Dossier AVATAR : Entretien avec Andy Jones, superviseur de l’animation au sein de Weta Digital - Seconde partie
Article Cinéma du Dimanche 06 Juin 2010

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Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous animé les six pattes du thanator ? Avez-vous basé ses mouvements sur ceux d’insectes à six pattes, comme les fourmis ?

Exactement. Les fourmis étaient les seuls animaux auxquels nous pouvions nous référer pour imaginer comment le thanator allait se déplacer. Bien sûr, c’était juste une indication basique, car le thanator est bien plus grand et bien plus lourd qu’une fourmi. Sa musculature et l’anatomie de ses pattes est également très différente. Mais nous avons pu reprendre des rythmes de mouvements des fourmis, et cela nous a été utile. Les pattes centrales des fourmis bougent en opposition aux pattes avant et aux pattes arrière. C’était très intéressant de faire bouger une créature de grande taille de cette manière. Nous avons quand même été obligés de nous éloigner de ce rythme de marche dans certaines scènes, notamment quand le thanator attaque Jake : dans ces moments-là, ses quatre pattes avant fonctionnent à l’unisson, tandis que ses deux pattes arrière font les mouvements inverses. Cela lui permet d’être plus agile et de changer de direction plus rapidement en évitant les obstacles placés devant lui.

Comment avez-vous animé les singes à quatre mains ?

On les appelle les prolemurus. Ces créatures ont été difficiles à animer, mais elles sont très intéressantes, elles aussi. Le fait qu’elles aient quatre mains permet de les lier aux autres bêtes sauvages de la planète, qui ont six pattes, et de suggérer la manière dont certaines familles d’animaux ont évolué au fil du temps. L’idée de Jim est que les lointains ancêtres des Na’vis avaient peut-être eu aussi quatre bras et deux jambes. C’est la raison pour laquelle ces singes représentent ce qui s’est passé au cours de leur évolution : ils ont deux bras, mais chaque bras est divisé en deux extrémités, et prolongé par deux mains. On suggère ainsi que ces créatures, au bout de leur évolution, n’auront plus que deux bras et deux mains. Mais pour l’instant, leur particularité physique leur permet de se tenir aux branches tout en attrapant des fruits ou des insectes pour se nourrir.

Comment avez-vous animé les banshees et les viperwolves ?

Nous avons étudié les mouvements des ailes de plusieurs espèces d’oiseaux de grande taille et de plusieurs espèces de grandes chauve-souris, car il fallait que nous réussissions à animer de manière réaliste les quatre ailes des banshees, non seulement pendant un vol linéaire, mais aussi pendant leur envol, et leurs manœuvres aériennes. Jim ne souhaitait pas que l’on imite les ailes des chauve-souris, car il préférait que les ailes des banshees paraissent plus rigides, et que leurs évolutions dans le ciel évoquent davantage celles des avions à réaction de l’armée. Jim préférait les mouvements des aigles, dont les ailes sont plus fermes que les membranes des chauve-souris. En ce qui concerne les viperwolves, Jim nous a dit qu’il les imaginait comme un mélange de chien et de chat. Ces animaux se comportent comme des loups, par exemple quant ils attaquent en meute, mais ils possèdent aussi les capacités d’escalade des chats. En trois ou quatre bonds, ils peuvent atteindre la plus haute branche d’un arbre. Les griffes acérées qui se trouvent sur leur quatre pattes avant leur permettent de s’accrocher à l’écorce d’un arbre et de se hisser ainsi. Mais ils aboient comme des chiens. Pour les animer, nous avons tenu compte des particularités de leur anatomie, et notamment de leur colonne vertébrale très allongée. Ils bougent à la fois comme des chats, des loups et des serpents !

Et en ce qui concerne les sturmbeasts, vous êtes-vous basés sur les mouvements des éléphants ?

Oui, principalement. Mais il se trouve que les sturmbeasts sont moins présents dans la version finale du film…

Vraiment ?

Oui, nous les avions animés dans plusieurs séquences, mais comme Jim a resserré le montage du film pour le raccourcir un peu, les sturmbeasts ont pratiquement disparu d’AVATAR ! (rires)

Quelles étaient les difficultés liées à l’animation des paysages de jungle ? Deviez-vous animer les interactions entre les plantes, et entre les personnages et les plantes ?

Au début, nous devions animer les plantes nous-mêmes, mais nous développions parallèlement un logiciel capable de gérer cela. Une fois qu’il a été mis au point, ce logiciel a pu contrôler les mouvements des plantes en les gérant comme des groupes d’éléments reliés les uns aux autres. Du coup, une plante en faisait bouger une autre lorsqu’elle la touchait. Grâce à cela, ce n’est plus le département de l’animation qui s’occupe des scènes de jungle, mais le département des simulations. Nous nous concentrons sur les mouvements des personnages et des créatures.

Ce logiciel a-t’il un nom particulier ?

Non, mais je sais qu’il utilise en partie les caractéristiques des simulations de cheveux au sein du logiciel Maya.

Etait-ce très difficile d’animer la scène pendant laquelle Jake saute du haut d’une chute d’eau et tombe dans les flots déchaînés d’une rivière ?

C’était à la fois dur et très amusant à faire. Jim est tellement méticuleux dans son approche du tournage des scènes en capture de performance qu’il a tenu à capturer ces plans à l’extérieur, en filmant un vrai plongeon de Sam, puis ceux de cascadeurs. Cela dit, il a fallu que nous retouchions les mouvements de la hanche et des bras de Jake pour les rendre plus réalistes. Les mouvements de Jake, une fois qu’il nage dans la rivière ont été simulés « à sec » par un cascadeur, sur un plateau, en capture de performance. Après, nous avons modifié ses gestes pour simuler la force des tourbillons d’eau autour de lui. Nous avons ralenti le rythme de ses mouvements, et changé légèrement certaines poses. Les mouvements du cascadeur étaient très bien d’emblée, c’était juste le timing qui était un peu trop rapide.

Pouvez-vous nous parler des différentes plantes que vous avez  animées et de la manière dont vous avez procédé ? Quelles références avez-vous utilisées ?

Il n’y a que quelques plantes qui sont animées de manière spécifique, pour créer un comportement particulier, mais l’une d’entre elles a aussi disparu du montage final !  Il y en a une autre qui s’appelle « oreilles de chat », parce que ses feuilles ressemblent à des coquillages  placés sur un arbre, et chaque feuille peut se vriller et réagir aux mouvements de l’environnement. Il y a aussi une plante conique dont le corps forme une spirale concentrique. Dès que Jake la touche, la spirale se rétracte et la plante disparaît presque entièrement dans le sol. Cette plante-là est celle qui est la plus animée de toutes. Jim l’a appelée « Helicarribbean ».

Comment avez-vous animé les Ampsuits et les pilotes humains que l’on voit dans les habitacles ?

Comme les ampsuits possèdent deux bras et deux jambes, nous avons tiré partie de nos équipements, et nous les avons animés à partir de captures de mouvements effectués par des acteurs. C’était autant de temps de travail économisé pour les animateurs. Mais il nous restait quand même à ajouter les mouvements des hanches mécaniques, ainsi que la posture particulière que prennent les exosquelettes pour permettre aux pilotes de les escalader pour s’installer aux commandes. Nous avons aussi animé les mouvements des poignets et des mains des ampsuits. Etant donné que ce sont les mouvements des pilotes qui servent à animer les ampsuits, nous avons utilisé aussi les captures de mouvements pour animer les pilotes 3D dans les cockpits. Dans certains plans, ce sont les acteurs réels qui sont placés à l’intérieur des ampsuits. Ils ont été filmés sur fond vert, dans une partie du cockpit placée sur une plateforme animée, asservie aux mouvements de l’ampsuit 3D. Les deux sources d’image ont été combinées par la suite.

Quels autres vaisseaux ou accessoires avez-vous animés ?

Beaucoup de vaisseaux et beaucoup d’accessoires… Nous nous sommes occupés des hélicoptères samson et des mini-hélicoptères scorpion. Ils étaient assez amusants à animer, parce qu’ils sont puissamment armés : il y avait beaucoup de tirs de missiles à simuler, avec les traces de fumées derrière les projectiles, les impacts, etc. Les interactions avec les banshees et les Na’vis sur leurs dos étaient également très intéressantes à animer. Les gros plans des Na’vis ont été réalisés en capture de performance et en animation, tandis que les plans très larges ont été animés grâce au logiciel Massive, qui avait été employé pour la première fois dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX. Le département d’animation a créé des dizaines de cycles d’animation différents pour les banshees et les Na’vis qui se trouvent sur leurs dos : une banshee en position de piqué, une banshee qui s’accroche à un hélicoptère pour l’attaquer, une banshee qui est tuée par un tir des soldats, une banshee qui se bat en happant des choses avec sa gueule, etc. Le logiciel massive a enregistré toutes ces animations, et il nous a suffi de programmer les actions de groupes de banshees et d’hélicoptères pour qu’il anime le reste de manière cohérente. Autrement dit, si nous programmons une banshee pour qu’elle fonce vers un hélicoptère, dès qu’elle est suffisamment proche, le logiciel prend le relais, et l’anime pour qu’elle s’accroche à l’appareil et le déséquilibre, ou qu’elle attaque les soldats qui se trouvent dans l’appareil. Tout fonctionne comme dans un énorme jeu vidéo. Les personnages sont dotés d’une intelligence artificielle, et leur comportement est logique.

Comment résumeriez-vous en quelques mots ce qu’a été pour vous l’expérience d’AVATAR ?

AVATAR  a été vraiment un boulot de rêve, pendant trois ans, pour toute notre équipe d’animateurs. C’était un projet exceptionnel, et tout à fait passionnant.

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