Entretien avec Ludovic Iochem, créateur de Matte paintings numériques
Article 100% SFX du Mardi 06 Mai 2008

Après avoir travaillé sur le téléfilm « Une famille parfaite », pour lequel il a créé plusieurs ciels et plans de travelling dans des nuages, Ludovic Iochem a débuté dans le long-métrage avec Enfermé Dehors d'Albert Dupontel. Plus récemment, il est intervenu sur Jacquou le Croquant de Laurent Boutonnat, pour lequel il a réalisé une extension de décor d'un château qui finit par brûler. Il a eu également l'occasion de mettre Paris sous les eaux pour « la grande inondation » de Bruno Victor-Pujebet. Collaborateur régulier d'Effets-Speciaux.info, il est l'auteur des tutoriaux pour créer des mattepaintings d'un paysage et d'un ciel numériques. Retrouvez également ses magnifiques travaux sur son site
Propos recueillis par Pascal Pinteau

Un français dans l’équipe des effets visuels de Stardust
Peux-tu nous décrire ton parcours, et comment tu en es venu à travailler sur des effets numériques ?

Ludovic Iochem : J'ai toujours été très attiré par le cinéma et les effets spéciaux. Lorsque j'étais petit, je raffolais des émissions sur les cascades, la pyrotechnie, les animatroniques ou les maquillages. Je connaissais déjà le matte painting traditionnel à cause d'une émission sur le travelling matte qui expliquait le processus de création de la peinture sur verre ou sur toile. Je crois que c'est le coté magique des effets spéciaux qui me faisait rêver. J'ai toujours regardé beaucoup de films, aussi bien les classiques du cinéma d'aventure ou de science fiction que les vieux films de Harryhausen ou la Warner. A l'époque je pensais que pour faire des effets speciaux il fallait obligatoirement aller aux Etats-Unis. Quelques années après le bac, je suis rentré à la section Arts et Technologie de l'Image à Paris 8. Là-bas, j'ai surtout travaillé sur la mise en scène de théâtre. J'ai profité de la formation pour approfondir mes connaissances de photoshop et le truquage d'images fixes. A la sortie du premier Seigneur des Anneaux, j'ai décidé que je voulais vraiment aller vers le cinéma et le matte painting. Ce qui me plaisait dans cette discipline c'était le coté invisible du trucage, le fait de fabriquer un décor qui n'existe pas sans que personne ne voit le travail accompli sur l'image. Je suis donc rentré chez moi, je me suis acheté une tablette graphique et j'ai fait des images tout seul pendant plusieurs mois. Je suis ensuite allé les présenter à Mikros Image, à Christophe « Tchook » Courgeau qui a accepté de me prendre en formation avec lui. Je suis finalement resté deux ans à Mikros. C'est là que j'ai fait mes premières armes et mes premiers longs métrages.

Sur quels films es-tu intervenu en France ?

J'ai eu la chance en deux ans, de pouvoir travailler sur plusieurs films et téléfilms très variés. Mon premier projet a été Une famille parfaite, un téléfilm pour lequel j'ai créé plusieurs ciels et des plans de travelling dans des nuages. Ensuite j'ai fait mon premier long métrage : Enfermé dehors d'Albert Dupontel, une très grande excitation pour moi de travailler sur un vrai film. Plus tard, j'ai fait quelques effets de blessure sur La raison du plus faible de Lucas Belvaux, des matte paintings du Mont Arat pour Voyage en Arménie de Robert Guediguian. Plus récemment j'ai travaillé sur Hors de prix de Pierre Salvadori, Jacquou le Croquant de Laurent Boutonnat, pour lequel j'ai fait une extension de décor d'un château qui fini par brûler ainsi que des lunes, et enfin Molière de Laurent Tirard, le dernier film sur lequel je suis intervenu en France. En ce qui concerne la télévision, j'ai eu aussi l'occasion de faire des destructions de décor pour Djihad de Felix Olivier, ou de mettre Paris sous les eaux pour La grande inondation de Bruno Victor-Pujebet.

Qu'est-ce qui t'a donné envie de venir travailler à Londres ?

J'ai voulu partir à Londres pour apprendre de nouvelles méthodes de travail et goûter à des productions plus internationales. Ici tout est multiplié par dix, que ce soit le nombre de plans à truquer sur le film, leur difficulté et le nombre de personnes qui interviennent sur le projet. La façon de travailler est très précise tout en gardant parfois un coté artisanal. On est à 2h45 de Paris et on peut faire du Harry Potter, du Stardust ou du Bourne. Je voulais rencontrer de nouvelles personnes aussi, qu'elles me fassent partager leurs expériences sur les productions qu'elles avaient faites avant. Et puis Londres est un endroit où se croisent des graphistes de tous les pays et de toutes les sociétés du monde, c'est très enrichissant. La ville est sympa, le temps pas pire qu'à Paris malgré ce qu'on en dit...J'ai donc postulé dans toutes les sociétés ici et la première qui m'a demandé de venir à été Double Negative. Cela s'est fait en l'espace d'une semaine. Quand on veut partir il faut se tenir prêt ! C'était pour Stardust, cela va bientôt faire un an.



Quels sont les plans de Stardust sur lesquels tu es intervenu ?

J'ai surtout travaillé sur les plans qui tournent autour des villages de Wall et de Stormhold. Le premier plan compliqué que j'ai fait est celui où la caméra s'envole au dessus de Strormhold, passe dans une carte de la région et repique sur Wall. J'ai donc été chargé de peindre ces deux villages en utilisant une base 3D et des photos de référence qui avaient été prises. Pour ce plan très large en plongée d'une très grande altitude, il a également fallu que je m'occupe de tout l'environnement de chaque coté du mur, illustrer deux régions très différentes et pourtant côte à côte. Il y a deux autres plans du même genre sur lesquels je suis intervenu, un où l'on passe d'une vue du village de Wall à deux personnages autour du mur et un autre ou l'on s'envole au dessus de Stormhold pour découvrir ce qu'il y a au fond de la vallée. J'ai également fait quelques matte paintings d'arrière plan, des montagnes ou de la foret. C'est la première fois que je travaillais sur des plans de cette envergure. J'étais un peu paniqué lorsqu'on m'a montré ce qu'il fallait faire...

Pourrais-tu nous décrire les principales étapes de leur création ?

Pour les plans de cameras qui volent au dessus des villages j'ai travaillé avec Bruno Baron un TD. C'est lui qui s'est occupé de la modélisation 3D des maisons et des mouvements de caméra. Lorsque tout était validé par le superviseur, on déterminait des positions de caméra depuis lesquelles j'allais peindre mes matte paintings. Comme on zoome beaucoup dedans, on a été obligé d'en faire plusieurs de grande taille et de les imbriquer les uns dans les autres. J'étais donc chargé de la création des mattes en hautes définition et lui les reprojetait sur sa géométrie 3D. On a vraiment travaillé en étroite collaboration car il y avait beaucoup de petits détails à corriger par ci par là. C'était vraiment intéressant, on a ensuite rajouté des arbres, des lumières etc...Enfin c'est le compositeur qui finissait de rajouter de la fumée des effets atmosphériques...

Combien de journées de travail la réalisation de ces plans a-t'elle représenté pour toi ?

Le plus long au départ a été de trouver à quoi allait ressembler l'environnement autour des deux villages. On a fait beaucoup d'essais, de propositions. C'est assez compliqué en plus de travailler sur un environnement dans lequel on peut zoomer jusqu'à l'entrée d'une maison. On a dû rester un mois à chercher des choses sur ce plan. Ensuite une fois qu'on a eu fixé les plans larges il ne restait plus qu'à peindre les villages. Cela s'est fait plus rapidement car on avait déjà plus de références à notre disposition. Lorsque l'on fait un plan comme ça, cela représente beaucoup d'aller- retours avec le superviseur, de propositions, d'impasses, c'est intéressant car on est libre d'essayer des choses, de voir si cela fonctionne ou non. Et puis après on est satisfait de voir son plan terminé.

Quels sont les petits détails de ces scènes dont tu es le plus content ?

J'ai beaucoup aimé travailler sur ces plans car cela était très nouveau pour moi. J'ai appris beaucoup de choses. Je suis très content des maisons du village de Wall. Je n'avais pas énormément de temps pour peindre ce matte et je pense qu'au final cela fonctionne. Souvent on fait les lumières en 3D mais sur celui ci j'ai tout peint à la main. J'aime bien aussi l'extension du marché au début du plan de la carte.

Sur quels films travaille-tu actuellement, et quels sont les projets qui t'attendent dans le futur proche ?

J'ai fini The Bourne Ultimatum (La vengeance dans la peau) de Paul Greengrass voilà quelques semaines, c'était un projet très différent de Stardust car beaucoup plus réaliste. On ne doit absolument pas voir qu'il y a des trucages. C'est quelque chose qui m'intéresse énormément. Depuis, je travaille sur Doomsday, le prochain film de Neil Marshall. Dog Soldiers et The Descent sont deux films qui m'ont beaucoup plu, donc j'espère que celui ci sera aussi bien. En tous cas j'ai des mattes très sympas à faire dessus. Apres Doomsday je vais travailler sur Hellboy 2 de Guillermo del Toro, j'attends également beaucoup de ce film. Je sens qu'on va bien s'amuser !

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