Exclusif : Entretien avec Mike Newell, réalisateur de PRINCE OF PERSIA : LES SABLES DU TEMPS
Article Cinéma du Mercredi 05 Mai 2010

C’est à Mike Newell, qui avait signé l’excellente comédie QUATRE MARIAGES ET UN ENTERREMENT (1994), le formidable thriller policier DONNIE BRASCO  (1997) et un HARRY POTTER ET LA COUPE DE FEU  (2005) plébiscité par les fans du jeune sorcier que Disney et Jerry Bruckheimer ont confié la réalisation de PRINCE OF PERSIA : LES SABLES DU TEMPS.  Bien leur en a pris, à en juger par les scènes cocasses, vives et spectaculaires qui parsèment ce bon film d’aventures que nous avons visionné avec plaisir, mais dont nous ne pouvons pas encore publier la critique complète. Excellent directeur d’acteur, Newell est à l’aise dans tous les registres, grâce à sa formation qui a débuté dans les années 60, à la télévision anglaise. Au cours d’un long entretien exclusif accordé à ESI, il nous a révélé comment il a mis en scène cette grande aventure dans l’univers des 1001 nuits…



Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Depuis les années 90, on a pu voir plus d’une quinzaine d’adaptations de jeux vidéo au cinéma. La plupart ont été des échecs, et même si certaines d’entre elles ont eu un succès relatif au boxoffice, aucune n’a pleinement satisfait les cinéphiles ni les fans de jeux vidéo. Qu’avez-vous conçu pour plaire à la fois aux amateurs de cinéma et aux fans du jeu PRINCE OF PERSIA ? Que leur diriez-vous pour les rassurer ?

La première chose que je voudrais préciser, pour être tout à fait honnête, c’est que je ne sais pas si les fans du jeu seront satisfaits ou pas. Nous avons pensé qu’il était plus intéressant de concevoir une bonne histoire avec de bons ressorts dramatiques, plutôt que de reproduire fidèlement les saynètes du jeu vidéo. Mais ce que je peux vous assurer, c’est que l’homme qui a écrit la première version du script, et celui avec lequel je suis toujours en contact aujourd’hui, parmi les milliers de personnes qui ont travaillé sur le film, pour envisager d’autres projets et d’autres scripts, est Jordy Mechner, l’homme qui a inventé PRINCE OF PERSIA,  Jordy pense que le film est formidable. Et je ne crois pas qu’il serait venu me trouver pour me demander « Sur quoi d’autre pourrions-nous collaborer ? » s’il n’avait pas pensé sincèrement que le film était réussi. Donc, si l’homme de la tête duquel PRINCE OF PERSIA  a surgi est pleinement satisfait et pense que le film est fidèle à l’esprit du jeu, avec un peu de chance, les fans du jeu seront eux aussi agréablement surpris. Je dois préciser que nous n’avons utilisé que certains éléments de l’histoire du jeu, pas tous. Mais je crois que les fans devraient faire confiance au jugement de Jordan. Il était là depuis le début du projet, et il est bien sûr extrêmement attaché à l’univers et aux personnages qu’il a créé.

Ce matin, en nous présentant vingt minutes d’extraits du film – que nous avons d’ailleurs trouvées très réussies – vous nous avez dit « Il ne faut pas que j’oublie de vous parler du rôle que le sable joue dans le film ! ». Alors que vouliez-vous nous révéler à ce sujet ?

La recherche d’un sable magique est l’un des enjeux majeurs du film. Ce que les extraits que vous avez vus ne révélaient pas, c’est que sous la grande cité, et plus précisément sous la grande tour, se trouve un lieu mystérieux. Un endroit enfoui dans les abysses de la terre où est caché un énorme récipient de cristal qui contient des centaines de milliers de tonnes d’un sable magique, aux pouvoirs mystiques, qui a la capacité de vous projeter dans le passé. Ce que le méchant de l’histoire – incarné par Ben Kingsley – veut, c’est réussir à devenir roi. Il est  obsédé par un incident survenu dans sa jeunesse, car il a sauvé son frère, qui règne actuellement, d’une mort certaine lors d’une partie de chasse qui a mal tourné. Et maintenant que les années ont passé et qu’il s’est laissé corroder par la jalousie la plus malsaine, il voudrait revenir en arrière et ne pas sauver son frère, afin d’accéder au trône. Pour faire aboutir son plan,  il a besoin de deux choses : de la dague magique qui permet de manipuler le temps, et ensuite d’une énorme quantité de sable qui lui permette non pas de revenir dix ou trente secondes en arrière, mais de projeter le monde entier plus de trente ans dans le passé, afin de modifier l’histoire et de modeler les évènements selon ses envies.

Ainsi, c’est la quantité de sable utilisée qui détermine l’ampleur du bond que l’on peut faire dans le passé…

Oui, exactement. Il a besoin de la quasi-totalité de sable magique qui se trouve dans cet énorme récipient pour rompre la continuité temporelle et modifier le présent.

Quels sont les clichés des films se déroulant dans l’univers des « 1001 nuits » que vous vouliez éviter à tout prix ?

Certains de ces films sont excellents, et remarquablement faits pour leur époque. Le premier qui me vient en tête est évidemment un film anglais,  LE VOLEUR DE BAGDAD. J’étais donc déterminé à éviter les chevaux volants ! J’ai écarté aussi les scènes où des gens se cacheraient dans d’énormes jarres, comme dans ALI-BABA ET LES 40 VOLEURS. Il y a aussi une chose que j’ai remarqué quand je lisais ces contes de 1001 nuits le soir à mes enfants, quand ils étaient petits : beaucoup de ces histoires concernent la vente de marchandises. Prenons l’exemple des aventures originales de Sinbad : ce vaillant capitaine et son équipage de héros voguent sur les océans et entreprennent un voyage dangereux jusqu’à l’île machin bidule pour aller chercher des joyaux de la taille d’œufs de pigeons que l’on trouve sur ses plages. Il remplit les cales de son bateau, revient dans son pays, vend les joyaux et devient très riche et épouse la fille du calife. Fin de l’histoire ! Je ne trouvais pas cela très intéressant. Ces récits de recherche de marchandises précieuses ne m’excitaient guère. Je préférais que l’histoire soit entièrement focalisée sur les personnages.

Comment avez-vous choisi vos deux acteurs principaux ? C’est évidemment une décision capitale quand on a la responsabilité d’une superproduction…

C’était une question d’instinct. On commence à penser au casting vraiment très tôt quand on prépare un film. Vous y pensez déjà quand vous lisez le script pour la première fois. Vous passez mentalement en revue tous les acteurs et les actrices que vous avez « rangés » dans un coin de votre tête, en vous disant que vous pourriez travailler avec eux un jour. J’ai pensé très tôt à Jake, parce que je l’ai rencontré pour la première fois quant il avait 7 ans !

C’est incroyable ! Dans quelles circonstances ?

Il se trouve que ses parents sont de bons amis. Sa mère est auteur, et son père, Steven Gyllenhaal, est réalisateur, un bon réalisateur, d’ailleurs. Ils avaient séjournés dans ma maison de Londres. Je connaissais donc toute la famille, c’est à dire Jake, sa sœur Maggie que l’on a vue récemment dans THE DARK KNIGHT, et leurs parents. Par la suite, j’ai travaillé d’abord avec Maggie, puis avec Jake. De ce fait, j’ai toujours gardé Jake en tête,sans me dire précisément « Oh, je vais faire plein de choses avec lui ». Mais j’ai continué à voir ce qu’il faisait, du coin de l’oeil.  J’ai pensé qu’il devait avoir un excellent sens de l’humour, et aimer jouer des tours, avec un esprit rebelle et malicieux. De plus, il avait quelque chose d’original. Jake ne ressemblait pas aux autres jeunes acteurs de sa génération. Mais en dépit de cette intuition, j’ai quand même rencontré tous les autres jeunes acteurs qui sont disponibles en ce moment. Certains d’entre eux sont fantastiques, extraordinairement doués. Mais ils avaient tous un côté un peu trop américain. Je voulais que l’on sente autre chose émaner du personnage. Et Jake, qui est américain, et qui avait acquis entre-temps beaucoup d’expérience, avait été nominé pour un Oscar du meilleur second rôle pour BROKEBACK MOUNTAIN. J’ai continué à penser à lui, tout en continuant à rencontrer d’autres jeunes acteurs. A un moment, Jerry Bruckheimer m’a dit « Mike, à qui penses-tu pour le rôle du prince Dastan ? », et je lui ai dit « Je crois que cela ne peut être que Jake Gyllenhaal. » Bien que nous n’en ayons pas parlé auparavant, je crois que lui aussi était arrivé à la même conclusion, et qu’il pensait probablement lui aussi à Jake depuis un bon bout de temps. J’étais présent lors du premier rendez-vous de Jake avec Jerry, puis ils se sont revus par la suite, et c’est ainsi que les choses ont abouti.

Et en ce qui concerne Gemma Arterton ?

En dehors du rôle principal, on m’avait demandé de n’engager que des acteurs anglais. C’était dû en partie à des raisons financières, et aussi au fait que les studios américains ont tendance à considérer, de manière plutôt naïve, que l’accent anglais rend plus authentiques les films qui se déroulent dans le passé ! Pour eux, c’est une obligation dès que l’on s’attaque à des récits historiques ! Mais je dois dire que j’étais ravi de cette décision, parce qu’il y a d’excellents acteurs dans ce pays. Si vous m’aviez demandé à quel acteur j’aurais voulu attribuer le rôle que tient Ben Kingsley, je ne crois pas que j’aurais été en mesure de vous citer un autre nom. Il a toujours été mon choix n°1. Pour revenir à Gemma, j’ai donc rencontré beaucoup de jeunes actrices anglaises, et je dois dire qu’il y a énormément de filles qui ont un talent fou en ce moment. Et celle qui m’a vraiment charmée est Gemma.

Elle a une énergie extraordinaire…

Oui, elle est adorable. Elle a beaucoup d’esprit et beaucoup d’enthousiasme. On peut la trouver totalement crédible dans un rôle de reine, et croire aussi qu’elle déteste cordialement le prince Dastan, qu’il lui sort par les yeux ! Gemma est aussi très dynamique, toujours prête à bondir ou à courir. Elle peut faire tout cela, tout en retrouvant instantanément  une allure royale, ou plutôt de grande prêtresse, dans la scène suivante.

Découvrez la suite de cet entretien !


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