Exclusif : Entretien avec Stephen Sommers - Dans les coulisses de G.I. Joe
Article Cinéma du Samedi 25 Juillet 2009

Né dans le Minnesota, Stephen Sommers écrit et réalise en 1984 son premier film, inédit en France, Catch me if you can, qui narre les aventures de plusieurs lycéens de la ville de son enfance, St Cloud. En 1994, Il adapte deux classiques de la littérature enfantine pour Disney: Les Aventures de Huckleberry Finn et Le livre de la jungle. Stephen Sommers réalise son premier film fantastique teinté d’humour en 1998, Un Cri Dans l’océan, toujours produit par Disney. Un an plus tard, il connaît son premier grand succès avec La Momie, produit par Universal, qui sera suivi par Le retour de la Momie en 2001, puis par Van Helsing en 2004. Aujourd’hui, Sommers transpose au cinéma l’univers de G.I. Joe, la figurine pour garçons la plus vendue dans le monde depuis 1963. Connu en France sous le nom d’Action Joe, puis de G.I. Joe et enfin d’Action Man, ce personnage n’a cessé d’évoluer. En 1983, il est réapparu sous la forme d’une série de petites figurines qui ont connu un succès phénoménal, et dont les personnages sont aujourd’hui les héros de cette superproduction de 150 millions de dollars, mélange délirant de SF et d’espionnage. Effets-speciaux.info a rencontré Stephen Sommers à Los Angeles, pendant que le réalisateur achevait le mixage son de G.I. Joe.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Qu’est-ce qui vous a attiré d’emblée dans le projet G.I. Joe ?

La richesse de cet univers. C’est difficile de s’en rendre compte quand on ne le connaît pas, mais il y a des dizaines de personnages dans l’équipe des G.I. Joe, et beaucoup d’autres encore parmi leurs adversaires. Tous ces personnages ont été développés pendant des années dans les bandes dessinées créées par Larry Hama et par les auteurs des éditions Marvel qui ont collaboré avec lui. Ils ont imaginé le passé de chacun de ces personnages, les relations entre eux, les circonstances qui sont à l’origine de leurs surnoms respectifs, et tout cela forme une trame très riche, une vraie mythologie qui se prêtait bien à une adaptation cinématographique. Ces personnages et leurs destins sont vraiment intéressants. Ceux qui ont lu les BD et joué avec les figurines dans les années 80 vont retrouver les héros qu’ils connaissent, mais vont aussi découvrir de nouvelles révélations sur leur passé. Et j’espère ceux qui ne connaissent pas cet univers vont, comme moi, apprécier tous ces personnages hauts en couleurs, et ces situations amusantes et spectaculaires. Nous avons vraiment conçu le film comme un divertissement destiné au public le plus large, même si nous nos doutons que le public masculin est probablement celui qui sera le plus attiré par le nom de G.I. Joe !

Comment avez-vous réagi quand on vous a proposé de réaliser ce film ? Connaissiez-vous la gamme de figurines de 1983 autour desquelles Larry Hama a développé cet univers de BD ?

Non, à cause de mon âge, je connaissais seulement les premiers G.I. Joe des années 60, le soldat articulé qui mesurait une trentaine de centimètres. Ma première réaction a été « Je ne veux pas faire un film sur un soldat ! », mais quand j’ai découvert que G.I. Joe avait été complètement réinventé par la suite et que l’on avait créé tout cet univers fantastique et délirant autour de lui, assez proche des premiers James Bond, j’ai complètement changé d’avis. J’ai lu les BD de Larry Hama, et j’ai vu tout le potentiel de ces histoires, qui étaient très bien conçues et très bien écrites. Ce n’est pas un hasard si cette nouvelle gamme de personnages a si bien marché quand elle est apparue : les histoires étaient efficaces, les héros très originaux et les méchants vraiment impitoyables ! Ce succès s’est prolongé ensuite dans plusieurs séries d’animation qui ont été diffusées pendant de longues années. D’ailleurs, Channing Tatum et Marlon Wayans, qui incarnent Duke et Ripcord, étaient tous les deux des fans de la série quand ils étaient enfants.

La séquence de bataille sous-marine de G.I. Joe est un bel hommage que vous rendez à Opération Tonnerre, qui fait partie des James Bond dans lesquels Sean Connery incarnait 007. Mais avez-vous été inspiré par d’autres films de la saga Bond ?

Opération Tonnerre et 20 000 Lieues sous les mers sont deux films que j’ai vu enfant au cinéma Paramount de Los Angeles, et qui m’ont énormément impressionnés. A cette époque-là, j’aimais beaucoup voir les films d’horreur produits par les studios Universal dans les années 30 et 40, lorsqu’ils étaient diffusés à la télé. J’ai aimé tous les premiers Bond avec Sean Connery, et les cinq premiers avec Roger Moore. J’étais fasciné par les fantastiques décors de Ken Adams, comme la base de lancement de fusées aménagée dans le cratère d’un volcan éteint dans On ne vit que deux fois. Je pense aussi au décor du pétrolier géant qui « avale » des sous-marins dans L’espion qui m’aimait , et à ceux des différents laboratoires de Q, quand il montre ses nouveaux gadgets à James Bond. Ce sont des endroits extraordinaires, uniques, que l’on ne pouvait voir qu’au cinéma, dans les James Bond. Cela faisait partie du frisson que l’on éprouvait, en tant que spectateur, quand on se trouvait dans la salle de cinéma. On se disait « Wow, ils ont vraiment construit cet endroit incroyable ! C’est fou ! », et on était à la fois épaté et excité par la perspective de découvrir ce décor géant au cours d’une grande scène d’action.

Donc le mot d’ordre que vous avez donné à Ed Verreaux, votre chef décorateur, était : « Ken Adams, Ken Adams, Ken Adams » ?

Oui ! Exactement ! (rires) C’est vraiment ce que je voulais obtenir. C’était important que les vrais décors soient conçus ainsi, car comme vous le savez, aujourd’hui, on n’a plus besoin de construire autant de choses dans leur intégralité. On fabrique juste la partie inférieure de l’environnement, dans laquelle les acteurs évoluent, et le reste est souvent complété en images de synthèse. Dans le cas de G.I. Joe, plusieurs grands décors ont été fabriqués de manière traditionnelle, comme dans les premiers Bond. C’est notamment le cas de la base des G.I. Joe et de celle de l’organisation Cobra. Même si ces deux décors on dû être complétés avec des perspectives 3D, ils étaient réellement gigantesques.

Comme dans vos films précédents, vous avez recours à toute la gamme des effets visuels…

Oui, c’était indispensable dans G.I. Joe, car il y a énormément de scènes d’action, tout au long du récit. Je dois dire qu’aujourd’hui, même si on peut pratiquement tout faire avec les effets numériques et la 3D, cela nécessite toujours autant de travail, voir même plus, car les techniques se sont compliquées. Les effets que l’on peut obtenir sont de plus en plus sophistiqués, notamment en ce qui concerne les simulations d’eau, de chute de débris, d’animation de fumée ou de vêtements. Boyd Shermis, notre superviseur des effets visuels, a travaillé avec plusieurs studios aux USA, au Canada et en Europe, et ils ont tous fourni un excellent travail. Je dois dire que les défis que nous leur avons demandé de relever étaient très complexes. Pratiquement tous les plans truqués du film sont de véritables casse têtes, pour différentes raisons. Qu’il s’agisse de la poursuite dans les rues de Paris avec les armures accélératrices, de la destruction de la Tour Eiffel, ou de la grande bataille sous les glaces du pôle Nord, autour du repaire de Cobra. A propos de la Tour Eiffel, j’espère que les français ne nous en voudront pas d’avoir mis à mal le symbole de Paris ! (rires) Mais il nous a semblé qu’on avait vu trop souvent les monuments américains s’écrouler au cinéma, ces derniers temps…

Nous vous pardonnons à condition que vous promettiez de reconstruire la tour dans G.I. Joe 2 !

OK, c’est entendu ! (rires)

Quels ont été les gadgets et les véhicules que vous avez pris le plus de plaisir à inventer ?

A chaque fois que nous inventions une nouvelle scène, nous avions à inventer aussi de nouveaux gadgets pour lui permettre de bien fonctionner. Par exemple, une partie de l’action se déroule dans « le puits », qui est la base souterraine Top Secret de l’équipe G.I. Joe. Il fallait trouver une idée pour que les méchants arrivent à s’infiltrer dans ce lieu très difficile d’accès. J’ai imaginé alors de leur faire utiliser des engins équipés de foreuses à l’avant, capables de se déplacer dans le sous-sol, que nous avons surnommés « les taupes ». Le studio a beaucoup insisté pour s’en débarrasser, pour faire des économies, mais je me suis battu pour les conserver et j’ai tenu bon ! Employer des engins de ce type était la seule méthode que pouvaient utiliser les méchants pour pénétrer cette base souterraine cachée sous les dunes de sable sans être repérés. A un moment, le studio m’a dit « Mais ils n’ont qu’à se faufiler dans la base quand un des G.I. Joe revient. », ce que je trouvais ridicule. On aurait vraiment eu l’impression que les systèmes de sécurité de la base étaient peu efficaces, et que nos héros n’étaient pas très malins. Mais les taupes, elles, fonctionnent très bien.

Nous publierons très prochainement la seconde partie de notre entretien avec Stephen Sommers !

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