Preview : Priest – Un western post-apocalyptique au pays des vampires
Article Cinéma du Lundi 20 Decembre 2010

Avec cette adaptation d'une bande-dessinée coréenne, la société de production Screen Gems prépare pour l'année prochaine un long-métrage atypique, à mi-chemin entre un film d'horreur, un western et un blockbuster SF regorgeant d'action. Les amateurs de surnaturel seront ravis de découvrir des vampires aussi véloces que monstrueux, contre lesquels les croix du « prêtre » du titre ne seront pas d'un grand secours. Coup de projecteur sur l'un des films fantastiques les plus prometteurs de 2011...

Par Pierre-Eric Salard



Bien avant d'être adapté à la sauce hollywoodienne, Priest est un « manhwa », autrement dit une bande-dessinée coréenne écrite et dessinée par Hyung Min-woo. Ce dernier a lancé sa carrière en 1994 grâce à la série Le Champion de Judo, avant de mêler western, fantasy et horreur en 1998 avec Priest. S'inspirant du jeu vidéo Blood (1997), qui mixait déjà l'ambiance des déserts de l'Ouest avec des thèmes surnaturels, Hyung Min-woo marque les esprits en composant un récit original illustré à l'aide de dessins aussi brutaux que gores. Si la publication de ce manhwa n'est pas terminée (seize tomes ont été pour l'instant édités), les éditions Tokebi se sont chargés de sa traduction française. Un âpre combat, qui se déroule dans un train parcourant une région ravagée de l'Ouest américain, représente le point de départ musclé d'une histoire hors-norme. Ce bain de sang inaugure les mésaventures d'un ancien prêtre, Ivan Isaacs, qui a vendu son âme afin de vaincre le mal (principalement constitué de zombies et d'anges déchus)... Le titre avait un temps intéressé un studio de développement de jeu vidéo, qui cherchait à l'adapter sous forme de jeu de rôle massivement multijoueur. Si ce projet fut avorté, Priest intéressa ensuite l'industrie hollywoodienne. Screen Gems, un studio qui n'est pas inconnu par les amateurs de cinéma de genre (Underworld, Ultraviolet, Hostel, L'Excorcisme d'Emily Rose, Ghosts of Mars...), se procure en 2006 les droits d'adaptation du manhwa. Le film obtient rapidement le feu vert, en vue d'une sortie en... 2008 ! Produit par Mike De Luca, Sam Raimi et Josh Donen, le scénario de Cory Goodman prend ses distances vis-à-vis du récit original... ce qui provoque naturellement la colère des fans de la bande dessinée ! Sur une Terre ravagée par une interminable guerre opposant les catholiques aux satanistes et aux vampires, un prêtre guerrier, qui se détourne des voies du Seigneur, fait équipe avec un jeune shérif et une prêtresse, afin de traquer la dangereuse bande de vampires qui a enlevée sa nièce. Alors que le rôle principal est rapidement attribué à Gerard Butler (300), la mise en scène est confiée à Andrew Douglas, qui a signé en 2005 le remake d'Amityville. Mais le projet ne donne plus aucun signe de vie jusqu'en 2008, lorsque Sam Raimi et Gerard Butler abandonnent la production. Ne retrouvant pas dans le scénario la trame du manhwa, les fans, qui préfèrent que le long-métrage soit enterré plutôt que de découvrir une énième histoire de chasseur de vampires, ne cachent pas leur joie. Si certains espèrent qu'une nouvelle adaptation, plus respectueuse du récit de la bande dessinée, verra le jour, leur réjouissance est de courte durée...

Univers parallèle

Début 2008, Screen Gems relance le développement du film en le confiant à Scott Charles Stewart, qui attaquait alors la production de son premier long-métrage, Legion. Cet ancien spécialiste en effets visuels a travaillé chez Industrial Light & Magic puis The Orphanage sur Superman Returns, Iron Man ou encore Harry Potter et le Coupe de Feu. Si Scott Stewart retouche le scénario, il ne s'agit toujours pas d'une adaptation littérale du manhwa. « Le script avait été écrit bien avant mon arrivée », précise Scott Stewart. « Lorsque j'ai découvert le scénario écrit par Cory Goodman, je me suis rendu compte que l'histoire était différente de la trame de la bande dessinée. Elle aurait pu se dérouler dans le futur du récit original, et cela me plaisait. Le studio désirant aller dans une autre direction, j'ai retravaillé le premier traitement. Mais le résultat, bien que plus proche de la science-fiction, est largement similaire. J'ai juste ajouté mon grain de sel aux relations des personnages et à la mythologie ». Les zombies, démons et autres anges déchus sont à nouveau remplacés par des vampires, et les évènements se déroulent non pas dans le vieil ouest, mais dans un univers parallèle. Les fans crient au scandale. « Ils seront peut-être rassurés d'apprendre que nous avons le soutien de Hyung Min-woo », ajoute le réalisateur. « Il n'est pas Alan Moore, après tout... » Rappelons que l'auteur des comics Watchmen avait refusé de participer au développement du film de Zack Snyder... Priest reprend ainsi certains éléments du manhwa, pour mieux les transcender. Dans l'univers du film, les hommes et les vampires luttent depuis la nuit des temps. Si les derniers sont plus forts et plus rapides, les humains peuvent compter sur les rayons du Soleil pour les protéger. Au fil du temps, les batailles se sont modernisées ; alors que des chevaliers en armure ont un temps sabrer les vampires, des soldats équipés de masques à gaz et de lance-flammes dignes de la Première Guerre Mondiale ont ultérieurement pris le relais. Puis les hommes construisirent de larges cités modernes, protégées par d'imposants murs d'enceinte et par le bras armé de l'Eglise. A l'abri de ces forteresses imprenables furent formés les Prêtres, de formidables guerriers qui exterminèrent – enfin ! – les vampires (les survivants étant enfermés dans des réserves). Ces soldats tentèrent ensuite de réintégrer la société... Jusqu'au jour où l'un d'entre-eux apprend que sa nièce a été enlevée par une secte de vampires dirigée par un prêtre sataniste, Black Hat !

Des créatures violentes

« Lorsque j'ai lu pour la première fois le scénario de Priest, que j'ai adoré, je ne pensais pas pouvoir ajouter quoi que ce soit au mythe des vampires », explique Scott Stewart. « Il existe tellement de films qui abordent ce sujet ! Les vampires sont à la mode. Mais j'étais certain de ne pas vouloir faire un film sensuel ; la série True Blood le fait déjà très bien. Et mes vampires n'allaient pas briller en plein jour, comme on peut le voir dans Twilight (rires) ! J'ai préféré me pencher sur les conséquences de la guerre, et les sacrifices qu'elle implique. L'histoire se déroule une génération après la fin de l'interminable guerre entre l'Homme et les vampires. Les Prêtres avaient alors été de véritables Chevaliers Jedi, apportant la paix dans un monde qui ne l'avait jamais connu. Or maintenant que les vampires ont été vaincus, la société est passée à autre chose. Les Prêtres ne sont plus des héros acclamés par la foule. Au contraire, on les traite comme des pestiférés ! On peut y voir une analogie avec les vétérans de la guerre du Vietnam, dont aucun soldat n'est revenu indemne. C'est le coeur du sujet de Priest. Les vampires ne sont qu'un élément de son univers. Alors quand l'un des Prêtres doit reprendre du service, que ressent-il ? Il doit forcément se demander si les sacrifices qu'il a accepté de faire ont été vains... On est donc loin des thématiques habituelles des films de vampires ! » Les créatures du film n'en jouent pas moins un rôle prépondérant. « Nous avons créé un ensemble de légendes à leur sujet. Les vampires sont très sauvages, et très violents. Ils vous arracheront la gorge sans aucune hésitation. Ils ne parlent pas. Ils ne sont absolument pas humains, et ne nous ressemblent pas. Ils sont plus proches des monstres de Je suis une Légende que des vampires sexy d'Entretien avec un vampire (rires) ! S'ils vous mordent, ils vous infectent... à condition qu'ils ne vous aient pas déjà réduits en morceaux. Si vous êtes infectés, vous deviendrez leur esclave, au teint cadavérique... mais pas l'un d'entre-eux ! D'ailleurs, les vampires ne sont pas joués par des comédiens, mais réalisés en images de synthèse. Mon expérience dans les effets visuels m'aide énormément à obtenir le résultat que je désire. J'ai pu engagé des artistes très talentueux, avec qui j'ai déjà travaillé ». Mais au-delà des créatures de la nuit, Priest bénéficie également d'un casting humain alléchant...

L'apocalypse en relief

Après avoir joué dans Legion, l'acteur Paul Bettany (Da Vinci Code) est à nouveau dirigé par Scott Charles Stewart. Il incarne le rôle principal du film. « Son jeu peut être très émouvant », s'enthousiasme le réalisateur. « Et il possède un visage étonnant ! Il comprend mon point de vue, ce qui permet de faciliter la direction d'acteurs. Nous partageons une passion pour Clint Eastwood et Steve McQueen. Il est très expansif, et pourtant il adore les héros silencieux au regard impénétrable. Que ce soit dans Legion ou dans Priest, nous avons fini par faire ce que faisait McQueen : supprimer un maximum de dialogues. Tout est dans son regard... » Mais Paul Bettany hésite avant d'accepter le rôle. « Je trouvais qu'il y avait déjà trop de films avec des vampires », explique l'acteur. « J'ai heureusement vite compris que nous n'abordions pas ce mythe de la même manière. Et puis c'est très excitant de jouer un chasseur de vampires dans un film d'action (rires) ». Karl Urban (Le Seigneur des Anneaux, Star Trek, Pathfinder) incarne Black Hat, le leader sataniste d’une meute de vampires... et accessoirement ancien Prêtre. « Black Hat a été capturé par les vampires et transformé en hybride », explique l'acteur. « Il représente le premier spécimen d'une nouvelle espèce, mi-vampire mi-humain. Il adore créer le chaos ! Comme si ce monde futuriste et post-apocalyptique n'en manquait pas... (rires) » Maggie Q (Mission : Impossible 3) interprète quant à elle la Prêtresse qui rejoint le héros dans son combat, alors que Stephen Moyer, qui joue le vampire Bill Compton dans la série True Blood, incarne cette fois-ci un chasseur de vampires ! Le casting est complété par Cam Gigandet (Twilight), Mädchen Amick (Californication, Twin Peaks), Christopher Plummer (L'Imaginarium du Docteur Parnassus) et Brad Dourif (Dune, Alien 4, Le Seigneur des Anneaux). Le tournage du film s'est déroule de septembre à novembre 2009, à Los Angeles. L'excellent Genndy Tartakovsky (Dexter's Laboratory, Samourai Jack, Clone Wars) s'est vu confier la réalisation d'un générique en animation 2D. « J'ai travaillé avec d'anciens animateurs des studios Disney », raconte ce dernier. « C'était très amusant de leur faire comprendre à quel point cette introduction devait être violente (rires) ! » Initialement prévue pour l'été 2010, la sortie du film fut maintes fois repoussée. Priest sortira finalement dans les salles françaises le 11 mai 2011 ! Afin de respecter la mode cinématographique, le film est actuellement en cours de conversion en 3D relief. « Priest a été tourné avec de vieilles caméras qu'avait utilisé Steven Spielberg au début de sa carrière », raconte l'acteur Karl Urban. « Les images possèdent une importante profondeur de champ ! Mais je crois que les premiers montages du film ont rassuré les producteurs, qui ont décidé d'offrir au film une sortie digne d'un blockbuster. Elle a donc été repoussée afin que cet OVNI cinématographiques puisse être transposé en 3D. Ils prennent le temps de soigner cette conversion. Tout le monde est très confiant... » Gageons que les honneurs accordés à Priest ne soient pas de vaines promesses. Si sur le papier – et pas seulement celui de la bande dessinée – ce récit post-apocalyptique, qui brasse tellement de genres différents, s'annonce enthousiasmant, espérons que le résultat ne ressemblera pas un chemin de croix...

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