OCÉANOSAURES 3D : VOYAGE AU TEMPS DES DINOSAURES - Exclusif : Dans les coulisses du premier documentaire français réalisé en 3D relief pour le grand format- Seconde Partie
Article 3-D Relief du Dimanche 13 Mars 2011

[Retrouvez la première partie de ce dossier]


Entretien avec SYLVAIN GRAIN - Assistant Producteur & Assistant Réalisateur

Propos recueillis par Pascal Pinteau

Passionné depuis toujours d'images numériques et de relief, Sylvain Grain a pu, avec ce premier projet de long-métrage, concrétiser des rêves d'enfants qui ne l'ont jamais quittés.

Pourriez-vous décrire votre formation puis votre parcours professionnel ?


J’ai commencé mes études dans les Arts Appliqués à l’ENSAAMA Olivier de Serres. À l’époque, je m’intéressais au design et à la communication et j’adorais dessiner et fabriquer les maquettes en volume de mes projets d’école. Du coup j’ai commencé à étudier l’image de synthèse, convaincu que ça deviendrait un outil incontournable dans mon métier. Et puis j’ai intégré le département A.T.I. de l’Université Paris 8 et ça a été une révolution pour moi. J’y ai découvert le cinéma d’animation, le jeu vidéo, la réalité virtuelle, la création d’installations interactives, les effets spéciaux … Quatre années à apprendre et à expérimenter les arts et les technologies de l’image numérique et à m’ouvrir à de fantastiques domaines de création. J’y étais juste entré dans le but d’apprendre à modéliser mes maquettes en 3D et j’en suis sorti avec un milliard d’idées dans la tête et cette petite envie cachée de faire du cinéma qui commençait à me démanger.

D’où vous est venu votre intérêt pour la 3-D Relief ?

J’étais en dernière année de Master et je cherchais un sujet pour mon mémoire de fin d’études quand j’ai vu arriver dans notre laboratoire de recherche un écran 3D qui permettait de regarder une animation en 3D Relief sans utiliser de lunettes. J’ai trouvé ça tellement stupéfiant que j’ai commencé à m’intéresser à la stéréoscopie (le terme scientifique pour 3D Relief). Le problème c’est qu’on ne trouvait pas beaucoup d’informations sur ce sujet en 2006, en dehors de quelques vieux ouvrages américains et quelques sites internet amateurs, et peu de professionnels de l’image travaillaient dans ce domaine. Et c’est en rencontrant un réalisateur spécialisé dans les films stéréoscopiques, François Garnier, que j’ai vraiment commencé à me passionner pour ce sujet. Il m’a pris en stage dans sa société (AmaK) alors qu’il travaillait sur un film 4D pour le parc Vulcania, Le Réveil des Géants d’Auvergne. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé à travailler sur la postproduction de films destinés à des parcs d’attractions et des musées aux côtés de professionnels issus de sociétés pionnières comme Ex Machina et qui faisaient des films 3D Relief depuis plus de 15 ans : c’est un rêve réalisé ! Après 6 mois de stage et la rédaction de mon mémoire, j’avais attrapé le virus de la 3D Relief … et je n’en suis toujours pas guéri !

Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans le projet OcéanoSaures 3D?

En 2007, j’ai appris que la prochaine édition des E-Magiciens serait spécialement dédiée à la 3D Relief. Je connaissais bien ce grand événement dédié à la Création Numérique pour y avoir participé de nombreuses fois en tant qu’étudiant, et j’ai spontanément proposé aux organisateurs de leur créer une courte animation de leur logo en 3D Relief qui serait projetée au début de chaque séance. Tout chaud sorti d’école, je me suis alors retrouvé dans ce festival à côtoyer de grands réalisateurs et producteurs de films 3D Relief, dont un certain Pascal Vuong, venu présenter le teaser de son nouveau film, Sea Rex (titre anglais d’OcéanoSaures). On m’avait présenté le personnage comme étant un des pionniers de l’image de synthèse en France et un des spécialistes des films 3D, mais aussi comme un producteur un peu fou qui avait en tête de faire le premier film Imax 3D français. Il revenait d’ailleurs tout juste des États-Unis où il avait présenté son teaser au congrès annuel des professionnels du cinéma grand format. J’étais loin d’imaginer qu’il me proposerait un an plus tard de travailler sur son film… mais c'est peut-être parce qu’il a vu que j’étais un peu fou moi aussi !

Le gigantisme au cœur du projet

Quelles fonctions avez-vous occupées sur le film ?


Pascal m’avait initialement appelé pour travailler en tant que 1er assistant réalisateur et très rapidement je me suis également intéressé à la production. Pouvoir intervenir aussi bien sur des questions artistiques que sur l’organisation de la fabrication du film est extrêmement grisant, car ça donne l’impression d’être un capitaine à la barre de son navire, même si je n’étais que le second ! Par contre, ce que Pascal ne m’avait pas dit c’est que je devrais me former en accéléré à la paléontologie pour retenir les noms de toutes les créatures du film et être capable de comprendre ce que nous disaient nos conseillers scientifiques ! Et ça m’a été particulièrement utile pour gérer le suivi des séquences fabriquées dans les différents studios d’animation et pour superviser les différents graphistes indépendants que nous faisions travailler sur la création des animaux. Au final, je me suis retrouvé à faire le travail d’un directeur de production pour toute la partie CGI (images de synthèse), grâce à cette particularité des petites structures de production qui veut que chacun soit "multicasquettes". J’ai donc souvent enfilé mes gants d’infographiste pour travailler moi-même sur certains plans (animation de caméras, habillages graphiques, réglage de la stéréographie, effets visuels, etc.) et ça fait toujours plaisir de se dire que tel ou tel détail du film vient de vous.

Pourriez-vous nous rappeler les caractéristiques du format Imax 3-D ?

L’Imax, c’est d’abord de la très grande image, que l’on projette sur des écrans gigantesques, mesurant de 20 à 36m de base pour le plus grand (celui de Sydney), grâce à une pellicule géante, sur 15 perforations en 70 mm défilant horizontalement, dont les images sont 8 fois plus grandes que sur un négatif 35 mm traditionnel. Pour l’anecdote, la bobine d’un film comme OcéanoSaures, qui dure 40 minutes (la longueur standard des films Imax) mesure 4 km de long et pèse 120 kilos, qu’il faut bien sûr multiplier par deux puisque le film est en Imax 3D et qu’il faut une pellicule par œil ! Ce gigantisme impose donc nécessairement des contraintes et des exigences différentes de celles d’un film destiné aux salles de cinéma traditionnelles ou à la télévision.

Pour nos lecteurs qui n’auraient pas encore eu l’occasion de l’expérimenter, comment décririez-vous le "plus" qu’apporte un visionnage de film au format Imax 3D ?

L’Imax 3D c’est une expérience de cinéma unique, extrêmement immersive. Au-delà des aspects techniques, ce format implique une narration et une mise en scène bien spécifiques. Le rythme, le cadrage, le montage sont différents pour un film Imax et un long plan contemplatif qui pourrait paraître ennuyeux sur un petit écran peut au contraire être extrêmement puissant et captivant dans une salle Imax.

Quelles ont été les particularités du tournage en relief des prises de vues réelles ?

On ne pouvait pas envisager d’utiliser des caméras Imax 3D sur OcéanoSaures pour des raisons de budget, donc on a choisi de tourner toutes les prises de vue réelles avec des caméras RED qui nous permettaient d’obtenir des images numériques 4K, d’une résolution double de celle des caméras numériques standard. Chaque tournage a ensuite été une aventure et l’occasion d’utiliser du matériel de pointe. Pour filmer tous nos décors sous-marins en 2008 par exemple, une équipe est partie en Mer Rouge et nous avons pu utiliser le premier caisson de plongée adapté aux caméras RED, conçu et utilisé par Denis Lagrange, notre chef opérateur sous-marin qui avait notamment travaillé sur le film Océans de Jacques Perrin. En 2009, une équipe est partie à son tour en Nouvelle-Zélande pour des prises de vues aériennes de paysages. Pour compenser les mouvements et les vibrations de l’hélicoptère, les deux caméras RED ont été alors fixées à une tête gyrostabilisée télécommandée, la Libra. Cette tête avait été spécialement conçue pour les tournages de Peter Jackson et nous avons dû faire venir d’Australie l’un des deux seuls exemplaires existants à l’époque. De retour à Paris, tous les plans tournés en intérieur et en studio ont été faits avec un rig dit "à miroir" conçu par Alain Derobe, parfois déporté au bout d’une grue ou posé sur des rails de traveling. À une exception, puisque nous avons fait appel à un steadycamer français spécialisé dans les tournages 3D, Philippe Bordelais, pour une scène de reconstitution historique en costumes dans la cour de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort. Ce dernier est venu avec le prototype du Freestyle Rig, un nouveau module de caméra 3D en carbone de sa conception qui n’était pas encore sur le marché… et ils ont tous les deux survécu à la neige et aux -5°C que nous imposait le mois de janvier !

Au-delà des limites de la 3D

Quelles ont été les difficultés liées à la création des images de synthèse 3-D des animaux, pour un format géant comme celui-ci ?


Pour obtenir des images de nos animaux suffisamment définies une fois projetées sur écran géant, le point critique de leur fabrication a été le mapping. Après une première modélisation simple de chaque créature arrivaient deux étapes : la création des maps de couleur sur Photoshop et la création des "displacement maps" (qui donnent du relief aux surfaces) sur Zbrush. Pour optimiser le travail des graphistes tout en garantissant la meilleure définition à l’écran, la taille de chaque map était fixée sur la base du story-board et des animatiques, selon que l’animal était vu de près ou de loin dans sa séquence. Pour les héros du film, les maps ont ainsi parfois atteint 12K (c'est-à-dire des images gigantesques de 12000 pixels de large). Face à des fichiers aussi gros, les studios ont dû mettre en place des méthodes pour que les logiciels de 3D les supportent, mais ils ont aussi dû faire face à la taille des images finales au moment du calcul des plans. Tous les plans devaient être calculés en 3K et les fermes de rendu de chaque structure [les structures qui abritent les ordinateurs de calcul, fonctionnant en groupes. Ndlr] ont beaucoup chauffé pour sortir toutes les séquences en images de synthèse du film.

De quelle manière la postproduction d’OcéanoSaures 3D s'est-elle organisée ?

Tout s’est déroulé dans les locaux de la société N3D LAND Productions qui s’est équipée pour cette occasion en matériel et logiciels capables de supporter la postproduction en 4K du film. Les animaux en images de synthèse étaient fabriqués par des graphistes indépendants que je supervisais puis les modèles de chaque créature étaient fournis aux studios avec le story-board et les images de référence pour les décors. Les animations et les rendus étaient alors faits par les studios qui nous renvoyaient les images calculées de chaque plan. Armé d’une poignée de professionnels spécialistes de la postproduction de films 3D Relief et sous la supervision de Ronan Chapalain, N3D LAND a géré tout le reste, à savoir le derushage des images de tournages, le montage, l’étalonnage, les incrustations sur fond vert, le compositing des images de synthèse avec les images réelles, leur trucage et les effets spéciaux.

Quels sont les souvenirs les plus forts que vous garderez de cette production ?

Donner vie à un animal disparu a sans doute été l’une des choses les plus excitantes sur le film. Quand on suit toutes les étapes de création d’un personnage, depuis les premières références de squelettes jusqu’au visionnage de la séquence dans laquelle on découvre l’animal, intégré dans son décor, jouant son jeu d’acteur comme si on l’avait filmé dans son milieu naturel … c’est un peu le rêve de tout gamin qui s’invente des histoires en jouant avec ses figurines de dinosaures. Et puis il y a des petits plaisirs plus personnels. Comme je viens du graphisme et de l’image de synthèse, je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de participer à un tournage et je suis beaucoup plus sensible à la magie de l’image réelle. J’ai pris beaucoup de plaisir à participer aux repérages des décors pour les séquences avec comédiens par exemple. On visitait le Muséum d’Histoire Naturelle, l’Aquarium du Trocadéro et la Géode en recherchant les endroits qui correspondraient aux lieux jusque-là esquissés dans les cases du story-board et l’on sentait le film prendre vie encore un peu plus. Où alors au moment du visionnage des rushes du tournage en Nouvelle-Zélande. On découvrait des paysages magnifiques, sauvages, inconnus… et certains nous étaient très familiers puisqu’un certain Peter Jackson les avait aussi capturés pour le Seigneur des Anneaux ! C’était magique. Mais le souvenir le plus fort que je garde de la production reste la première fois que nous avons vu le film fini dans une salle Imax 3D. Il est difficile d’imaginer la force d’un film grand format tant qu'on ne l’a pas vu dans une vraie grande salle Imax et après un an et demi de production, nous nous sommes rendus à Londres pour assister à une projection-test du film dans l’immense salle du BFI (26 m de base). J’avais beau connaître chaque détail du film, je ne m’attendais vraiment pas à une telle claque visuelle et sonore. Après une telle expérience, on prend vraiment la mesure du travail accompli et l’on a qu’une seule envie : travailler sur un nouveau film !

Quels sont vos projets ?

Ayant pris goût à la production, je travaille aujourd’hui sur le développement de nouveaux films documentaires 3D à l’international avec Pascal Vuong et N3D LAND Productions. Mais je reste un grand passionné de la 3D Relief, donc quand l’occasion se présente je continue à superviser des films en tant que stéréographe tout en gardant dans mes tiroirs quelques envies comme celle d’écrire un livre sur l’histoire extraordinaire de la 3D Relief et celle pourquoi pas, un jour, de réaliser mon propre film en 3D.

La suite de ce dossier sera bientôt disponible sur ESI !

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