Torchwood – Le grand frère de Doctor Who
Article TV du Mercredi 23 Avril 2008

« Le 21ème siècle est celui où tout va changer… Indépendante du gouvernement, au- dessus de la police, Torchwood est prête ! » Bienvenue dans l'univers d'une série de science-fiction adulte, dérivée du célèbre feuilleton anglais Docter Who...
Par Pierre-Eric Salard

L'organisation secrète Torchwood traque toute forme de vie extra-terrestre et paranormale sur Terre. Créé au 19ème siècle par la reine Victoria, l'institut suit ses propres règles. Sa troisième base se situe à Cardiff, juste au-dessus d'une faille spatio-temporelle qui provoque l'arrivée de monstres innommables et de dangers terrifiants. Ancien compagnon du fameux Docteur Who, le mystérieux capitaine Jack Harkness dirige une petite équipe d’hommes et de femmes ordinaires qui affrontant des situations extraordinaires : Suzie Costello le seconde tandis que le médecin Owen Harper, l’informaticienne Toshiko Sato et le responsable de la sécurité Ianto Jones complètent l’équipe. Une nouvelle recrue, Gwen Cooper, va bientôt forcer la porte de l’agence…



Une série dérivée de Doctor Who

Les origines de Torchwood remontent à 1963, lorsque la BBC lance la légendaire série Doctor Who. Ce feuilleton de science-fiction, typiquement anglais, n'est pas sans rappeler les épisodes les plus excentriques de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Mais contrairement aux aventures de John Steed, Doctor Who restera longtemps méconnu en France - malgré une diffusion sur TF1 à partir de 1989. Cette série relate les aventures du Docteur, un Seigneur du Temps originaire de la planète Gallifrey. Il voyage à bord du T.A.R.D.I.S. - une machine traversant l'espace et dans le temps...qui a la forme d'une cabine d’appel d’urgence de la police, comme il en existait jadis outre-manche. Au fil des épisodes, le Docteur croisera sur sa route de nombreuses assistantes - qui se succéderont aussi régulièrement que les interprète du héros - et des ennemis récurrents comme les Cybermen et les épouvantables Daleks, icônes de la culture populaire anglaise. K-9, un chien robot, marqua tellement les esprits qu'il bénéficia en 1981 d'un pilote baptisé K-9 and Company ! Mais ce premier projet de série dérivée fut promptement annulé. La série Doctor Who fit la joie des téléspectateurs britanniques jusqu'en 1989 ! Après une tentative de retour avortée en 1996, la chaîne BBC 3 cherche à relancer la franchise à l'orée des années 2000. Parallèlement, le producteur Russel T. Davies développe le concept d'Excalibur, une série de science-fiction dramatique proche d'Angel et Buffy contre les Vampires. Il avait auparavant créé les séries Bob & Rose et surtout Queer as Folk qui rencontra un franc succès en abordant le sujet risqué de l'homosexualité. Grand fan de Doctor Who, Davies y avait inséré de nombreux clins d'oeil au Seigneur du Temps dans Queer as folk : le protagoniste principal se fait notamment offrir le chien robot K-9 pour son trentième anniversaire ! Juste retour des choses, quand Russel T. Davies demande à la BBC de produire son projet Excalibur en 2003, les dirigeants de la chaîne lui font un joli cadeau en lui confiant la résurrection de franchise Doctor Who !

L'histoire d'un nom

Afin de ne pas divulguer trop tôt le retour de la série culte, la production cherche un nom de code au projet – à l'instar du Retour du Jedi qui se nommait Blue Harvest lors de son tournage. Les rushes des premiers épisodes portent donc le nom de Torchwood...un simple anagramme de « Doctor Who » ! Cet astucieux procédé permit de ne pas éveiller les soupçons des intermédiaires indiscrets jusqu'à la diffusion officielle de la série sur la BBC. Doctor Who fit son grand retour en mars 2005 et rencontra immédiatement le succès. Par jeu, Russel T. Davies, décida de faire référence à un certain Institut Torchwood dans la série, jusqu'à en expliquer les origines dans l'épisode Tooth and Claw. La même année, les dirigeants de la BBC invitèrent Davies à développer une nouvelle série de science-fiction, destinée à un public adulte. Ne perdant jamais le nord, le producteur propose de mêler sa première idée de série, Excalibur, au concept de l'Institut Torchwood ! Cette série dérivée de Doctor Who obtient le feu vert : Excalibur devient alors Torchwood...

Nouvelle partie, mêmes joueurs

La production des treize épisodes de cette nouvelle série est lancée au début de l'année 2006. Le programme est produit en interne par BBC Wales (Pays de Galles), dont la directrice de la fiction, Julie Gardner, devient productrice exécutive aux côtés de Richard T. Davies. Richard Stokes, fort de son expérience sur Doctor Who, est promu producteur de la série dérivée. D'autres membres de l'équipe de la série originale les rejoignent. L'excellent directeur artistique Edward Thomas prête ses talents afin de perpétuer l'univers visuel unique de la franchise. Le thème musical de Torchwood est écrit par le compositeur de Doctor Who, Murray Gold – rejoint par Ben Foster pour les musiques des épisodes. Un groupe de scénaristes chevronnés est rassemblé autour de Davies : Chris Chibnall (Born and Bred), P.J. Hammond, Toby Whithouse, Cath Tregenna, Helen Raymor (Doctor Who) et Noël Clarke (Kidulthood). Richard T. Davies écrit lui-même le pilote. « La série étant diffusée après 21 heures, nous pouvons la rendre plus violente, viscérale, adulte et sexy que Doctor Who », explique-t-il. « Nous gardons à l'esprit que notre public est majoritairement composée de jeunes adultes, voire d'adolescents. Mais tous les téléspectateurs remarqueront la différence ! » Lors de la diffusion de Torchwood, la BBC n'hésitera pas à la décrire comme étant « sinistre, moderne et tourmentée », et à la qualifier de « thriller paranoïaque typiquement anglais » ou de «série policière sombre et humoristique » ! Des définitions typically english...



Equipe de choc

Si la série dérivée bénéficie de son propre arc scénaristique, les auteurs décident de l'inscrire solidement dans l'univers de Doctor Who. Le pilote se déroule peu après la fin de la saison 2 de la série principale, alors que le dernier épisode de Torchwood est intimement lié au final de la saison 3. Deux des personnages de Doctor Who, le Capitaine Jack Harkness et Toshiko Sato, deviennent des membres de l'Institut Torchwood. Jack (John Barrowman, qui a fait ses début dans Les Incorruptibles avant de rejoindre les séries Central Patk West et Titans) est apparu dans huit épisodes de Doctor Who. Cet acolyte du Docteur, auparavant enjoué et tricheur, est confronté dans l'épisode "Parting of the way" à des évènements qui forgent à jamais son caractère et expliquent son comportement dans Torchwood. Quant à Toshiko (Naoko Mori, Hackers et la série Absolutely Fabulous), elle a pratiqué une autopsie sur un extra-terrestre pour le compte du gouvernement dans la saison 1. En janvier 2006, les responsables du casting sélectionnent les acteurs qui compléteront l'équipe de Torchwood. Le médecin Owen Harper est joué par Burn Gorman (Appelez-moi Kubrick, The Best Man), alors que Gareth David-Lloyd interprète Ianto Jones, l'homme à tout faire de la Base 3. Enfin, Eve Miles obtient le rôle pivot de Gwen Cooper, la nouvelle recrue qui découvre l'organisation avec les téléspectateurs. Pour l'anecdote, elle avait auparavant impressionné le créateur de la série par sa prestation dans un épisode de Doctor Who... Alors que les décorateurs construisent l'impressionnante base secrète conçue par le directeur artistique Edward Thomas, une série de lectures des premiers scripts est organisée au printemps 2006. Assis autour d'une très longue table, les scénaristes débusquent dans les dialogues les erreurs passées inaperçues, et les acteurs prennent leurs marques.

Une série de qualité

Les épisodes de la première saison sont entièrement tournés à Cardiff, au Pays-de-Galles, de mai à novembre 2006. Contrairement à la majorité des productions anglaises, Torchwood décrit les décors d’une grande ville, active et moderne. La Base 3 est sensée se trouver sous la place Roald Dahl (l'auteur de Charlie et la Chocolaterie !). Le tournage des extérieurs du QG se déroule donc devant l'un des joyaux de la ville, le Millenium Centre. En parallèle, les équipes de post-production conçoivent les nombreux effets spéciaux qui émaillent les épisodes. Selon un rituel devenu habituel, les acteurs doivent user de leur imagination pour jouer – non sans difficulté – face à des créatures en images de synthèse qui seront ajoutées ultérieurement. Les images virtuelles servent également à créer des champs d'énergie, fantômes, météorites et autres classiques de la science-fiction. On se rappellera surtout du décor numérique qui ajoute quelques étages à la base secrète : un espace suffisamment imposant pour qu'un Ptérodactyle en résidence puisse prendre son envol ! Les effets traditionnels ne sont cependant pas oubliés ! Des effrayantes têtes d'aliens animatroniques aux maquillages sanglants, la BBC n'a pas lésiné sur les moyens afin de rendre crédible l'univers de Torchwood. En particulier durant l'intense épisode final, qui montre la destruction d'un gigantesque décor en une seule prise ! Lorsque Torchwood débarque sur les petits écrans en octobre 2006, les téléspectateurs adhérent immédiatement à cette relecture adulte de Doctor Who. Les critiques sont excellentes, citant l'impertinence et le « politiquement incorrect » de la série qu'ils comparent à un subtil croisement entre X-Files, Heroes et Buffy. Nominée dans la même catégorie que Doctor Who, Torchwood obtient même le Bafta – l'équivalent anglais des Césars – de la Meilleure série dramatique en 2007 ! Le phénomène n'est pas exclusif à l'outre-manche, puisque la série bat aussi le record d'audience de la BBC America lors du lancement de la saison 1 !



Transgression

Connaître Doctor Who est indéniablement un bon moyen d’appréhender la complexité de l'univers de sa série dérivée, mais on peut aussi la découvrir avec plaisir sans jamais avoir suivi le seigneur du temps dans ses voyages. Loin des intrigues familiales de la série originale, Torchwood explore des thèmes inédits dans l'univers du bon Docteur. La liberté de ton des épisodes permet d'explorer la vie privée des personnages, qu'ils soient homosexuels, bisexuels ou infidèles. L'aspect gore de certaines scènes côtoie une sexualité sans aucun tabou. « Torchwood est bien plus qu'une version adulte de Doctor Who », commente Richard T. Davies. La première saison ne manque d'ailleurs pas de scènes crues : actes sexuels, baisers lesbiens, amours homosexuels... « Je n'ai aucune scène de nu frontal dans ces épisodes ; mais on m'a dit que ce serait pour la seconde saison ! », s'esclaffe John Barrowman, qui incarne le Capitaine Jack Harkness. « Cela ne me pose aucun problème tant que je suis payé à la fin du mois ! (rires) ». Torchwood est une série pour adultes, sans concession, servie par d'excellents interprètes. D'autres thèmes sont approchés, comme l'existentialisme, la corruption, la soif de pouvoir ou le sacrifice suprême. De l'extra-terrestre qui se nourrit de l'énergie orgasmique des mâles humains aux exploits sexuels des principaux protagonistes en passant par des fées démoniaques, les scénarii rivalisent d'ingéniosité perverse. A l'instar de l'équipe de anti-héros, dont l'égoïsme éclaire d'un jour inédit les rapports humains. Torchwood s'est fait une spécialité : celle de la transgression !

Avenir temporel

Lors de la saison 2, de nouveaux personnages récurrents jouent les guest stars. Martha Jones (Freema Agyeman), la dernière assistante du Docteur, apparaît dans plusieurs épisodes, ainsi que le Capitaine John Hart (James Marsters, l'interprète du vampire Spike dans Buffy), un agent du temps qui ne laissera pas Harkness indifférent. Diffusée simultanément aux Etats-Unis et en Angleterre, cette seconde saison bénéficie de meilleures audiences que la première. On murmure cependant que d'importantes modifications seront exercées sur la saison 3. En effet, la saison 5 de Doctor Who ne comportera qu'une poignée de téléfilms. Afin de ne pas désorienter les fans, Torchwood serait alors vidé d'une partie de son contenu adulte et remplacerait le Docteur sur son terrain. Espérons que cela ne se confirme pas ! En attendant, la série est diffusée en France avec succès sur NRJ 12. Et la chasse aux extra-terrestres a débuté en DVD ! N'oubliez pas : Le 21ème siècle est celui où tout va changer...



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