Entretien avec Tsukasa Hôjô, auteur de Cat’s Eye et City Hunter (Nicky Larson)
Article Animation du Jeudi 05 Aout 2010

Depuis sa première édition, Japan Expo s’est fixé deux maîtres mots : connaissance et divertissement. Du Manga à la J-Music, des défilés de Cosplay aux Arts Martiaux, le festival aborde autant la culture japonaise traditionnelle que la culture pop contemporaine.

Parmi les nombreux exposants se trouvent tous les éditeurs du marché du Manga, de l’Anime et du Jeu vidéo, de très nombreuses boutiques, des jeunes créateurs sous forte influence japonaise, ainsi que plus de cent cinquante fanzines et stands amateurs ! Le festival est également un lieu de rencontres exceptionnel entre passionnés qui aiment à se retrouver autour de mille et une activités : défilés de mode, concerts live, projections en avant-première, Cosplay, concours de Karaoke, tournois de jeux vidéo, initiations aux Arts Martiaux, conférences… Parmi ces rencontres privilégiées, Japan Expo accueille désormais des dizaines d’invités de marque, autant de personnalités de qualité faisant et défaisant les tendances : Mangaka, designers, réalisateurs, musiciens, scénaristes, producteurs… tout droit venus du Japon ou d’ailleurs, ces invités d’exceptions forment l’unité créative du festival, à la rencontre de leurs fans.

A l’occasion de ce 11e impact du festival, ESI a eu le plaisir de rencontrer certains d’entre eux et est heureux de partager ces expériences avec vous. Nous commençons aujourd’hui avec l’invité d’honneur de la Japan Expo, le maître Tsukasa Hôjô, qui fête cette année ses trente ans de carrière !


Propos recueillis et traduits Jérémie Noyer & Caroline Bergeon



Grand nom du Manga, Tsukasa Hôjô est entre autres l’auteur de chefs d’oeuvre tels que Cat’s Eye et City Hunter (Nicky Larson). Né le 5 mars 1959 à Kokura, dans la préfecture de Fukuoka, il arrive deuxième au concours du Prix Tezuka dès 1979 avec Space Angel. En 1980, il y a tout juste trente ans, il débute comme Mangaka professionnel en publiant Je suis un Homme ! dans le magazine Weekly Shônen Jump. A partir de 1981 débute sa série Cat’s Eye, où il montre son talent quand il s’agit de dessiner des femmes, et il participe activement aux magazines des éditions Shueisha, à commencer par le Weekly Shônen Jump. City Hunter paraît en 1985. C’est, après Cat’s Eye, le deuxième immense succès de Tsukasa Hôjô, et celui qui le fait véritablement connaître dans le monde entier. Si le succès est au rendez-vous au Japon, c’est également le cas en France où les adaptations animées, Cat’s Eyes et Nicky Larson, sont très populaires dès leurs premières diffusions. Par la suite, Tsukasa Hôjô participe à la création du magazine Weekly Comic Bunch (aux éditions Shinchôsha–Coamix) dans lequel il publie une nouvelle série, Angel Heart, qui continue de paraître aujourd’hui.



Quelles œuvres ont bercé votre enfance ?

En fait, ma famille ne me permettait pas de lire des mangas, donc pendant longtemps, je n’ai rien connu de cette forme. Par contre, j’ai beaucoup regardé la télévision, toutes sortes de programmes, séries, animes, etc. Je suivais tout particulièrement l’œuvre d’Osamu Tezuka (Astro Boy).

Vous fêtez aujourd’hui vos trente ans de carrière. Quel regard portez-vous sur vos premières œuvres ?

J’aimerais me cacher dans un trou de souris !... Ceci dit, je suis très heureux que tant de lecteurs apprécient mon travail, et rien que pour cela, si c’était à refaire, je ne changerai rien !

Votre approche du manga est très cinématographique, tant dans le découpage que la dynamique...

En fait, dès le départ, j’imagine mes images en mouvement et je ne fais que les transposer sur le papier. D’ailleurs, à titre personnel, j’avoue que je suis davantage consommateur de films que de mangas !

Comment créez-vous un scénario ?

Tout commence par une réunion avec l’éditeur pendant laquelle nous discutons essentiellement des personnages et de leur évolution. Ce n’est qu’à partir de là que j’imagine une histoire et que je rejoins mon ordinateur pour y travailler. A ce stade, il n’y a pas de règle. Les choses peuvent venir rapidement, naturellement, de façon très fluide, ou bien très lentement.

Le grand public français vous connaît surtout à travers les séries animées Nicky Larson (City Hunter) et Cat’s Eye, diffusé lors d’émissions enfantines. Qu’en pensez-vous ?

Je ne comprends pas du tout ce choix. Ce n’est pas du tout dans cet esprit que ces séries ont été créées et le résultat est que certaines scènes ont été censurées.

Avez-vous des traits communs avec Ryô Saeba/Nicky Larson ?

Beaucoup de caractéristiques de ce personnage sont inventées, mais ce qui vient de moi, c’est qu’il est cool, fort et beau gosse !!!

Avez-vous été impliqué dans l’adaptation animée de vos mangas ?

En général, la participation d’un mangaka dans ce genre d’adaptation est quasi nulle, mais cela dépend de l’équipe. Il m’est arrivé de travailler assez longtemps avec eux.

Vos histoires se situent généralement dans le monde contemporain. N’êtes-vous pas tenté par l’écriture d’un manga historique ?

Les mangas historiques sont à la mode au Japon et je ne souhaite pas le faire sous ce prétexte. Il y a longtemps, à l’époque où ce n’était pas la mode, j’ai écrit une histoire sur un Kamikaze, La Mélodie de Jenny. Il n’y a eu qu’un volume alors que j’aurais bien aimé continuer.

Préférez-vous travailler sur des histoires courtes ou des formes longues ?

Honnêtement, pour durer, une histoire doit être adaptée, d’une certaine façon plus stéréotypée pour plaire à un large public sur le long terme. Avec une histoire courte, vous vous faites plaisir et faites quelque chose de moins consensuel, plus social. Par contre, avec Angel Heart, j’ai la chance de faire les deux à la fois. C’est pour moi une fusion entre l’action et des sujets plus sensibles. En cela, c’est une synthèse de toute ma carrière.

Vous évoquez Angel Heart, qui reprend l’univers de City Hunter, mais dans un univers parallèle. Pourquoi n’avoir pas conçu tout simplement une suite ?

Au départ, je voulais faire une suite. City Hunter a dû être arrêté brusquement, et entre cet arrêt et le moment où j’ai eu l’idée d’une suite, dix ans s’étaient écoulés. City Hunter est ancré dans les années 80 et nous étions dans les années 2000. Si j’avais suivi la chronologie normale, mes personnages auraient été trop vieux. D’un autre côté, je ne voulais pas situer ma suite dans les années 80 car le contexte était trop différent de ce que nous vivions à l’époque. J’ai donc imaginé une histoire que j’ai placée dans un monde parallèle pour que cela soit cohérent. Ce sont les mêmes personnages que la série originale, mais dans un univers d’aujourd’hui. Le cinéma passe son temps à faire des remakes ; j’ai fait un remake de moi-même ! D’ailleurs, je vous confie une exclusivité : Angel Heart va continuer, mais sous une forme différente… même les Japonais ne le savent pas encore !



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