Caprica – Les trucages de la série dérivée de Battlestar Galactica
Article TV du Vendredi 17 Septembre 2010

Alors que la diffusion de l'excellente série Battlestar Galactica s'est terminée l'année dernière, la chaîne Syfy et les studios Universal n'ont pas pour autant abandonné leur franchise. Les créateurs de la série, Ronald D. Moore et David Eick, ont plus d'un robot dans la manche ! Fin 2009, un dernier téléfilm, sous-titré The Plan, nous a permis de découvrir ce qui se déroulait du côté des robots Cylons parallèlement aux évènements des deux premières saisons de la série. Et Syfy diffuse depuis janvier dernier une série dérivée, Caprica, dont le pilote était disponible en DVD aux Etats-Unis depuis le printemps 2009. – et depuis février 2010 en France. Ce nouveau feuilleton, où le space-opéra est éclipsé pas l'anticipation et le drame, revient sur la création de Cylons. Or on ne change jamais une équipe qui gagne ! Le superviseur des effets visuels Gary Hutzel, toujours à la tête du studios d'effets spéciaux interne d'Universal, met à nouveau son expérience et son talent au service de la franchise... Et du talent, il lui en faudra pour gérer la complexité d'un projet de cette ampleur !

Par Pierre-Eric Salard



Œuvrer dans la post-production n'est pas forcément de tout repos, bien au contraire ! Il faut souvent affronter des problèmes avant même de commencer à travailler... Afin de concevoir de front les trucages de la dernière saison de Battlestar Galactica et ceux du pilote de Caprica, les artistes de l'équipe de Gary Hutzel ont dû suivre un emploi du temps plutôt tarabiscoté. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? « Lorsqu'on nous a confié la création des effets spéciaux du pilote de Caprica, en 2008, nous venions de terminer ceux de la première partie de la quatrième saison de Galactica », explique Gary Hutzel. « Nous avons fait tout le travail de prévisualisation des effets visuels et l'avons présenté aux dirigeants d'Universal et de Syfy. Mais ils n'avaient toujours pas donné un feu vert définitif pour la diffusion du pilote, qui avait été tourné quelques mois plus tôt. Nous, nous étions certains que Caprica verrait le jour – cela faisait des années que nous en parlions ! -, mais les financiers ne prenaient pas de décision. Or si nous voulions être prêts pour la seconde partie de la dernière saison de Galactica, il aurait fallu terminer les trucages du pilote en octobre 2008. Nous avons attendu, encore et encore... Puis, en décembre 2008, le pilote obtint enfin le feu vert, et une première saison fut commandée. Cerise sur le gâteau, le département en charge des DVD décida de sortir le téléfilm dès avril 2009 ! Et bien entendu, pour que cette date soit respectée, il fallait qu'on leur livre les plans truqués plusieurs semaines, voire des mois, en avance ! Pour nous, c'était la panique (rires) ! Nous avions à peine commencé à travailler sur les derniers épisodes de Battlestar Galactica, et nous étions obligés d'intervenir parallèlement sur Caprica ! Afin de respecter les délais, nous avons travaillé sept jours par semaine pendant quatre mois... » De quoi faire réfléchir ceux qui désirent travailler dans le milieu des effets visuels... Surtout que l'épreuve n'était pas terminée pour Gary Hutzel et son équipe ! En mars 2009, ils attaquent la post-production du téléfilm Battlestar Galactica : The Plan. Ils ne pourront débuter leur engagement sur la première saison de Caprica qu'à partir de la fin de l'été suivant... « Dès fois, je me demande si Universal n'a pas une équipe dont l'unique objectif est de nous torturer (rires) », raconte le superviseur des effets visuels. « Leurs décisions sont pour le moins exotiques ! Ils ont commencé à tourné les dix premiers épisodes de Caprica à partir de juillet 2009, et leur objectif était de les diffuser à partir de janvier 2010. Avant que nous nous puissions commencer à travailler dessus, il fallait donc les filmer et les monter. S'ils avaient tourner les épisodes plus tôt, cela nous aurait considérablement arrangé ! Finalement, heureusement que nous avions The Plan pour nous occuper pendant le printemps 2009 (rires) ! »

Des Cylons et des couleurs

L’intrigue de Caprica se déroule une cinquantaine d'années avant la destruction des Douze Colonies humaines par les Cylons. L'industriel Daniel Graystone, un expert reconnu en informatique, perd sa fille Zoé, victime d'un attentat. Mais cette dernière avait auparavant réussi à digitaliser sa personnalité... Malgré les précautions de rigueur, Daniel se refuse à abandonner sa fille et réussit à intégrer l'avatar de Zoé dans l'un des premiers de ses modèles Cylons. Le syndrome de « l'apprenti sorcier » a encore frappé, et l’histoire tragique de Caprica ne fait que commencer... Si la franchise quitte l'infini de l'espace pour se dérouler sur la terre ferme de Caprica, les trucages sont toujours de mise. Visuellement, la planète ressemble à ce que pourraient être nos métropoles dans une poignée de décennie. « En terme d'effets visuels, Caprica n'est pas tellement différente de Battlestar Galactica », explique Gary Hutzel. « Vous savez, nous avons modélisé et animé de nombreux robots dans la première série... Et bien, Caprica en montre un bien plus grand nombre (rires) ! La première saison contient autant de plans avec des Cylons que durant l'intégralité de la précédente série ! Les robots ont une place primordiale dans l'histoire ; un modèle, en particulier, a un rôle très important. Certes, nous ne réalisons quasiment plus de scènes se déroulant de l'espace, puisqu'il n'est plus question de flottes de vaisseaux fuyant un holocauste ou de combats spatiaux. Mais nous devons désormais recréer toute une planète, avec son ambiance, son architecture futuriste, etc... Caprica représente un grand changement en terme de types de trucages. Pour autant, cela ne veut pas dire que nous devons en produire moins, bien au contraire ! Il n'existe pas beaucoup de séries se déroulant sur une autre planète, après tout... » L'équipe de Gary Hutzel a dû également s'habituer à un nouveau style de mise en scène, ainsi qu'à une nouvelle direction artistique. « L'ambiance n'est plus la même que dans Battlestar Galactica, qui se déroulait durant les jours sombres des Colonies humaines. Les réalisateurs avaient initié un style documentaire ; la caméra bougeait perpétuellement, que ce soit dans les couloirs des vaisseaux ou dans l'espace, et les couleurs étaient relativement vives. Dans Caprica, l'heure est au progrès. En terme de réalisation, c'est davantage un drame standard. Et la différence d'époque se répercute dans la palette de couleurs. Nous avons voulu souligner l'ambiance 'années 1950' en utilisant du sépia et des couleurs saturées. Nous avons supprimé, ou presque, le bleu de la gamme des couleurs. Cela offre à la série un style très personnel. Si on reconnaissait la 'patte' de Battlestar Galactica grâce à sa réalisation de type 'documentaire', Caprica sera immédiatement remarquée pour ses tons saturés et sa superbe direction de la photographie. C'est sa marque de fabrique. Mais pour nous, dans l'équipe des effets visuels, cela ne change pas grand chose. Notre processus de conception n'a pas évolué. Nous modélisons et animons toujours de la même manière (rires) ! » Le designer Richard Hudolin (Stargate SG-1), qui a travaillé sur Battlestar Galactica, s'avoue heureux de pouvoir continuer à côtoyer cet univers. « J'ai participé au pilote de Caprica alors que j'en finissais avec sa grande soeur », précise-t-il. « La série se déroulant bien avant l'attaque des Cylons, c'est très sympatique – mais aussi un défi - d'avoir l'occasion d'apporter une bouffée d'air frais à la franchise. Ron Moore et David Eick nous ont proposé d'essayer diverses idées. Nous voulions que la direction artistique de Caprica rappelle légèrement celle de Galactica. C'est comme si nous prenions une machine à voyager dans le temps ; nous devons préparer le futur tout en inventant un nouveau présent. Nous avons longtemps marché sur une corde raide avant de réussir à trouver un juste milieu... »

Une équipe qui gagne

Les fans seront ravis d'apprendre que le noyau dur de l'équipe des effets visuels est peu ou prou le même que celle de Battlestar Galactica. Alors que les studios Zoic (Firefly, V) s'étaient occupés des premières saisons de la précédente série, une équipe interne à Universal avait été mise en place pour les deux dernières saisons, sous la supervision de Gary Hutzel. « C'est la meilleur approche créative et financière que nous avons trouvé », précise ce dernier. « Ce type de série ne pourrait pas être fait par un véritable studio d'effets visuels, qui ne travaille jamais dans un objectif non lucratif. Pour Caprica, nous étions libres de créer des environnements et de les proposer aux créatifs et aux décisionnaires. Nous avons ainsi pu explorer les scènes se déroulant dans le monde virtuel – celui où évolue l'avatar de Zoe, au départ – à travers une longue série d'illustrations. Si nous étions passés par un studio externe, cela nous aurait coûté 100000 dollars ! Nous pouvons bénéficier d'une plus grande flexibilité grâce aux ressources financières d'Universal et à notre but uniquement créatif. Notre studio interne ne cherche pas à engranger le moindre bénéfices. Et cela a tiré qualitativement la série vers le haut ! Un simple travail de prévisualisation d'une séquence coûterait entre 30000 et40000 dollars chez un prestataire extérieur ! Nous faisons la même chose pour une fraction de ce budget... En d'autres termes, je suis le maître d'œuvre, je supervise et j'organise les réponses à nos besoins. J'ai développé ce studio spécifiquement pour Galactica. Il n'y a pas de profit, ici. Tous les gens qui travaillent pour moi sont embauchés sur une base hebdomadaire. Que nous produisons cinq ou 105 plans truqués, nous ne payons pas de frais supplémentaires ! Nous organisons les ressources humains au jour le jour. Inutile d'embaucher un artiste s'il n'a rien à faire une semaine sur deux... Et plus j'ai des plans à faire, plus je peux garder un certain nombre d'artistes dans l'équipe... » Il est vrai qu'à notre époque, être flexible est devenu nécessaire. Rares sont les artistes à travailler de nombreuses années dans le même studio... Ayant largement eu le temps d'apprivoiser Lightwave 3D durant les dernières saisons de Battlestar Galactica, les membres de l'équipe de Gary Hutzel continuent à utiliser ce logiciel de modélisation 3D, d'animation et de rendu de la société NewTek. « Si nous sommes débarrassés des combats spatiaux, nous avons désormais beaucoup de travail autour des environnements numériques et des tournages devant un fond vert », précise le superviseur des effets visuels. « Il faut dire que le contexte de Caprica a bien changé depuis ses prémisses. A l'origine, il s'agissait d'explorer les relations internationales à travers la difficile unification de planètes aux ethnies bien différentes. C'est finalement devenu une série davantage axée sur l'anticipation, et la science-fiction a pris plus d'importance que prévu. Entre les environnements futuristes de la planète Caprica, le monde virtuel et les ancêtres des Cylons, il a fallu faire appel à bien plus d'effets visuels que prévu (rires) ! Mais nous nous en sommes accommodés. Plus nous avons avancé dans la saison, plus le nombre de plans truqués a évoluter, et de façon exponentielle ! » Si vous regardez attentivement les splendides vues aériennes de Caprica, vous reconnaitrez peut-être... Vancouver ! La ville canadienne, où est tournée la série, a cependant bénéficié de l'incrustation de nombreux gratte-ciels en images de synthèse. Le bâtiment (virtuel) abritant les « Industries Graystone » est notamment inspiré du fameux campus Microsoft. Ces fenêtres vers un probable futur ont été conçues par le talentueux artiste Dave Morton (Lost, Benjamin Button). Quant à l'imposant stade Atlas, dont le style est inspiré par l'œuvre de l'architecte Santiago Calatrava, il a été modélisé par Pierre Drolet (Enterprise, Serenity). Mais plus que ces magnifiques paysages numériques, c'est le travail de modélisation et d'animation des premiers Cylons qui représente la plus grande réussite visuelle de Caprica. Nous aborderons ultérieurement ce sujet... si les robots n'ont pas pris leur indépendance d'ici là !



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