Double Negative et les effets visuels de Stardust
Article Cinéma du Samedi 26 Avril 2008

C’est à Double Negative que Paramount et le réalisateur Matthew Vaughn ont choisi de confier la création des nombreux trucages numériques et féériques de Stardust, sous la direction du superviseur des effets visuels Peter Chang. L’équipe de Double Negative, menée par le superviseur numérique Matthias Lindahl, les producteurs des effets numériques Matt Plummer, Andy Taylor, Clare Tinsley et la coordinatrice Emma Larrson, a produit en tout 350 plans truqués très divers pour donner vie à cet univers enchanté.
Par Pascal Pinteau

Fondée en 1998 par Alex Hope et Matt Holben, Double Negative fait désormais partie des sociétés de création d’effets visuels les plus réputées d’Angleterre. Installée au Coeur du quartier de Soho, elle est intervenue sur plus de 70 films en neuf ans, parmi lesquels on peut citer Mission Impossible 2, les films de David Twohy Pitch Black, Below et Les chroniques de Riddick, La league des gentlemen extraordinaires, Shawn of the dead, Batman Begins, V pour Vendetta, AVP, les James Bond Meurs un autre jour et Casino Royale, les trios derniers épisodes de Harry Potter et bien d’autres productions internationales. Aujourd’hui, alors que nous entretenons de l’excellent travail réalisé sur Stardust, l’équipe de Dneg est fort occupée sur les images que nous découvrirons prochainement dans Inkheart, et The Dark Knight, la suite de Batman Begins.



Dès le début de ce travail, l’équipe de prévisualisation de Matthias Lindahl installée dans les studios de Pinewood a pu collaborer de manière étroite avec le département de direction artistique et avec le réalisateur Matthew Vaughn. “Il fallait que nous puissions comprendre parfaitement la vision de Matthew pour lui montrer ensuite une représentation qui corresponde à ses attentes, et la développer jusqu’à ce qu’elle lui convienne parfaitement », confie Peter Chiang. L’équipe de Double Negative a contribué à la conception créative de ces séquences dès le début. « Matthew avait une idée très claire de l’aspect que ce monde de Stormhold devait avoir, et pensait qu’il fallait toujours choisir les trucages les plus simples. Cependant, au cours de notre collaboration, il s’est familiarisé avec toutes les techniques que nous pouvions mettre à sa disposition, et en a acquis une connaissance plus précise. C’était formidable, car il avait de ce fait un esprit complètement ouvert, et une approche rafraîchissante dont le film a pu bénéficier grandement. »

Vaisseau volant et paysages virtuels

Les principales interventions de Double Negative ont consisté à créer une multitude d’environnements hyperréalistes, le bateau volant dirigé par le Capitaine Shakespeare (Robert de Niro), à remplacer le ciel dans de nombreuses prises de vues tournées en extérieurs, à s’occuper des incrustations sur fond vert, et des effets « magiques » personnalisés pour chacune des sorcières qui apparaissent au cours de l’histoire. La séquence la plus complexe – celle du bateau volant – combine les deux créations les plus détaillées du film, c’est à dire le modèle du vaisseau, et les environnements qu’il survole ou avec lesquels il interfère. Le design du bateau est une création du décorateur et directeur artistique du film, Gavin Bocquet, et a subi quelques petites modifications pour acquérir sa forme de ballon dirigeable définitive pendant la post-production. Rick Leary, le superviseur de la 3D, a mis au point les mécanismes du bateau et leur animation pendant la phase d’ouverture des « filets à foudre ». Matthew Vaughn avait donné des instructions très précises sur l’aspect du vaisseau : il voulait qu’il soit d’allure victorienne, robuste, et usé par de nombreuses années d’utilisation. Une grande partie du bateau volant a été construite à Pinewood, patinée pour montrer les ravages du temps, et installée devant un énorme écran vert, sur un plateau. Pendant le tournage de ces scènes en studio, le réalisateur avait toute la liberté de faire des mouvements de caméra avec une grue pour montrer l’activité de l’équipage sur le pont, ainsi que les leçons d’escrime données par le Capitaine à Tristan. C’est à Double Negative que revenait la tâche d’ajouter ensuite le reste de la coque du navire, puis le ciel et les paysages par-dessus ces images réelles en mouvement. « Dans la plupart des plans, nous avons ajouté seulement la coque du vaisseau, mais dans d’autres, il a fallu le reconstituer entièrement en 3D. Dès le début de la production du film, j’avais travaillé sur la modélisation du vaisseau, à partir des plans qui m’avaient été fournis par le département de la direction artistique » précise Rick Leary. Lorsque la section grandeur nature du vaisseau a été construite à Pinewood, Leary, aidé par le spécialiste des textures Guy Williams, a photographié chaque partie du décor, de la proue à la poupe, en utilisant une très haute résolution de 40 000 lignes. Pendant ce temps, l’équipe de modélisation (composée de Jez Smith, Jordan Kirk, James Guy et Emily Cobb) ont complété les volumes du bateau dans ses moindres détails, avec une fidélité de restitution impressionnante. James Guy a pu « coudre » toutes les photographies de référence ensemble en employant le logiciel Stig mis au point par Double Negative, ainsi que d’autres outils maison comme dnPhotofit et dnPlaneit, pour appliquer ces textures sur le modèle du bateau et leur donner du relief.

Le reste de la « patine numérique » de la coque et du pont a été réalisé par James Guy et Bruno Baron, tandis que le modèle du ballon, des câbles et des voiles ont été créés par Kirk et préparés pour l’animation par Gia Sadhwahi. En filmant les prises de vues réelles au centre d’un cyclorama vert disposé à 360 degrés, Peter Chiang s’est assuré que le directeur de la photographie Ben Davis aurait la possibilité de filmer le décor partiel du vaisseau sous tous les angles, tout en sachant qu’il pourrait être complété par la suite en 3D dans n’importe quel axe. Que la caméra se trouve à l’intérieur des cabines ou libre de voler autour du bateau, l’équipe de compositing menée par le superviseur des effets 2D Paul Riddle a été en mesure de créer des transitions invisibles entre les parties de l’image en prises de vue réelles et le vaisseau 3D, et cela même pendant les scènes qui se déroulent pendant une violente tempête, alors qu’une pluie drue s’abat sur les personnages. Tout au long des scènes du bateau volant, on peut découvrir une vaste palette de ciels différents, supervisés par Matt Twyford. André Brizard s'est occupé du "look developpement" en préproduction, c'est à dire créer la technique permettant au compositeur des couches 3D le plus de liberté possible. Ces visions aériennes décrivent tous les environnements d'une journée complète, des prémisses de l'aube en passant par la lumière solaire de midi, jusqu'au crépuscule.

Les environnements virtuels

« Au début du tournage, nous nous sommes rendu compte que Matthew voulait voir des mouvements de caméra particuliers, et cela a ouvert la voie aux effets d’environnements. » ajoute Chiang. Le réalisateur tenait à montrer l’emplacement géographique du monde de Stormhold par rapport à celui de l’Angleterre au moyen de bonds vertigineux dans le ciel. Ces points de vue en haute altitude ont amené l’équipe des effets visuels à concevoir de vastes paysages pour décrire l’étendue du royaume magique. Le tournage des prises de vues réelles qui avait eu lieu en Islande et sur l’île de Skye a servi de référence pour la conception des montagnes et des paysages virtuels, mais l’équipe de Double Negative a eu l’entière liberté d’imaginer de nouveaux panoramas qui lui plaisaient. Pour les scènes du bateau volant, des données satellites cartographiques en 3D de l’île de Skye ont servi à créer le sol proche, tandis qu’un cyclorama 3D de haute montagnes a été créé pour figurer l’arrière-plan. Tous les nuages ont été réalisés avec le logiciel Voxel Rendering System de Double Negative, sous la supervision de Gavin Graham, le superviseur technique de la 3D. En dépit du fait que le voyage s’effectue sur de longues distances et en continu au cours de certaines séquences, il fallait que le rendu des paysages reste hyperréaliste et d’une définition constante. Pour arriver à ce résultat, les logiciels TECTO et dnCloud ont été modifiés et largement perfectionnés. Leur première utilisation remonte au film Flyboys (inédit en France à la suite de son échec aux USA), qui décrivait les aventures de jeunes pilotes d’avion pendant la guerre de 14-18. L’étendue des environnements virtuels de Stardust nécessitait de créer des nuages de formes et de densités beaucoup plus variées. Il fallait donc créer tout un stock de nuages, à la fois très nombreux et se prêtant à de multiples usages. Certains grands nuages étaient en fait des puzzles constitués de trois à dix nuages plus petits, ce qui permettait d’en modifier aisément la forme pour en composer de nouveaux dès que c’était nécessaire. Les nuages de tempête animés étaient beaucoup plus complexes. Ils étaient constitués de grandes quantités de petites particules en mouvement permanent, qui roulaient, s’étendaient et bougeaient indépendamment. Ce développement du comportement des particules a été mené par le directeur technique Nicholas New. « Auparavant, on se contentait d’utiliser des nuages « sortis de la boîte », c’est à dire déjà formatés par un logiciel type, et qui ne pouvaient pas être modifiés. Les améliorations que nous avons créées pour Stardust nous ont permis de traiter les nuages « couche par couche », en fonction de leur position et de leurs mouvements, ce qui a permis aux responsables du compositing de leur donner à chacun des valeurs de luminosité propres. Autrement dit, nous pouvions créer des effets de distance atmosphérique plus réalistes, qu’il s’agisse de scènes de jour ensoleillé, de tempête ou de temps maussade. Nos artistes avaient à leur disposition de nouveaux outils pour obtenir précisément le résultat escompté. ». D’autres logiciels de Double Negative comme dnCloud et gtoMunge ont été également utilisés pour la prévisualisation des images 3D en basse définition à l’intérieur du logiciel Maya, afin de pouvoir disposer ces éléments en temps réels dans l’image. Le dôme de l’horizon céleste a été assemblé à partir de photographies, puis le bateau a été éclairé et peuplé de personnages 3D animés. Comme le dit Lindahl, « le film est un conte de fées et à cause de cela, de nombreux effets visuels devaient aider les spectateurs à se situer géographiquement dans ce monde tout au long de l’histoire. Il fallait que l’apparence des trucages soit à la fois magique et réaliste pour fonctionner parfaitement. C’était un défi de trouver le bon équilibre entre ces deux aspects opposés. »

Sortilèges numériques

Matthew Vaughn souhaitait voir la sorcière Lamia (Michelle Pfeiffer), projeter des flammes vertes dès qu’elle utilise ses pouvoirs maléfiques. Mais après cette description initiale, ces effets ont été diversifiés pour prendre tour à tour l’aspect de petites flammèches, de flammes de grande taille, et même d’un véritable torrent de feu, selon l’intensité de la colère de Lamia. Pour varier ces effets et les adapter à l’état émotionnel du personnage, Christoph Salzmann a utilisé à la fois des éléments photographiques et des flammes 3D. Pawel Grochola a développé une nouvelle manière de générer des flammes virtuelles animées en utilisant à la fois des particules et des formes articulées souples évoquant des rubans. Une autre sorcière, Sal, a elle aussi l’occasion de faire la démonstration de ses pouvoirs, mais ils se manifestent sous la forme de nuages de fumée noire. Gavin Graham a supervisé ces trucages : « Lorsqu’une souris est transformée en Tristan et vice-versa, l’approche habituelle aurait été de partir d’une silhouette 3D formée de fumée et de la transformer jusqu’à ce qu’elle ait la forme du personnage suivant, mais la fumée magique de Sal devait être un peu plus sophistiquée que cela. » En effet, les couleurs du premier personnage devaient virevolter dans la fumée et se recomposer pour former le second. Matthew Vaughn tenait à ce que cette fumée, toute magique qu’elle soit, paraisse ancrée dans la réalité, et évoque très précisément la fumée d’un vieux moteur diesel ! Les simulations de fluides étant réputées pour être très difficiles à animer, l’infographiste Bjorn Henrikson a utilisé une large sélection de logiciels maison pour transformer une géométrie animée en simulation de fluides à laquelle on donnait une direction-cible. L’effet obtenu est ainsi bien plus sophistiqué que ceux que les logiciels standards permettent de créer. Le travail accompli sur Stardust s’est révélé unique à plus d’un titre. Comme le dit Chiang en évoquant ce travail : « Stardust est un film étonnant, fantastique, magique. Sa conception visuelle évoque un environnement rustique et simple, que nous avons créé en utilisant des outils numériques extrêmement sophistiqués. Matthew a longuement réfléchi à sa vision de ce monde, et réussi à identifier les éléments qui allaient l’aider à raconter son histoire. Son approche a été très rafraîchissante et nous a permis de produire ces images en nous sentant plus libres de concevoir de nouvelles approches des trucages. C’était une expérience particulièrement satisfaisante, et nous sommes fiers du résultat obtenu. »

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