L'histoire de Tarzan, seigneur de la jungle, sur les petits et grands écrans
Article Spectacles du Lundi 14 Novembre 2016

TARZAN est de retour dans une adaptation aux images d’une beauté à couper le souffle, à redécouvrir dès maintenant en Blu-ray ! A cette occasion, nous vous proposons de (re)découvrir l'histoire du roi de la jungle...

Par Pascal Pinteau

La genèse de Tarzan

Le personnage de Tarzan est né en 1912 de l’imagination fertile de l’écrivain américain Edgar Rice Burroughs. Né en 1875 à Chicago, Burroughs se destine à une carrière militaire mais y renonce après avoir échoué au concours d’entrée de la célèbre école de West Point. Il exerce alors de nombreux métiers qui lui donnent le goût de l’aventure : soldat, cowboy, ouvrier dans une mine d’or, ferrailleur et…agent de publicité ! Il se tourne ensuite vers l’écriture et fait paraître son premier roman Under the Moons of Mars en 1912 dans la revue « All Story ». Cette œuvre, qui sera intitulée plus tard A Princess of Mars, marque le début des aventures du premier héros de Burroughs, le soldat confédéré John Carter, que des indiens d’Arizona vont expédier sur Mars par un mystérieux sortilège… Là-bas, John Carter va découvrir une civilisation en proie à la guerre, et tomber amoureux de la princesse Dejah Thoris. Ce récit de Science-Fiction (qui sera prochainement porté à l’écran par Andrew Stanton, le réalisateur de Wall-E, avec Taylor Kitsch dans le rôle-titre) est une brillante démonstration de l’habileté de Burroughs à créer un récit épique : les péripéties se succèdent sans temps mort et on retrouve aussi dans les attitudes de Carter l’esprit chevaleresque des héros de « cape et d’épée » de la littérature populaire. Très en verve, Burroughs publie un second roman en octobre de la même année : Tarzan of the Apes, le premier des 26 tomes des aventures du célèbre « homme singe ». Bien sûr, d’autres auteurs avant Burroughs ont exploité le thème de l’enfant abandonné dans la jungle, comme Rudyard Kipling dans Le livre de la Jungle, paru en1894. Cependant, Burroughs se plaît à déclarer que le mythe de Rémus et Romulus reste sa principale référence… Coquetterie d’auteur ou réalité ? Quoi qu’il en soit, on peut penser que Burroughs a probablement lu les deux célèbres romans de Rider Haggard, Les Mines du Roi Salomon et She, dont le personnage de déesse immortelle qui attend durant des siècles l’être aimé dans un royaume imaginaire situé quelque part en Afrique lui inspirera plusieurs reines des cités perdues explorées par Tarzan. Quand Burroughs meurt en 1950, dans son ranch californien d’Encino, Tarzan est devenu une icône planétaire. Deux villes américaines ont été nommées en son honneur : Tarzana (Californie) et Tarzan (Texas). Et la N.A.S.A. n’a pas oublié non plus les aventures de John Carter, puisqu’un des cratères de Mars a été nommé Burroughs !

L’odyssée du seigneur de la jungle

L’histoire de Tarzan l’homme singe commence dramatiquement une nuit, au tout début du XXe siècle. John Clayton, alias Lord Greystoke, et sa femme Lady Alice, sont débarqués de leur navire par des mutins, et sont abandonnés sur la côte africaine. Ils construisent une cabane, mais peu après leur installation, un grand singe les attaque. Lady Greystoke, ne se remettra pas du choc causé par cette agression. « Cette nuit-là un petit garçon naquit aux portes de la forêt vierge, dans la petite cabane, pendant qu’un léopard feulait devant la porte et que les notes graves du rugissement d’un lion montaient de l’autre côté de la petite éminence ». Lady Alice met au monde un bébé et s’endort pour ne jamais plus se réveiller…Dans la forêt, un autre drame s’est produit : une guenon poursuivie par un grand singe brutal, Kerchak, perd son petit. « Kala était la plus jeune femelle d’un mâle appelé Tublat (…) et le petit qui s’était écrasé au sol sous ses yeux était son premier ; elle n’était âgée que de neuf ou dix ans. » C’est ce même Kerchak qui pénétre dans la cabane des Greystoke, et achève John Clayton déjà à moitié mort de chagrin. Mais, « d’un petit berceau rustique venait le vagissement plaintif d’un bébé ». Kala l’enleve « et sortit comme une flèche pour se réfugier au sommet d’un arbre élevé. » L’histoire est ainsi posée et l’aventure de Tarzan l’Homme-Singe peut commencer. Tarzan grandira en apprenant la langue des grands anthropoïdes, et s’éduquera seul, en lisant les livres trouvés dans la cabane de ses parents. Appelé Tarzan (« Peau Blanche » en « langue singe »), le petit d’homme grandit et utilise son intelligence pour aider ses amis et triompher de ses ennemis. C’est ainsi qu’il tuera le brutal Kerchak, armé du poignard qu’il a fabriqué. Plus tard, le seigneur de la jungle deviendra l’ami de la tribu des Waziris (un peuple imaginaire, créé de toutes pièces par Burroughs), et explorera les parties les plus mystérieuses du pays, découvrant des hommes léopards, des dinosaures, et des cités oubliées…



Un succès phénoménal

Dès sa parution, Tarzan of the Apes connut un succès considérable. Il est, à ce jour, publié en 56 langues. Les 22 aventures de Tarzan qui se succèdent de 1914 à 1947 sont diffusées à plus de 15 millions d’exemplaires et entraînent la production de près de 15 000 bandes dessinées et de 42 longs métrages, sans compter les séries télévisées et autres dessins animés. Tarzan sera l’une des premières stars de la BD, dès le 7 janvier 1929, avec la parution simultanée, dans les colonnes des titres «syndiqués» de la presse US, de la première bande dessinée de science-fiction, Buck Rogers, dessinée par Dick Calkin – et de Tarzan of the Apes, dessinée par Hal Foster, futur créateur de Prince Valiant. Burne Hogarth (1911 – 1996), le plus célèbre des illustrateurs de Tarzan, possède un tel talent que ses dessins sont publiés dès ses quinze ans ! Le 9 mai 1937, il prend le relais du célèbre Hal Foster. Hogarth fait de Tarzan son héros fétiche pendant 10 ans, jusqu’en 1945. Il le retrouve en 1947 et le dessine Tarzan jusqu’en 1950. Sa maîtrise, son inspiration et sa fascination pour le corps en mouvement en font le maître du renouveau de la bande dessinée et l’ancêtre d’une multitude de descendants. Dans les forêts profondes dessinées par Burne Hogarth, l’ombre de chaque feuillage semble se parer d’une denture inquiétante et chaque racine d’une griffe acérée… Tarzan est partout menacé d’être « mangé », que ce soit par un animal vorace - panthère, crocodile et autres lions -, par un autre humain « cannibale » ou même par un élément apparemment inerte comme les sables mouvants qui engloutissent ceux qui s'y aventurent. Le risque d'être dévoré d'une façon ou d'une autre guette le héros à chaque pas. La BD contemporaine a par ailleurs enrichi le bestiaire de Tarzan de quelques figures nouvelles comme les fleurs carnivores ou les piranhas qui transforment le moindre cours d’eau en gueule béante.

Le héros du grand et du petit écran

Tarzan fut le héros de 42 films, sans compter les héros clonés comme « Jungle Jim » et les séries TV… Hélas, Edgar Rice Burroughs vit son personnage « humilié », selon la citation célèbre de Francis Lacassin, par des scénaristes peu scrupuleux qui alignèrent tous les stéréotypes racistes absents de ses romans. Cultivé et parlant plusieurs langues chez Burroughs, le Tarzan du cinéma est un être « simplet » incapable de prononcer une phrase correcte. Le fameux « Moi Tarzan, toi Jane ! » est une pure invention de cinéma ! Malgré tout le charme des épisodes avec Johnny Weissmuller et Maureen O’Sullivan, il faudra attendre Greystoke, la légende de Tarzan (1984), avec Christophe Lambert, pour que le personnage corresponde vraiment à la création d’Edgar Rice Burroughs… Mais revenons sur les premières aventures de Tarzan dans la jungle Hollywoodienne. Edgar Rice Burroughs écrit Tarzan of the Apes en 1912. Malgré son succès, le roman est refusé par diverses compagnies cinématographiques. En 1915, Burroughs le propose à une société de Chicago, la « Selig Polyscope »,spécialisée dans les images animalières et les films d’aventures, mais elle rejette finalement Tarzan of the Apes et lui préfère un succédané, The Lad and the Lion, histoire d’un enfant abandonné dans la jungle se liant d’amitié avec un lion. Tarzan of the Apes est finalement adapté au cinéma en 1916. On en adapte juste les premiers chapitres. Burroughs collabore à l’adaptation et s’assure que le scénario reste fidèle au personnage. Le film est tourné en Louisiane, et truffé de stocks-shots d’images du Brésil. C’est Elmo Lincoln qui devient le premier Tarzan du 7ème art. Bien accueilli par le public, Tarzan, toujours incarné par Elmo Lincoln, revient dans un autre film en 1918. Le scénario est cette fois-ci inspiré des derniers chapitres de Tarzan of the Apes. Pendant cette période du cinéma muet, les adaptations de Tarzan sont toutes des séries B produites par de petites compagnies ou des « serials » (feuilletons en 12 épisodes projetés dans les salles le samedi matin) tournés dans une jungle de jardin botanique, en Floride ou en Californie. À chaque fois,Tarzan aura une double identité. Il sera Lord Greystoke, en costume et noeud papillon dans sa cabane au coeur de la jungle (voir Tarzan and the Golden Lion, 1927) et Tarzan à l’extérieur, vêtu d’une peau de léopard qui couvre tout son corps et le front ceint d’un bandeau.



Le physique du rôle

Beaucoup de sportifs ont été des Tarzan de cinéma : Herman Brix, champion de lancer du poids, Glenn Morris, ancien champion de décathlon, à deux reprises (Tarzan the Fearless, 1933, et Tarzan’s Revenge, 1938), avec pour partenaire Eleanor Holmes, ancienne championne de natation. Mais c’est surtout Johnny Weissmuller qui restera à jamais gravé dans la mémoire des spectateurs : en raison des compétences sportives de Weissmuller, Tarzan, roi des airs, est devenu aussi le maître des eaux, en surface (son crawl impeccable) et en profondeur (vues sous marines) !

Quand Hollywood réinvente Tarzan

La rupture entre « sauvage » et « civilisé » est une frontière liée à l’Amérique et à son histoire, qui imprègne tout son cinéma. Nombreux sont les films qui traitent des conflits entre les colons blancs et les Indiens, puis entre les blancs et les noirs, pendant les périodes de l’esclavage et de la ségrégation. La série des Tarzan avec Johnny Weissmuller est celle qui exprime le mieux la perte de confiance dans les valeurs de l’Occident et les bienfaits de la civilisation, en prônant l’utopie d’un monde sans argent, loin des mirages de la société de consommation. Elle a aussi pour vertu de redéfinir la limite entre sauvage et civilisé, de faire vaciller sa schématisation univoque (les blancs ne sont pas toujours du bon côté) puisque Tarzan, l’homme blanc, est à la fois les deux et ni l’un ni l’autre : un non-civilisé pas sauvage pour autant, qui brouille les places habituellement assignées. En réalité, Hollywood a réécrit Tarzan pour parler de l’Amérique. En transformant le personnage conçu par Burroughs, le cinéma américain a fait de Tarzan non un personnage mythique mais un mythe pour une Amérique durement malmenée par la crise économique, tentée provisoirement par un retour à la nature.

Les séries télé délaissées

Nous voudrions citer trois séries mémorables pour plusieurs raisons. La première, tout simplement intitulée Tarzan, fut produite de 1966 à 1968. Elle compte deux saisons, soit au total 57 épisodes de 50 minutes. Adaptée de l'oeuvre d'Edgar Rice Burroughs par Sid Saltzmann, cette série présente Tarzan vivant dans le monde moderne, et toujours accompagné par Jai, un petit garçon sympathique et débrouillard. Tarzan, incarné par l’athlétique Ron Ely, y apparaît à la fois très civilisé et parfaitement à l’aise dans le monde sauvage. Tel un justicier de la jungle, il arrête les trafiquants et les bandits et les confie aux policiers locaux, bien contents de bénéficier de son aide. En France, la série fut diffusée dans le cadre des programmes jeunesse en 1971, puis bien plus tard, dans la célèbre émission La une est à vous.



Autre adaptation sympathique, la série animée Tarzan Lord of the jungle (1976) produite par Filmation (Star Trek la série animée, Les maîtres de l’univers) bénéficiait d’animations d’autant plus réalistes qu’elles étaient réalisées grâce au procédé de rotoscopie, qui consiste à « décalquer » les gestes d’acteurs filmés auparavant, et à les transposer sur des personnages de dessin animé. Quand Tarzan courait, marchait, et se balançait de liane en liane, il le faisait avec beaucoup de réalisme. Malheureusement, cette technique étant certainement coûteuse pour une série télé, les producteurs avaient un peu trop tendance à réutiliser les mêmes plans animés d’un épisode sur l’autre, en se bornant à changer les décors derrière Tarzan !

Plus récemment, Tarzan the Epic Adventures (1996-97) eut le mérite de s’intéresser à la mythologie des aventures de notre héros et de traiter les thèmes fantastiques imaginés par Burroughs. Hélas, le budget attribué à la production de la série n’avait aucune commune mesure avec ses ambitions. Ainsi lorsque Tarzan s’aventure dans le monde souterrain de Pellucidar, et rencontre les cruels Mahars, des reptiles volants à l’intelligence diabolique, et la faune préhistorique locale, le résultat évoque une série B des années 40 tant le manque de moyens est évident. Mais l’intention est pourtant fort louable : cette dimension fantastique des aventures de Tarzan, aussi étonnant que cela paraisse, n’avait jamais été traitée auparavant.



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