film avait un beau potentiel grâce aux premières projections-tests. Pendant la première projection avec un public d’enfants, déprimé par la négativité médiatique dont le tournage avait été entouré, je me disais, « Bon, c’est un film un peu stupide pour les gosses, avec des gags et de l’action. C’est bébête, mais les enfants aiment les gags… ». Bref, je voyais les choses en noir, et je m’attendais à des résultats moyens. Mais quand les fiches de la projection ont été analysées, et les moyennes des réponses calculées, nous avons obtenu un taux de satisfaction de 95 sur 100. Là, je me suis dit « C’est bien, mais c’est normal, parce que le film s’adresse surtout aux gosses. » Puis nous avons lancé une autre projection une demi-heure plus tard, cette fois-ci avec un public d’adultes. Je me suis assis dans la salle à côté d’un type, et je lui ai demandé s’il aimait le film. Il m’a dit non. Mon moral a chuté d’un cran. Ensuite, j’ai remarqué que les autres adultes riaient en découvrant les gags. Et quand les résultats de ce second groupe sont arrivés, nous avons obtenu exactement la même note : 95 sur 100 ! Des petits groupes de spectateurs de différentes tranches d’âge ont participé à des sessions de questions, et quand on leur a demandé pourquoi ils aimaient le film, une femme d’une quarantaine d’années à levé la main et a répondu « Nous avons vu des tas de films de superhéros ces derniers temps, mais çà, c’est nouveau ! » J’ai trouvé que c’était une bonne réponse, une remarque très intéressante. Après, quand le film est sorti en salles, le premier et le second jour, je me suis dit que les bons résultats étaient dûs aux fans, qui étaient certainement venus en masse. Le troisième jour, j’ai pensé « Tiens, les chiffres des entrées ne baissent pas, c’est bon signe. » Mais Jerry Bruckheimer, mon producteur, m’a conseillé de ne pas croire que la partie était gagnée avant le second week end. C’est quand on atteint ce point-là que l’on sait vraiment si le film sera un gros succès ou pas. Ce n’est donc qu’après le second week end que nous avons compris que le film tenait le choc et allait durer. Nous avons bénéficié d’un bon bouche à oreille, et nous avons eu l’excellente surprise de constater que notre public est plus âgé et plus varié que je ne l’aurais jamais espéré.

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