La série V : Un vaisseau-mère pour un remake
Article TV du Mardi 10 Aout 2010

Près de trente ans après avoir effrayé et passionné les amateurs de SF, la série culte de Kenneth Johnson est de retour sous la forme d'une modernisation en règle. Les aliens reptiliens débarquent à nouveau en paix sur notre planète, mais leurs objectifs n'en sont pas moins glaçants ! Et les trucages qui les mettent en scène ont bien progressé depuis les années 1980...

Par Pierre-Eric Salard



Annoncé au printemps 2009, ce remake est supervisé par Scott Peters (Les 4400), qui a fait appel aux studios Zoic pour élaborer des effets visuels dignes de ceux qui ont envahi l'imaginaire des enfants d'hier. Le défi est de taille : il faut tout à la fois respecter, rendre hommage et moderniser les images iconiques de la série originale ! Mais les studios Zoic, installés à Culver City, en Californie, ne manquent pas de ressources, ni d'expérience ; nous avons souvent abordé leurs travaux effectués sur les récentes séries de science-fiction. De Firefly à Terminator : The Sarah Connor Chronicles en passant par Battlestar Galactica et Caprica, les artistes de Zoic sont devenus des habitués de la petite lucarne. Le pilote de ce remake, tourné au printemps 2009 par Yves Simoneau (Les 4400, Assassin's Creed Lineage), contient 240 plans truqués. Leur élaboration a été confiée au superviseur des effets visuels Andrew Orloff (FlashForward, Fringe, Les Experts), qui partage le travail entre les deux studios de Zoic : celui de Vancouver s'occupe des décors virtuels et des plans tournés devant un fond vert, alors que le studio de Culver City, à Los Angeles, se voit attribuer la conception des vaisseaux spatiaux. C'est à ces derniers trucages que nous allons nous intéresser aujourd'hui...

Nouveaux effets pour série culte

Le remake suit étroitement l'histoire de la série originale. De gigantesques vaisseaux-mères extraterrestres apparaissent subitement au-dessus des grandes villes de la Terre. Les aliens, qui se font appeler "Les Visiteurs", semblent être identiques aux êtres humains. Ils prétendent être venus en paix, dans le but d'échanger des technologies de pointe contre des ressources énergétiques. Mais les Visiteurs ne sont pas ce qu'ils semblent être, et dissimulent des intentions sinistres... Dans la série originale, les effets spéciaux avaient été confiés au studio Pacific Title (Ben Hur) et représentaient une belle réussite pour une production télévisuelle de l'époque (quelques années seulement après la sortie de Star Wars !). En dépit des délais très courts et du faible budget disponible, les trucages visuels supervisés par David Stipes (Star Trek Enterprise) étaient dynamiques et impressionnants. Bien avant l'apparition des images de synthèse, les vaisseaux spatiaux nécessitaient évidemment la confection de maquettes, à sept échelles différentes (de 7,5 à 75 centimètres). La conception des modèles réduits était encadrée par Greg Jein (Dark Star, Rencontres du Troisième Type), alors que l'impressionnant vaisseau-mère avait été dessiné par Matthew Yuricich (Blade Runner, Die Hard). Le studio DreamQuest (Abyss, Waterworld) avait conçu les combats aériens, dont la plupart des plans servaient de stock-shots qui étaient amplement réutilisés au cours des épisodes de la série. Ces trucages nous paraissent désormais extraordinairement datés, mais ils sont su marquer de leur empreinte l'époque de leur diffusion. Comment leur rendre justice ? Vingt ans d'images de synthèse ont révolutionné l'usage des effets visuels, et leur impact sur les téléspectateurs en est forcément amoindri...

En hommage aux fans

Pour concevoir les vaisseaux mères, le superviseur des effets visuels, Andrew Orloff, travaille en étroite collaboration avec le réalisateur Yves Simoneau. « V a totalement enflammé mon imagination », confie Orloff, un véritable fan de la série culte. « L'idée que des extraterrestres débarquent comme les sauveurs de l'humanité et se révèlent être de véritables fascistes était géniale ! La série agit comme un miroir de notre société. Une bonne histoire de science-fiction ne consiste pas uniquement à montrer des technologies futuristes, loin de là.... Nous nous sommes donc beaucoup inspirés de la série originale ». Les gigantesques navires interstellaires restent l'une des images emblématiques de la série originale et représentent le supériorité technologique des Visiteurs. « Nous voulions que ces vaisseaux semblent réalistes, qu'ils obéissent à une certaine logique », précise Andrew Orloff. « Afin de créer une cohérence visuelle, nous avons imaginé en amont les spécificités et le design de la technologie extraterrestre. Comme nous avons été engagé avant même que le remake obtienne le feu vert, nous avons pu apporter nos idées de design et préparer une méthodologie pour les effets. Nous nous sommes fortement impliqués dans la direction artistique. A quoi devrait ressembler le nouveau vaisseau-mère ? Nous voulions vraiment rendre hommage à la série originale, tout en la modernisant. Il existe donc des similitudes dans le design des navettes et du vaisseau mère des deux séries. La configuration générale du navire rappelle la série originale. Bien sûr, notre forme est différente. Elle est beaucoup plus étoffée, mais les principaux traits du navire sont là. Je pense qu'une partie de la réussite du remake est de rendre hommage aux fans en conservant les spécificités visuelles de l'ancienne série... Du reste, nous avons utilisé des technologies bien plus modernes (rires) ! » Orloff crée l'imposant vaisseau spatial sur son ordinateur portable, sous Lightwave 3D, et prend en compte les avis de Simoneau et Scott Peters. Ils cherchent à élaborer un design « bizarre et menaçant », qui serait « émotionnellement percutant » lorsqu'il ferait sa monumentale première apparition à l'écran. Parce que le vaisseau-mère est lui-même est gigantesque, le modèle numérique utilisé pour représenter ce dernier est immense et très détaillé : il est composé par près de trois millions de polygones ! Il fourmille de détails, comme des lumières et des tours radios. Lorsqu'un vaisseau est aussi imposant, il faut être certain que les téléspectateurs se rendent compte de l'échelle. L'artiste Steve Graves (Fringe, Terminator : Sarah Connor Chronicles) se voit confier la tâche d'intégrer de nombreux éléments sur la coque, des détails qui contribuent à crédibiliser l'échelle du navire. « Nous nous sommes également inspirés des textures des matériaux composites recouvrant les avions furtifs, comme le SR-71 Blackbird et le B2. Nous avons estimé que ces textures rendait le vaisseau plus réel. Mais nous avons aussi voulu que le motif ne soit pas reconnaissable. Nous avons donc essayé plusieurs designs qui véhiculeraient le sentiment que cet OVNI ne vient vraiment pas de notre planète... » En raison des nombreuses heures de travail nécessaires à la confection du modèle numérique, le vaisseau-mère est initialement détaillé uniquement sous les angles montrés dans le pilote. Mais lorsque le réseau ABC décide de commander une saison complète, Steve Graves se voit obligé de compléter le modèle numérique...

Un vaisseau renversant

Le design du vaisseau-mère n'est pas le seul moyen de rendre inoubliable l'arrivée des Visiteurs. Alors que les habitants de Los Angeles se regroupent, craintifs, sous l'imposant croiseur spatial, le premier aperçu que nous en avons sont des reflets sur les fenêtres en verre d'un gratte-ciel. L'effet est relativement simple : Zoic a filmé des plans de vrais immeubles de Vancouver, leur a appliqué des texture de verre et a ajouté l'image reflétée sur la vitre. Le panorama de Vancouver est complété par des modèles numériques de gratte-ciels, tirés de la base de données de Zoic. Peu après cette première apparition, la surface ventrale du navire se modifie, provoquant la panique dans la foule rassemblée dans les rues de Los Angeles, qui craint une attaque imminente. En réalité, un gigantesque écran vidéo se déploie et projette une message pacifique du leader des Visiteurs. Après plusieurs cycles de pré-visualisations, Zoic décide de montrer cette transformation en utilisant un réseau de panneaux hexagonaux mobiles, disposés selon un motif de « peau de serpent ». « Dans le scénario, il était écrit que le vaisseau devait s'ouvrir, en quelque sorte, et que des panneaux se retourneraient pour révéler l'image d'un Visiteur », précise Andrew Orloff. « Il fallait donc imaginer précisément l'enchainement des évènements. Nous avons donc pensé à cette reconfiguration des panneaux. De larges pans de la coque se déplacent et finissent par recouvrir toute la surface. Puis un réseau de panneaux plus petits se retournent et se fondent en un gigantesque écran de projection. Nous avons dessiné tous ces mécanismes pendant la prévisualisation. Nous avons ensuite écrit des scripts pour Lightwave permettant le retournement à la volée de ces milliers de panneaux. Nous avons ajouté l'effet de miroitement pendant le compositing ». Et alors que tous les gens pensent que les extraterrestres vont utiliser une gigantesque arme de destruction, le visage d'Anna, la chef des Visiteurs, apparaît. « C'est une excellente idée, sur le plan dramatique ! On ne peut effectivement pas s'empêcher de penser à l'instant précédant la destruction de Los Angeles dans Independence Day (rires) ! » Cette transformation du vaisseau a été supervisée par Chris Zapara (Terminator: The Sarah Connor Chronicles, Pathfinder).

En toute transparence

Enfin, le pilote se termine par un impressionnant travelling arrière : la caméra part d'un gros plan du visage de la machiavélique Anna et recule jusqu'à montrer l'intégralité du vaisseau-mère surplombant Los Angeles. « Ce travelling s'est avéré être un plan très difficile à concevoir, d'un point de vue technique », précise Orloff. « Vous mixez un plan en mouvement tourné devant un fond vert, un plan – toujours en mouvement – d'un vaisseau spatial en images de synthèse, et une prise de vue réelle filmée par un hélicoptère survolant Manhattan. Nous avons passé beaucoup de temps à stabiliser l'image, faire le tracking (recréer les mouvements d'une caméra réelle dans une environnement virtuel) et fusionner les plans. Tout doit s'intégrer en toute transparence ! Le plan tourné par l'hélicoptère bougeait énormément ; il a fallu d'abord le stabiliser, ce qui a nécessité un certain temps. Nous avons dû ensuite repeindre des portions de l'arrière-plan afin d'obtenir suffisamment d'espace pour que le travelling arrière fasse apparaître le paysage en continu ! » Mais le travail de Zoic sur ce remake ne fait que commencer ! « Il est rare d'avoir l'occasion de redéfinir une série culte », ajoute Andrew Orloff. « Les artistes du studio Zoic ont mis tout leur cœur à l'ouvrage, et cela se voit sur l'écran ». La série a d'ailleurs été nommée à la prestigieuse cérémonie des Visual Effects Society Awards, dans les catégories des Meilleurs effets visuels et des Meilleurs environnements numériques. Des décors en images de synthèse dont nous parlerons prochainement... D'ici là, résistez aux Visiteurs !

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