Exclusif : Entretien avec McG, réalisateur de Terminator Renaissance
Article Cinéma du Vendredi 10 Juillet 2009

C’est sur le tournage de Terminator Renaissance, à Albuquerque, puis à ILM que Effets-speciaux.Info a rencontré le réalisateur Joseph McGinty Nichol, alias McG. Surtout connu pour avoir réalisé les deux volets de Drôles de Dames, l’adaptation cinématographique de la série éponyme, McG a été vite catalogué « réalisateur de films d’action amusants destinés au public féminin », ce qui est pour le moins réducteur ! En revanche, on sait moins que ce cinéaste doué a obtenu un diplôme de psychologie à l’université d’Irvine en Californie, et a débuté en tournant de nombreux spots publicitaires et vidéoclips maintes fois primés. Il a réalisé en 2006 un film resté inédit en France, We are Marshalls, consacré à une équipe de football américain décimée par un accident d’avion, et dont l’entraîneur et les membres survivants essaient de surmonter ce drame. Terminator Renaissance est donc une étape de plus dans le changement de registre radical entamé par McG. Non content de nous raconter la création de ce nouvel épisode, McG nous révèle aussi ses idées pour Terminator 5 !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Nous venons de voir la séquence de l’attaque du récolteur et de la poursuite avec les mototerminators. Elle est très efficace…

Merci. Je suis très fier de ce que Charlie Gibson, Ben Snow et tout le reste de l’équipe d’ILM a réalisé pour cette scène. Elle a demandé beaucoup de travail, mais je crois qu’elle fonctionne bien. Le public a été très enthousiaste en la voyant, pendant les premières projections-tests.

Selon vous, qu’est-ce qui contribue à la réussite d’une scène d’action ?

Le fait qu’elle raconte une histoire, avec un début, un milieu et une fin. L’histoire est l’élément le plus important. Si vous vous contentez d’ajouter des effets les uns après les autres sans une bonne trame narrative, au bout d’un moment, la scène devient inintéressante. On a l’impression de ne plus percevoir que du bruit inutile. Le récit permet de donner un rythme, de créer du suspense, d’intriguer les spectateurs. Je crois que c’est ce qui vous a permis d’apprécier la scène en dépit du fait que tous ses effets visuels n’étaient pas encore terminés.

Que diriez-vous à des spectateurs qui pourraient être rebutés par le fait qu’il s’agisse d’une suite, et du quatrième volet de la saga ?

Dans mon esprit, je ne considère pas le film comme une suite, mais comme un tout nouveau chapitre de cette histoire. Le premier épisode se déroulait en 1984, le second en 1992, le troisième en 2003, c’est à dire toujours dans le présent. Notre film, lui, se passe entièrement dans le futur, en 2018, après le « jour du jugement dernier ». On y découvre toutes les machines et les robots qui ont été construits avant que le réseau d’intelligence Skynet, qui veut détruire les humains, arrive à produire le modèle T-800, ce robot au squelette de métal chromé recouvert de chair qui était incarné par Arnold Schwarzenegger dans les épisodes précédents. Dans le premier Terminator, ce modèle venait du futur jusqu’en 1984, pour tuer Sarah Connor. L’action de notre film se déroule après l’apocalypse nucléaire, mais avant que Skynet ne dispose des machines qui permettent de voyager dans le temps. Les précédents épisodes étaient principalement des poursuites : il fallait échapper au Terminator qui traquait les héros. Terminator Renaissance est complètement différent. Ce n’est pas une poursuite, mais la découverte d’un nouvel univers, avec de nouveaux enjeux, de nouveaux personnages et de nouveaux mystères. Ce n’est pas Terminator 4, avec un robot travesti qui poursuit John Connor dans les rues de Los Angeles ! (rires) C’est un nouveau commencement. Nous avons abandonné les images à l’aspect bleu acier, pour utiliser des couleurs désaturées, et une lumière très contrastée. Il nous fallait créer une ambiance de fin du monde.

De quels robots actuels, réels, vous êtes-vous inspirés pour créer ceux que l’on découvre dans le film ?

Nous nous sommes inspirés des robots mis au point pour l’armée américaine, mais aussi de ceux qui sont construits en ce moment au Japon. J’ai vu là-bas, très récemment, la présentation d’un robot à l’apparence féminine, qui était très impressionnant. Honda continue a développer aussi la gammes des robots Asimo, qui marchent, courent, gravissent des escaliers, et font de plus en plus de choses. Et il y a aussi différents modèles d’engins volants automatisés, des « drones » comme on les appelle, qui sont capables de surveiller un périmètre pour assister la police ou l’armée. Tout cela est fascinant, mais plus on voit ces machines évoluer, plus l’on se dit qu’elles pourraient échapper à notre contrôle un jour et nous menacer. J’ai aussi rencontré le professeur Saiko, qui est un des plus éminents spécialistes japonais en matière de robotique, ainsi que les scientifiques de Cal Tech. Curieusement, nous avons inventé l’hydrobot, ce robot-tueur au corps de serpent, qui nage dans l’eau, sans savoir qu’un robot-serpent nageur fonctionnait vraiment au Japon !

L’aspect noir et complexe des structures des nouveaux robots fait penser au fameux style biomécanique développé par H.R. Giger pour Alien…

Oui, nous avons été influencés par les œuvres de Giger, c’est exact.

Alors que l’on s’attend à ce que John Connor, incarné par Christian Bale, soit le personnage principal du film, c’est en fait autour de Marcus, que joue Sam Worthington, que l’essentiel de l’intrigue du film est bâtie…

Oui. Ce n’est plus un secret à présent que le personnage de Marcus n’est pas entièrement humain. S’il a bien un cœur et un cerveau organiques, sous sa peau se cachent des os et des vérins de métal. Mais le problème qui se pose à son sujet est « qui sert-il ? Skynet ou les rebelles humains ? ». Après avoir vu les trois premiers épisodes, nous savons que Skynet est capable d’utiliser les ruses les plus efficaces pour combattre les humains, et tenter de tuer leur chef, John Connor. Si Marcus est le personnage central du film, c’est parce qu’il est entouré d’un mystère. Personne ne sait d’où il vient, et si on peut lui faire confiance. Est-il un terminator dont il faut se méfier, ou est-il un humain que l’on a reconstruit pour lui sauver la vie ?

Comment le personnage de John Connor évolue-t’il ? Dans les deux épisodes précédents, c’était un adolescent, puis un jeune homme.

A présent, c’est un adulte qui a la lourde responsabilité de diriger les forces de la résistance humaine, et de mener un combat inégal contre les machines. Il doit faire face à d’énormes responsabilités, à des pertes lourdes à l’issue de certaines batailles, tout en prenant soin de son épouse, qui est enceinte.

Comment avez-vous suivi la progression des effets visuels réalisés par ILM, qui se trouve à San Francisco, alors que vous travaillez à Los Angeles ?

Nous utilisons un système formidable qui s’appelle Cinesynch. En ce qui me concerne, je travaille sur la post-production du film dans les Studios Warner de Burbank. Très régulièrement, nous organisons des téléconférences communes avec le système Cinesynch. Les gars d’ILM se trouvent devant leur grand écran plasma, et moi devant le mien, et nous disposons chacun d’une petite palette graphique, qui nous permet d’intervenir directement sur les images que nous visionnons ensemble. Si je remarque un détail qui ne me convient pas dans un plan, je peux stopper l’image, me servir du stylet pour entourer ce que je souhaite que l’on modifie, et ce document est récupéré par ILM pour faire les corrections nécessaires. D’ailleurs, le système Cinesynch est également utilisé pour travailler avec des gens qui habitent à deux pâtes de maisons de vous, car c’est plus simple, plus rapide et plus efficace que de se déplacer physiquement pour un rendez-vous.

Avez-vous instillé quand même un peu d’humour dans le film ?

Oui, mais à toutes petites doses. Notre but principal, c’était surtout de remettre la saga Terminator sur ses pieds. Avec tout le respect dû à Jonathan Mostow, qui est un ami, je crois que les scènes de Terminator 3 dans lesquelles Arnold arrive dans un bar gay et en ressort en mettant des lunettes à la Elton John, c’était aller trop loin dans la dérision. Notre démarche se rapproche plus de ce que Christopher Nolan a fait avec les deux derniers Batman. Il y a un peu d’humour ça et là, mais par petites touches. Il n’y a pas de gros gags, ni de « répliques qui tuent ». Dans le prochain film, s’il y a un prochain Terminator, je crois que nous pourrons être un peu plus audacieux dans ce domaine. Mais pour l’instant, il est trop tôt.

Vous avez cloné le visage d’Arnold Schwarzenegger…

Oui. Dans une scène qui se déroule vers la fin du film, au moment où John Connor réussit à s’infiltrer dans les installations où Skynet construit les premiers modèles de T-800. Il découvre d’abord les squelettes de métal, puis le premier T-800 recouvert de chair, qui l’attaque. Vous imaginez la scène ? John Connor, incarné par Christian Bale, qui se bat contre un terminator qui a le visage du Schwarzenegger de 1984 ! C’est un moment incroyable.

Mais pourquoi Schwarzenegger hésite-t’il à vous donner son accord ?

J’en ai parlé moi-même avec lui : il craint que les gens pensent qu’il a passé du temps sur un plateau de cinéma à s’amuser au lieu de se concentrer sur son job de gouverneur de Californie. Bien entendu, nous ne l’avons jamais filmé sur un plateau. Il n’a absolument pas participé au film, d’une quelconque manière. Nous n’utilisons que son image de 1984. Je crois qu’il s’agit avant tout d’un problème de communication. Je lui ai même proposé de donner une partie de mon cachet de réalisateur à une de ses œuvres de charité préférée en Californie. Je lui ai dit que j’étais prêt à soutenir ses efforts de baisse des taxes locales sur les métiers du cinéma en tournant le prochain Terminator en Californie. L’utilisation de son image dans le film n’aurait aucun effet négatif, et j’espère qu’il s’en rendra compte. Je comprends très bien sa position, surtout dans cette période de récession terrible où tant de gens perdent leurs maisons et leurs emplois. Mais je crois que les gens comprendront bien qu’il s’agit juste d’un trucage, et que le gouverneur a juste eu la générosité de nous laisser utiliser son image d’il y a 25 ans. Le résultat des travaux d’ILM est sidérant, et ce serait dommage que les cinéphiles et les fans de Terminator ne puissent pas le voir, car c’est une avancée révolutionnaire dans le domaine des effets visuels. On voit le Arnold de 1984 se battre contre Christian Bale et on jurerait que c’est le vrai ! (Lors de cet entretien l’accord de Schwarzenegger n’avait pas encore été obtenu, NDLR.)

Quelle est votre solution de secours si Arnold vous dit non ?

Nous avons une version alternative. Quand Christian Bale est attaqué par le T-800, il se défend en lui tirant dans la tête à bout portant, ce qui révèle le crâne de métal sous son visage. C’est une solution acceptable, mais ne nous voilons pas la face, c’est beaucoup moins bien que de montrer le T-800 avec le visage de Schwarzenegger. Les techniciens d’ILM ont dû créer des logiciels spéciaux pour réussir à relever ce défi, à créer ce clone parfaitement crédible. Et ils l’ont fait !

Quel est le budget du film ?

150 millions de dollars. C’est beaucoup d’argent, mais c’est ce qui est nécessaire pour réaliser une grosse production comme celle-là. Et pourtant, je peux vous assurer que nous n’avons pas gaspillé les sommes qui nous ont été confiées. Nous les avons utilisées avec beaucoup de soin. Mais je n’aime pas parler de budget parce qu’il n’y a aucun rapport entre le coût d’un film et sa qualité propre. Les gens sont ravis de voir Slumdog Millionnaire, qui a été tourné avec un budget minuscule, tandis qu’ils se moquent de certaines superproductions, parce qu’ils devinent que l’histoire est creuse et ne les intéressera pas. Dans certains cas, les films coûtent cher parce que le réalisateur utilise à peu près tous les types d’équipements disponibles. De tels tournages peuvent se transformer en énormes machineries qui avancent à un rythme de tortue. Sur Terminator Renaissance, je voulais rester constamment dans l’action, être mobile, déplacer vite la caméra et coller à mes personnages.

Vous avez imaginé Terminator Renaissance comme le premier épisode d’une nouvelle trilogie. Quelle est l’histoire que vous avez imaginée pour le film suivant ?

Je ne suis pas sensé en parler, mais je vais vous le dire quand même. Dans l’épisode suivant, la technologie de voyage dans le temps est mise au point. John Connor fait un bond dans le passé, et arrive en 2011 à Los Angeles. Il a beaucoup de mal à s’adapter à ce monde d’avant l’apocalypse, dans lequel il n’a pas vécu depuis très longtemps. La mission qu’il s’est fixée consiste à contacter, puis à galvaniser les forces militaires du monde entier avant l’attaque du réseau d’intelligence artificielle Skynet, qui va déclencher une pluie de missiles atomiques dès qu’on lui confiera la gestion de la défense américaine. Parallèlement, les machines réussissent à envoyer leurs robots et engins les plus redoutables dans le passé avec l’intention d’éradiquer tout projet humain de résistance à leur domination. Pendant ce temps, John Connor doit retrouver Marcus, qui a une puce électronique de Skynet implantée dans le cerveau. Cette puce contient un code qui permettrait d’attaquer Skynet, et de combattre ses machines de manière plus efficace. Imaginez Christian Bale s’introduisant de force dans le bâtiment du congrès américain, à Washington, et disant « Il faut laisser de côté tous nos conflits actuels, et que les humains s’unissent pour lutter contre les machines.» L’invasion des machines donnera à Connor une opportunité que sa mère n’a jamais eu avant : être cru par les autorités lorsqu’il annoncera l’apocalypse à venir.

Est-ce que John Connor se rencontrera lui-même, plus jeune, en voyageant dans le passé ?

Je n’ai pas encore décidé si nous allions faire cela ou pas, mais je peux vous dire que Robert Patrick, qui jouait le terminator de métal liquide dans Terminator 2, sera présent dans le film. Il jouera le rôle d’un chercheur d’une soixantaine d’années, qui travaille à Cyberdyne sur une utilisation particulière des cellules-souches qui permettrait aux gens de ressusciter et de redevenir jeunes. On comprendra alors qu’il s’apprête à créer le double de lui-même qui sera le T-1000. Et je crois aussi que Connor rencontrera sa mère, qui sera à nouveau interprétée par Linda Hamilton. Linda a déjà accepté de participer en voix off à Terminator Renaissance, dans une scène où son fils écoute des enregistrements qu’elle avait fait à son intention.

On sait que Christian Bale est très exigeant en matière de script. Comment avez-vous réussi à le convaincre de vous suivre dans ce projet de trilogie ?

En développant l’intrigue et les personnages avec lui, et avec de bons auteurs. Au début de notre collaboration, Christian m’a dit « Voilà notre objectif : quant on va réunir les acteurs autour d’une table et faire une lecture commune du scénario, sans effets spéciaux ni bruitages, juste en jouant nos rôle, il faut que l’histoire soit captivante, et les personnages passionnants, sinon, je ne ferai pas le film. » Nous avons tellement travaillé sur le script que Christian a accepté de participer non pas à un seul, mais à trois films.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous vous êtes impliqué dans la création du futur DVD du film ?

Je me suis énormément impliqué dans la préparation du DVD. J’ai vu ce que Zack Snyder avait fait avec celui de Watchmen, ce système qui permet au réalisateur de surgir dans le film, dans un cadre qui se positionne à côté de l’image principale, et de raconter comment il a tourné la scène que l’on est en train de voir.

Allez-vous montrer des scènes coupées ?

Oui, il y a aura beaucoup de scènes inédites. Il est possible que nous laissions dans cette version la scène dans laquelle le personnage de Moon Bloodgood se dénude, alors qu’elle a été coupée pour la version cinéma. Lors des premières projections-tests, le public a trouvé que cette scène de nudité n’était pas vraiment justifiée. Ce n’était pas mon avis. Pour moi, cette scène se rapproche de celle de Witness, dans laquelle Harrison Ford voit Kelly McGillis nue, par accident, et où elle lui dit, en le regardant « Je n’ai pas honte ».

Cela veut-il dire qu’une version longue du film sera distribuée en DVD ?

Oui, il y aura bien une version longue de Terminator Renaissance, qui devrait durer environ 16 minutes de plus.

Allez-vous l’exploiter aussi en salles, avant la sortie en DVD ?

Nous ne l’avons pas décidé pour l’instant.

Pendant le tournage, avez-vous subi des pressions des deux studios qui ont coproduit le film, Warner et Sony ?

Non. J’ai de bonnes relations avec Alan Horn de Warner et comme les deux films de Charlie’s Angels ont rapporté 600 millions de dollars à Sony, Amy Pascal m’a simplement dit : « Vas-y, fais pareil ! » (rires) On m’a laissé travailler tranquillement dans les studios d’Albuquerque, au milieu du désert du nouveau Mexique.

Allez-vous rallier le camp des réalisateurs qui tournent leurs films en relief ?

Oui, je suis très intéressé par la 3-D relief. J’ai rendu visite à plusieurs sociétés qui développent des procédés de conversion des films 2D en 3-D relief, comme In-Three. Je sais que les superviseurs des effets visuels du film tremblent quand on évoque les films tournés directement en relief, car leurs techniques actuelles ne fonctionnent que sur des images « plates ». Créer des effets visuels en relief leur demanderait deux fois plus de travail.

Dans les épisodes précédents, on explique que le modèle T-800 a été conçu pour réaliser des opérations d’infiltration, c’est à dire pour s’intégrer aux rebelles humains afin d’en éliminer ensuite le plus grand nombre. Mais ce qui est illogique, c’est que tous les T-800 jusqu’à présent ont le visage d’Arnold Schwarzenegger ! Comment un T-800 pourrait-il ne pas être reconnu s’il a toujours les traits d’Arnold ?

Je suis d’accord avec vous, mais n’oubliez pas que c’est James Cameron qui a développé cette idée. Si vous avez des réclamations à faire, c’est auprès de lui qu’il faut vous plaindre ! (rires) Dans notre film, ce n’est pas comme ça que les machines procèdent pour tenter d’éliminer John Connor…

Voudriez-vous suivre l’exemple de Sam Raimi avec les Spider-Man, et réaliser vous-même tous les films de la nouvelle trilogie Terminator ?

Oui. Si le public aime ce film et nous indique qu’il veut en voir d’autres, Christian Bale et moi avons déjà travaillé pour pouvoir développer l’histoire sur trois films. Nous sommes prêts à le faire, mais c’est au public de décider !

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.