District 9 : une étonnante fable de SF, à voir de toute urgence !
Article Cinéma du Mardi 15 Septembre 2009

Produit par Peter Jackson, qui sait reconnaître les nouveaux talents, District 9 est l’adaptation de Alive in Joburg , un court métrage tourné par Neill Blomkamp il y a quelques années dans un bidonville de Johannesburg. Et le résultat est une formidable réussite.

Dans ce court métrage déjà très impressionnant, le jeune réalisateur montrait les problèmes soulevés par la présence d’extraterrestres au sein de la population multiculturelle de Johannesburg, une des villes les plus dynamiques d’Afrique. Neill Blomkamp avait parcouru les rues avec une petite équipe de tournage, cherchant à recueillir les réactions de vraies personnes. Il découvrit rapidement que son idée de réfugiés galactiques arrivant aux portes de la cité rejoignait les problèmes bien réels et la xénophobie de certains citoyens de Johannesburg face à l’afflux d’étrangers en situation illégale, venus de pays voisins. Les réactions spontanées qu’il obtint face à la caméra apportèrent une authenticité troublante à son court métrage en brouillant la frontière entre la réalité et la fiction. Neill Blomkamp raconte : « Le but n’était pas de tromper les personnes que nous interviewions, mais d’obtenir des réponses les plus sincères possibles. Dans le fond, la situation sur laquelle nous leur posions des questions était exactement la même, la seule différence était que dans mon film, les étrangers illégaux étaient remplacés par des extraterrestres. »



Du court métrage au film

Quand District 9 commence, nous apprenons que des extraterrestres sont entrés en contact avec la terre, il y a 18 ans. Ces visiteurs d’au-delà des étoiles étaient des réfugiés et furent installés dans le District 9, en Afrique du Sud, pendant que les nations du monde se querellaient pour savoir quoi en faire…Depuis, la gestion de la situation a été transférée au MNU (Multi-National United), une société privée qui n’a pas grand-chose à faire du sort de ces créatures, mais qui fera d’énormes bénéfices si elle arrive à faire fonctionner leur extraordinaire armement. Jusqu’à présent, toutes les tentatives ont échoué : pour que les armes marchent, il faut de l’ADN extraterrestre.

La tension entre extraterrestres et humains atteint son maximum lorsque le MNU commence à évacuer les non-humains du District 9 vers un nouveau camp, en envoyant des agents de terrain s’occuper de leur transfert. L’un de ces agents, Wikus van der Merwe, est chargé de cette mission. Mais rien ne se déroulera comme prévu. A la suite de ses mésaventures, Wikus va devenir l’homme le plus recherché de la planète, car il est la clé qui permettrait de percer le secret de la technologie alien. Poursuivi, isolé, sans aide ni amis, il ne lui reste à Wikus qu’un seul endroit où se cacher : le District 9…

Peter Jackson, qui a produit ce premier long métrage de Neill Blomkamp, raconte : « Neill est un jeune réalisateur extraordinairement prometteur. Nous avions travaillé avec lui sur un projet de film basé sur le jeu vidéo Halo. Le projet ne s’est pas fait, mais nous avons tellement aimé travailler avec Neill que quand il nous a proposé le sujet de District 9 9, nous nous sommes dit que cela pourrait être intéressant d’en faire un film. »

Après avoir fait ses premières armes en tant qu’artiste des effets visuels et réalisateur de clips vidéo et de publicités, Neill Blomkamp fait ses débuts de réalisateur de long métrage en s’inspirant des classiques de la science-fiction et de la Johannesburg de son enfance – il est né et a grandi dans cette ville avant d’aller s’installer au Canada. Le résultat est un film révolutionnaire qui révèle une nouvelle voix avec qui il faudra compter dans le cinéma.

Depuis le début, Neill Blomkamp voulait faire de District 9 un film qui sorte des conventions et brouille les frontières entre les styles cinématographiques. Le réalisateur explique : « Le film rebondit sans cesse de notre histoire, qui est bien sûr une fiction, à un mode ultra réaliste. Il alterne les scènes dramatiques avec des extraits de faux documentaires et de vraies images d’actualités de la South African Broadcasting Corporation, et tout cela pour raconter la même histoire. Quand on regarde District 9, on a l’impression de regarder quelque chose qui ressemble à un film, et qui pourtant semble étrangement réel. »

Peter Jackson raconte : « District 9 est une uchronie, une reconstruction fictive de l’Histoire. Imaginez qu’il y a plus de vingt ans, plus d’un million de refugiés extraterrestres soient arrivés sur Terre dans un vaisseau spatial tombant en ruine. Ils sont inoffensifs. Plus que cela même : ils sont sans défense. Ils ne peuvent même pas se nourrir eux-mêmes et n’expriment aucun désir particulier de faire quoi que ce soit. Leur vaisseau se trouve au-dessus de Johannesburg, et comme le gouvernement ne sait pas quoi faire d’eux, les extraterrestres ont fini dans un township semblable à Soweto. Et depuis vingt ans, les humains cherchent une solution au problème de ces invités extraterrestres non désirés. »

Neill Blomkamp commente : « Le film imite les dépêches dont les chaînes de télévision, Internet et d’autres sources d’information nous inondent en continu. C’est un peu comme si vous découvriez une seule et même histoire au travers de plusieurs médias. Autrefois, on découvrait un sujet dans un seul journal. Aujourd’hui, les images et les écrans sont partout, et nous nous sommes habitués à vivre avec cette profusion. De plus, l’avènement de la téléréalité a encore davantage brouillé la frontière entre la réalité et le divertissement. »

L’ami d’enfance et collaborateur de Neill Blomkamp, Sharlto Copley, incarne Wikus van der Merwe, un agent du MNU chargé de faire sortir les non-humains du District 9 pour les installer dans le camp du District 10. L’acteur avait aussi participé au court métrage Alive in Jo’burg en tant qu’acteur et producteur.Sharlto Copley, qui connaît Neill Blomkamp depuis douze ans, raconte : « Neill a trouvé une façon très humaine d’aborder la science-fiction. Ce genre peut parfois être froid et dépourvu d’émotion, mais entre les mains de Neill, il résonne profondément en nous. Il n’y a pas de message ou de morale particulière, juste un tas d’émotions mélangées qui s’emparent de vous du début à la fin du film. »

Jason Cope, qui a travaillé comme directeur de production sur Alive in Jo’burg , interprète l’extraterrestre Christopher Johnson. Il raconte : « En fait, je joue une dizaine de personnages différents. C’était très étrange de se réveiller le matin en se demandant : « Quelle créature vais-je jouer aujourd’hui ? ». Ma mère était très excitée quand j’ai eu le rôle. Quand elle m’a demandé ce que j’allais jouer, j’ai répondu : « Une communauté d’extraterrestres dans un township ». Il lui a fallu du temps pour comprendre. » Jason Cope ajoute : « Pendant les répétitions, Neill avait une idée très claire de ce qu’il voulait avec les extraterrestres, mais il m’a aussi laissé beaucoup de liberté à l’intérieur des limites qu’il avait définies. Mes mouvements ne devaient pas trop ressembler à ceux d’un animal ou d’un insecte, mais je ne devais pas non plus avoir l’air d’un être humain. »

Un habile mélange de réalité et de fiction

Neill Blomkamp voulait que District 9 ait un style bien à lui, influencé par les grands films de science-fiction, mais unique et révolutionnaire dans son image et sa narration. Le réalisateur a utilisé trois composantes différentes pour raconter son histoire. La première regroupe toutes les scènes dramatiques qui suivent l’histoire de Wikus. Ces scènes ont été filmées avec une caméra de reportage, et avec d’autres techniques, par Neill Blomkamp et Trent Opaloch afin d’obtenir des images brutes et authentiques. Par exemple, le directeur de la photographie a installé des dizaines de mini-caméras sur chaque décor pour filmer l’action en même temps que le tournage du film. Les cinéastes ont aussi tourné une « vidéo d’entreprise » pour le MNU dans laquelle Sharlto Copley, dans le rôle de Wikus, s’adresse directement à la caméra.

L’acteur se souvient : « En fait, c’est le premier test qu’on m’a fait passer. L’idée est très bonne parce que montrer l’image officielle de mon personnage devant les caméras, puis ce qu’il est vraiment sur le terrain, ajoute une dimension supplémentaire au film. Dans la vidéo, il essaye de paraître important, il joue un rôle, mais quand il pense que personne ne le regarde, il redevient lui-même, et c’est dans ces moments-là qu’on comprend qui il est vraiment. Ce contraste provoque une sensation étrange, un réalisme accru qui s’inscrit au cœur du style que Neill a voulu créer avec ce film. Quand on voit ce personnage et son histoire, on y croit à 100 %. »

La deuxième composante est celle des images de documentaires fictifs. Indépendamment de la première équipe, les cinéastes ont interviewé des dizaines de personnes, dont certaines étaient des acteurs et d’autres pas, pour obtenir des réponses spontanées aux situations exposées dans le film.

La troisième composante est constituée de vraies images tournées par la South African Broadcasting Corporation, Reuters, et d’autres agences de presse. La plupart sont des images d’archives utilisées pour étoffer le monde créé par Neill Blomkamp. Le réalisateur explique : « Beaucoup de films utilisent des images qu’ils présentent comme véritables et dans lesquelles on peut voir un journaliste célèbre ou un extrait de CNN, ce que nous avons fait n’est donc pas inhabituel. La seule différence, c’est qu’il y en a beaucoup dans notre film. »

Les cinéastes ont trouvé le lieu de tournage parfait dans une banlieue de Soweto, à Tshiawelo. Là, les gens vivaient depuis des années dans des cabanes construites sur un site d’enfouissement des déchets. Quand le tournage fut sur le point de commencer, les autorités locales étaient en train de reloger les habitants dans des logements subventionnés par l’Etat à une vingtaine de kilomètres de là, et détruisait les cabanes. La production acheta alors les cabanes qui restaient, clôtura la zone et créa un environnement sécurisé et contrôlé pour tourner le film. Neill Blomkamp note : « Nous avons eu beaucoup de chance avec Tshiawelo. L’endroit ressemblait exactement à ce que j’avais en tête. » Tshiawelo et ses cabanes ont fourni au chef décorateur Philip Ivey une base solide sur laquelle travailler. Il raconte : « Nous avions tout à portée de main, les ordures, les tôles, tout. En fait, nous avons acheté tout ce qui restait des cabanes détruites, et nous les avons reconstruites avec tous ces matériaux. Cela nous a évité d’avoir à les vieillir nous-mêmes. Nous avons ainsi gagné beaucoup de temps et les décors étaient bien plus authentiques. »

Les décors de Philip Ivey créent un contraste puissant entre le monde réel et banal des humains et le monde de science-fiction stylisé et hypersophistiqué des non-humains. Neill Blomkamp raconte : « Ces deux mondes s’entrechoquent constamment dans le film, c’est le thème principal de l’histoire. Tous les décors ont été conçus dans cette optique. » Loin de l’environnement sec et poussiéreux de Soweto, Philip Ivey a aussi construit plusieurs décors en studio. Un de ses préférés a été le laboratoire du MNU, un centre de recherche médical secret caché au cœur du quartier général du MNU. N’ayant trouvé aucun lieu satisfaisant, les cinéastes ont décidé de construire eux-mêmes leur laboratoire. Philip Ivey raconte : « Nous avons opté pour une architecture massive qui indique que le laboratoire est souterrain. Nous voulions créer un sentiment de claustrophobie, comme si le laboratoire se refermait sur Wikus. Comme l’endroit devait être menaçant, nous l’avons éclairé avec des tubes fluorescents pour lui donner un côté stérile et froid, et nous avons peint les murs en vert, une couleur qui ne flatte le teint de personne. »

Joe Dunckley, le superviseur des effets plateau de WETA, note : « Le fait que les non-humains soient arrivés sur Terre plus de vingt ans avant le début du film implique que leur technologie circule depuis tout ce temps. Un des défis était donc de vieillir tous les objets qu’ils ont pu apporter pour les rendre plus convaincants. Nous avons utilisé un mélange de vernis en aérosol et d’eau qui crée une patine craquelée et un peu sale qui reproduit parfaitement l’usure du temps. »



Les effets spéciaux & les trucages numériques de Weta

Pour Neill Blomkamp, un des aspects les plus excitants de District 9 était de pouvoir porter sur le grand écran sa vision de la vie extraterrestre. La coscénariste Terri Tatchell raconte : « Neill n’a pas choisi la facilité avec ses extraterrestres. Ils ne sont pas attirants, ils ne sont pas mignons, et ils n’éveillent aucun sentiment de compassion. Il a imaginé des créatures effrayantes qui ont un look de guerriers, et cela ajoutait un défi supplémentaire à la mise en scène. » Neill Blomkamp explique : « Je ne sais pas vraiment pourquoi je les ai imaginés tels qu’on les voit dans le film, mais ce dont j’étais certain, c’était que je voulais une race d’extraterrestres qui ressemble à des insectes. »

Le développement de ces créatures a été un long processus auquel ont participé Neill Blomkamp et les artistes de WETA Workshop. Joe Dunckley, le superviseur des effets plateau, explique : « L’idée de base était que les non-humains devaient avoir un exosquelette d’insecte croisé avec celui d’un crustacé. Ils ont des jointures tendineuses et fragiles entre les parties dures de leur carapace, un peu comme les crabes et les langoustes. Ils ont été faits pour inspirer le dégoût, et comme ils sécrètent une sorte de résine, nous avons utilisé plusieurs sortes de matières gluantes pour leur donner cet aspect brillant et vivant. »

Les extraterrestres ont été créés grâce à un mélange d’effets visuels et d’effets spéciaux physiques car certaines parties de leur corps, comme leur taille très fine et leurs jambes coudées, auraient été difficiles à animer autrement. Joe Dunckley explique : « Little C.J. a été créé entièrement en images de synthèse, mais nous avions sur le plateau un mannequin en silicone très réaliste pour servir de référence aux artistes des effets visuels ». La raison qui a poussé Neill Blomkamp à utiliser un mélange d’effets visuels et de maquillages spéciaux et de prothèses pour les extraterrestres est simple : si les prothèses fournissent une bonne base de référence pendant le tournage, leur rendu final et leurs mouvements sont bien meilleurs avec les effets visuels. Le réalisateur note : « Nos créatures ont des tailles extrêmement fines, même avec des effets spéciaux et des prothèses le résultat n’aurait jamais été satisfaisant, c’est pour cela que nous nous sommes tournés vers les effets visuels. »

L’armure la plus sophistiquée de l’arsenal extraterrestre est l’exo-combinaison, une combinaison vivante biotechnologique qui se fixe elle-même sur l’extraterrestre, et que celui-ci contrôle de l’intérieur. Neill Blomkamp raconte : « La combinaison reconnaît Wikus comme un extraterrestre et se branche à son cerveau. Il ne fait plus qu’un avec elle, et quand les balles ricochent sur son armure métallique, elle envoie à son cerveau une sensation de douleur. » L’exo-combinaison a forcé le coordinateur des cascades Grant Hulley à modifier son approche des cascades. Il explique : « Dans la plupart des scènes, nous avons essayé de rester réalistes. Par exemple, quand une personne était touchée par une rafale de mitrailleuse, elle n’était pas projetée en arrière et ne passait pas à travers un mur. Par contre, quand l’exo-combinaison attaque, l’enfer se déchaîne, comme dans cette scène où un véhicule est propulsé dans les airs. Nous avons construit une rampe à l’endroit où devait se trouver l’exo-combinaison, qui a été ajoutée en images de synthèse lors de la postproduction. Après avoir pris de l’élan sur 300 mètres, le véhicule a touché la rampe à 80 km/h et a été projeté dans les airs en faisant un retournement à 270 degrés. Pour être honnête, je n’avais encore jamais fait cette cascade avec un véhicule aussi gros et je n’étais pas très sûr du résultat, mais au final, c’était encore mieux que ce que nous avions imaginé ! »

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