Avatar version longue : Dans les coulisses de Weta Digital, septième partie - Rencontre exclusive avec Joe Letteri
Article Cinéma du Dimanche 16 Octobre 2022

A l'occasion de la ressortie d'Avatar au cinéma, et en attendant l'arrivée d'Avatar: La Voie de l'eau en décembre, nous vous proposons de redécouvrir ce dossier exclusif!

Retrouvez la précédente partie de ce dossier


Nous nous sommes rendus récemment de l’autre côté de la planète, à Wellington, en Nouvelle-Zélande, pour rencontrer l’équipe de Weta Digital qui venait d’achever les nouvelles séquences de la version longue d’Avatar sous la direction de James Cameron, du producteur Jon Landau et du superviseur des effets visuels Joe Letteri.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Entretien avec Joe Letteri, Superviseur des effets visuels d’Avatar et de la version longue du film

Vous qui avez travaillé à la fois chez ILM et chez Weta, quelles sont les différences qui existent entre les deux studios ?


En fait, il n’y a pas autant de différences que les gens ont tendance à l’imaginer. Les deux studios sont remplis de gens extrêmement créatifs, qui adorent le cinéma, et qui sont passionnés par ce qu’ils font. Je crois aussi que l’atmosphère est assez similaire. Bien sûr, tout dépend du projet sur lequel vous êtes en train de travailler. Quand la post-production d’un film porte sur des effets très spectaculaires et très complexes, tous les gens qui travaillent sur le projet sont surchargés de travail et cela a forcément un impact sur le moral, même si nous essayions de faire en sorte que tout le monde prenne du repos et ménage sa santé.

Qu’avez-vous appris sur l’utilisation du relief dans les effets visuels pendant la réalisation d’Avatar? En quoi est-ce que cela a remis en question des choses que vous saviez avant ?

Eh bien avant Avatar, il y avait tout une série de lois non écrites sur la manière supposée juste de tourner un film en relief. Mais contrairement à tous les théoriciens, ou aux gens qui n’ont tourné que des films courts, Jim Cameron a passé beaucoup de temps à tourner en 3-D relief avant de se lancer dans l’aventure d’Avatar, afin de se familiariser avec ce type de prises de vues, notamment pendant la création de ses documentaires. Ce faisant, il a découvert un certain nombre de choses qu’il a bien voulu partager avec nous. Et la principale a été de nous dire : « Il faut que vous réfléchissiez à la manière dont vos yeux fonctionnent pour appréhender la conception de n’importe quelle scène en relief. » Autrement dit, il faut toujours faire la netteté et établir la convergence relief vers un seul point, qui est l’endroit de l’image vers lequel on dirige l’attention du spectateur par le biais de la mise en scène. Si vous y réfléchissez c’est comme cela que nous fonctionnons tous dans la vie quotidienne. Et c’est ce que nous avons appliqué à la réalisation des plans du film. Cependant, il fallait penser aussi à ce que cela impliquait au montage, car il fallait assurer une transition confortable de plan en plan, et de profondeur de relief en profondeur de relief. Ce raisonnement affecte le moment du plan auquel vous allez couper pour passer au plan suivant, et cela influe aussi sur la longueur de chaque plan. L’un des plus grands changements apportés par cette démarche est cette réflexion sur le montage.

L’un des problèmes que l’on rencontre pendant la création de plans animés en relief, c’est que si les mouvements des personnages deviennent très rapides et donc flous, on perd complètement la perception du relief. Comment compensez-vous cela sur des personnages créés en synthèse ? Avez-vous tendance à limiter l’effet de flou des mouvements rapides ? Ralentissez-vous l’action ?

Dans certains cas extrêmes, nous limitons l’effet de flou pendant l’animation. Cela permet de mieux percevoir l’action, et de la rendre plus nette. C’est un choix stylistique, qui équivaut à changer la vitesse d’obturation sur la caméra. Cela peut provoquer des effets de saccades stroboscopiques, mais je crois que le public s’est habitué à ce type d’images depuis que Steven les a utilisées dans Il faut sauver le soldat Ryan.

Il doit exister une frontière assez fine entre un plan trop stroboscopique et un plan dans lequel l’effet de flou est trop accentué. Ce doit être un réglage subtil…

Oui. Mais l’effet stroboscopique ajoute une certaine énergie à la scène. Cela peut mettre l’action en valeur.

Pensez-vous que James Cameron soit tenté de revenir sur cette édition spéciale dans dix ou quinze ans pour la retoucher, comme George Lucas l’a fait pour Star Wars ?

Il faudrait poser directement la question à Jim, mais j’ai le sentiment que non, car il a vraiment fait aboutir son film comme il le voulait.

En tant que superviseur des effets visuels, avez-vous encore du temps pour créer des choses vous-même ? Ou êtes-vous contraint de vous consacrer uniquement à la supervision du travail de vos collaborateurs ?

J’essaie de faire les deux, et de concevoir certaines choses moi-même, comme certains designs.

Vous considérez-vous plus comme un technicien que comme un artiste ? Ou êtes-vous à la lisière des deux mondes ?

Je me trouve entre les deux. Quand j’étais jeune, ma formation a été plutôt orientée vers la technique, je voulais comprendre comment le monde fonctionnait. Savoir comment nous percevions les images, comprendre pourquoi les choses se produisent comme elles le font. Par la suite, il faut combiner tout cela à la compréhension de l’art de la narration et à la manière de faire naître des émotions. Si une histoire est formidable, mais que les personnages ne sont pas crédibles, cela ne marche pas. Et si vous créez de beaux effets pour un film dont l’intrigue est mal racontée, cela n’a aucun intérêt non plus.

Même si vous ne connaissez pas le contenu d’Avatar 2 & 3, travaillez-vous déjà sur le développement de nouvelles techniques, juste à titre prospectif ?

Oui, parce que nous essayons toujours de parfaire notre compréhension du monde et d’améliorer la manière dont nous pouvons le reproduire. Quel que soit le ou les films sur lesquels nous nous apprêtons à travailler, nous avons toujours des projets de recherches et de développement en cours, dans différents domaines. Certaines de ces recherches sont orientées dans des directions qui pourront nous être utiles pour créer tel ou tel aspect d’un projet futur, tandis que d’autres sont issues de nos propres envies de perfectionnement.

La dernière partie de notre entretien avec Joe Letteri sera publiée très prochainement sur ESI.

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