OCÉANOSAURES 3D : VOYAGE AU TEMPS DES DINOSAURES : Entretien exclusif avec PASCAL VUONG, réalisateur, auteur et producteur
Article 3-D Relief du Lundi 21 Mars 2011

Dans les coulisses du premier documentaire français réalisé en 3D relief pour le grand format – Troisième partie

[Retrouvez la première partie de ce dossier]


Propos recueillis par Pascal Pinteau

Diplômé en architecture de l’École des Beaux-Arts de Versailles, Pascal Vuong s’est forgé une solide réputation de réalisateur en France grâce à son premier court-métrage créé en images de synthèse, The Invisible Man in Blind Love qui a reçu le prix de la Meilleure œuvre de fiction au festival Imagina en 1991. Depuis, il a réalisé et produit plus de 60 projets en images de synthèse : films, publicités pour la télévision, identités visuelles, clips vidéo et présentations d’entreprise. OcéanoSaures 3D : Voyage au Temps des Dinosaures est son premier documentaire destiné aux cinémas grand format.

À quel âge vous êtes-vous rendu compte que vous vouliez travailler dans le cinéma ?

L'idée m'est venue au cours de mes études d'architecture commencées en 1978 à l'âge de 18 ans. Peut-être grâce à une matière enseignée à l'U.P.A. N°3 (Unité Pédagogique d'Architecture, ex-Beaux-Arts): la "Créativité"… Tout un programme! Parmi les différentes UV [ensemble de matières constituant une partie d'un examen universitaire. Ndlr] auxquelles on pouvait s'inscrire dans cette matière figurait "Cinéma & Vidéo". C'est en suivant cette initiation que j'ai réellement découvert le langage cinématographique, les grands auteurs (Welles, Ozu, Renoir…) et finalement ce qui fait du cinéma… le 7eart ! Dès lors, et jusqu'à l'obtention de mon diplôme d'architecte, mon intérêt pour le cinéma n'a fait que grandir. Du reste, je me souviens précisément du moment où j'ai envisagé sérieusement de devenir réalisateur : j'en ai fait part à mon frère aîné alors que nous sortions d'une séance de Ran d'Akira Kurosawa.

Pourriez-vous décrire votre formation puis votre parcours professionnel ?

Pendant mes études, j'avais réussi à décrocher un stage de décorateur à la SFP. Tout juste arrivé là-bas en juillet 83, je me suis retrouvé à concevoir l'ensemble des décors pour une série télévisée… de science-fiction ! Pour quelqu'un comme moi, "né" dans le cinéma entre La Guerre des Étoiles et Alien, concevoir non seulement le vaisseau spatial d'une série de SF, mais aussi tous les accessoires jusqu'à son train d'atterrissage (de 8 mètres de haut), c'était vraiment comme avoir gagné le jackpot ! L'année suivante, l’un de mes amis m'a suggéré de l'accompagner dans un stage d'initiation à l'Image de Synthèse 3D. "Un futur décorateur de cinéma se doit de s'intéresser à ces nouvelles images", m'avait-il dit pour me convaincre. C'est ainsi que Hervé Loizeau et moi-même avons commencé à travailler à la SOGITEC, filiale de Dassault spécialisée dans les simulateurs, et pionnière française en matière d'image de synthèse. C'était en 1984. Dès l'obtention de mon diplôme d'Architecte en juillet 1986, c'est encore Hervé Loizeau qui m'a proposé de le rejoindre à T.D.I. [Thomson Digital Image, filiale de Thomson spécialisée dans les simulateurs] pour modéliser en 3D les projets non construits de Le Corbusier. C'est ainsi que j'ai rencontré Jacques Barsac, le réalisateur d'une série documentaire sur le grand architecte qui devait sortir pour le Centenaire de sa naissance en 1987. Quelques petits projets de décors plus tard (fin 1988), je comptais parmi les premiers infographistes d'une toute nouvelle société de production d'Image de Synthèse, Ex Machina, née de la fusion de SOGITEC et de TDI. En février 1991, après 9 mois de travail intensif, mon premier court-métrage The Invisible Man In Blind Love a reçu le 1er Prix Fiction au Festival Imagina (Monaco), interrompant ainsi la série de prix remportés toutes les années précédentes par John Lasseter. Entièrement réalisé en Images de synthèse, mais en noir & blanc et avec de nombreux plans fixes, ce film "noir" de 4 minutes 30 très inspiré par le cinéma américain surprend alors, car j’avais voulu prouver qu’avec les nouvelles images, on pouvait aussi faire des films de facture classique.

Le succès de votre court-métrage vous a servi de tremplin…

Oui. Dès l'année suivante, ma carrière de réalisateur de films publicitaires a commencé grâce à l'engouement des agences pour les "nouvelles images". Par ailleurs, j'ai retrouvé Jacques Barsac avec lequel je co-réalise l'un des tout premiers documentaires tournés en HD, De Karnak à Louqsor présenté à l'Exposition Universelle de Séville. En 1993, c'est le court-métrage Stand by Me qui a été couronné à Imagina, cette fois dans la catégorie VideoClip. Inspiré par le personnage de Max Headroom, j'avais inventé un "faux" chanteur virtuel, en fait un véritable acteur masqué et costumé pour ressembler à s'y méprendre à un personnage 3D. Au cours des dix années suivantes, j’ai continué à tourner des clips et d'autres films, mais surtout, j'ai enchaîné les réalisations en publicité. Certaines ont fait sensation à leur sortie comme les films pour les voitures Seat avec Lara Croft, car à cette époque, le jeu Tomb Raider 2 remportait un succès colossal dans le monde entier. En 2002/2003, j’ai pris de la distance avec le monde publicitaire, car j’avais de plus en plus envie de devenir producteur pour travailler avec plus d’indépendance. C’est finalement en novembre 2004, que mes associés et moi-même avons fondé N3D LAND Productions – on peut d’ailleurs prononcer N3D LAND ou NED LAND, en hommage au harponneur de 20.000 lieues sous les mers de Jules Verne – alors que nous étions déjà lancés à corps perdu depuis 2 mois dans notre première grosse production, Monstres des abysses, un documentaire de 13 minutes en HD et 3D Relief.

Instruire et divertir

Comment ce premier projet était-il né ?


Il avait été développé avec la collaboration de l'Ifremer, l'Institut Océanographique et le Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, il s'agit d'embarquer le spectateur pour une plongée profonde (-6000 mètres) à la rencontre des créatures qui peuplent le territoire inexploré le plus vaste de notre planète : les abysses. Entièrement réalisé en images de synthèse, en full HD (1920 x 1080, 16/9) et en 3D (relief ou stéréoscopie), ce film bénéficiait d’un budget de près d'un million d’euros. Sa production s’est étalée sur deux ans, dont cinq mois de fabrication avec une équipe d'une dizaine de personnes en moyenne… il s'agissait d'un pari financier et technologique colossal pour N3D LAND Productions. Sorti en avant-première au Grand Rex durant le Festival Jules Verne Aventure en accompagnement du film en Imax 3D Aliens of the Deep de James Cameron, Monstres des abysses a été exploité plusieurs années dans différents aquariums et autres centres de culture scientifique dans le monde, comme Océanopolis à Brest, la Cité des Sciences à Paris, l'Aquarium de Gènes en Italie, ou l'Aquarium du Pacifique à Long Beach en Californie. Le pari de Monstres des abysses a finalement réussi, mais cette aventure n’a fait que préfigurer celle qu’a été OcéanoSaures 3D, car ce projet-là a été plus long et surtout beaucoup, beaucoup plus grand !

Quelles sont les caractéristiques de votre société de production ?

Depuis ses origines, N3D LAND Productions reprend à son compte la devise de Jules Verne : "Instruire et divertir". Spécialisée dans les films à caractère scientifique en 3D, notre société de production a bénéficié dès sa création de l'expérience conjointe de ses trois fondateurs : Ronan Chapalain, Monteur-truquiste sur Henry & Flame, Superviseur VFX et véritable pionnier du compositing 3D (relief) notamment à Ex Machina. Catherine Vuong, mon épouse, architecte DPLG et productrice, et moi-même. La gestion financière de projets aussi lourds que Monstres des abysses et OcéanoSaures 3D est une question de vie ou de mort, non seulement du projet, mais aussi de la société. N3D LAND Productions s’est bâtie sur ces trois expériences conjointes, chacune d'entre elles ayant été indispensable pour mener le moindre projet à son terme. Depuis peu, N3D LAND s'est dotée de "sang neuf" en la personne de Sylvain Grain qui, en dépit de sa relative jeunesse, est doté d'une grande et "longue" expérience en 3D. Cerise sur le gâteau, son expérience "transversale" (3D, mais aussi CGI, compositing, graphisme, direction de prod.) en font une recrue de premier choix. Résolument orientée vers la production (conception, financement, gestion de la réalisation et de la fabrication) et non pas vers la prestation de service (qui fabrique pour d'autres productions), N3D LAND s'est néanmoins équipée d'outils de postproduction pour subvenir à ses propres besoins. Il s'agit de 4 stations (3 PC et 1 MAC) bien "boostées" et d'un serveur sur lequel tournent des logiciels tout à fait "ordinaires" (Combustion, After Effects, Final Cut, Photoshop, …). Les atouts qui nous ont permis de pouvoir absorber en interne et gérer l'ensemble de la postproduction 3D d'un film Imax comme OcéanoSaures 3D, ce sont les méthodes extrêmement optimisées que nous avons développées et bien sûr, les compétences (encore rares) des personnes qui ont travaillé dessus. Benjamin Westercamp, formé chez N3D par Ronan, compte aujourd'hui parmi le peu d'experts en France en compositing 3D (CGI + prise de vue réelle). Hugo Barbier, chef-opérateur de formation, fort de plusieurs années d'expérience 3D chez Amak, est aujourd'hui certainement l'un des truquiste 3D les plus doués et les plus talentueux de France. Pascal Charpentier, superviseur VFX émérite de longue date (il a travaillé sur le Cinquième Élément de Luc Besson), compte parmi les quelques personnes de son expérience à pouvoir/vouloir mettre les "mains dans le cambouis". Franck Savorgnan, est notre Directeur de production – avec un grand "D" – des tournages 3D. Sans avoir participé directement à la postproduction, c'est dans une large mesure grâce à lui qu'elle a pu se dérouler dans les meilleures conditions possible. Il a conçu, encadré, géré et supervisé l'ensemble des tournages 3D d'une main de maître et les images livrées à la postproduction ont toujours été parfaites. En résumé, je dirais que N3D LAND Productions, c'est beaucoup d'expérience doublée d'un grand enthousiasme, entouré de personnes très compétentes, motivées et complémentaires sur des projets 3D toujours plus ambitieux.

La passion des dinosaures

Venons-en à la genèse du projet OcéanoSaures 3D : comment a-t-il débuté ?


C'était un jeudi et la salle était pleine de classes de scolaires. Les enfants étaient plutôt excités et l’on avait peine à percevoir les voix-off de notre film en relief qui passait là depuis quelques mois. Mais quel plaisir de voir avec quel enthousiasme ils "plongeaient" littéralement dans le film, avec quel délice ils se laissaient impressionner par nos créatures, poussant des cris, essayant de les attraper ou de les repousser. Curieusement, aux deux séances de Monstres des abysses auxquelles j'ai assisté ce jour-là, l'animal qui remportait le plus de suffrages (cris et mains tendues) n'était pas un des "rôles-titres". C'était plutôt le "dinosaure marin" très jaillissant qui clôturait le prologue et que l'on revoyait dans le générique de fin avec son nom, pour la plus grande satisfaction des spectateurs, petits et grands ; aucun des quelques adultes présents dans la salle, bien que moins démonstratifs que les écoliers n'avaient pu réfréner un mouvement de recul lors du jaillissement de la "Bête". L'invariable sourire amusé qui s'en suivait en disait tout autant que les exclamations des enfants. Plus tard, chaque fois que j'y suis retourné, choisissant exprès un jour de la semaine dans l'espoir d'impressionner la personne qui m'accompagnait, je retrouvais les mêmes classes de scolaires, la même ambiance et le "dinosaure marin" plébiscité par tous. Un succès confirmé par le livre d'or, à côté de l'endroit où l'on rend ses lunettes 3D : "Celui que j'ai bien aimé, c'est le dinosaure sous-marin, mais il fait un peu peur quand même !" . Ma décision était prise. Tout petit déjà, j'aimais les dinosaures ! Je dévorais tout ce qu'on pouvait trouver à l'époque sur le sujet, les volumes de "Tout l'Univers" s'ouvraient tout seuls sur les pages qui leur étaient consacrées. Quand on m'emmenait à la Galerie de Paléontologie, je faisais des détours pour garder "mes" animaux préférés pour la fin. Dans l'ordre croissant : le Diplodocus, l'Allosaure, l'Iguanodon et enfin, le Tyrannosaure Rex, le fameux "T-Rex" pour les fans du roi des dinosaures ! Mais quand j'ai appelé un éminent paléontologue du Muséum pour lui proposer d'être le conseiller scientifique de mon prochain film consacré aux "dinosaures marins", la réponse fut "fraîche" : "Si vous voulez faire un film sur ces animaux marins, commencez par ne pas les appeler des dinosaures !". Puis, se radoucissant un peu : "Ici, la spécialiste des reptiles marins du Mésozoïque, c'est Nathalie Bardet. Vous pouvez l'appeler de ma part". Il m'a fallu plusieurs réunions de travail avec cette jeune paléontologue pour "l'apprivoiser" et pour que je puisse me faire une idée "juste" de ce que furent ces animaux. J'avais bien essayé de me documenter avant de la rencontrer, mais impossible de trouver un livre sur ce sujet et les informations trouvées sur internet étaient fragmentaires et souvent contradictoires. Au contact de Nathalie, je découvrais toute la richesse de ce sujet pour le moins méconnu et me confortais dans mon projet d'en faire un film… Un film qui ferait revivre beaucoup d'animaux très impressionnants comme ceux qui me fascinaient quand j'étais petit… Un film qui raconterait, d'une façon tout à la fois didactique et spectaculaire, comment les reptiles ont régné "aussi" sur le milieu marin pendant la totalité de l'ère mésozoïque, soit 180 millions d'années. Un film pour la fabrication duquel on pourrait exercer tout notre savoir-faire en animation 3D mélangée à la prise de vue réelle… Un film en 15/70 (Imax) car, pour faire revivre ces géants des mers anciennes, quoi de mieux adapté qu'un écran de 600, de 700 voire plus de 1000 m2 comme celui de La Géode ! Je voulais aussi que ce film soit en relief : par leur morphologie allongée et leur aptitude à la nage sous-marine, ces animaux sont très propices aux effets de jaillissement et à l'immersion… Et enfin, je voulais que ce sujet si vaste – 180 millions d'années d'évolution ! – puisse être traité au moins sur 20 minutes. J’avais d’abord songé à l’intituler Les monstres des mers anciennes, mais c’était trop imprécis : les spectateurs pourraient se demander s’il s'agissait de poissons ou de pieuvres géantes, sans deviner quelle époque nous voulions évoquer. J’avais pensé aussi aux titres Les grands reptiles marins du mésozoïque – mais je craignais que certaines personnes ne se demandent si le Mésozoïque n’était pas un état africain – et Les grands reptiles marins de l'époque des dinosaures, qui avait le mérite d’être précis, juste, mais trop long ! Ce n’était pas assez percutant pour un titre de film Imax 3D ! Idéalement, il faudrait trouver un titre qui puisse évoquer les reptiles et le milieu marin, qui fasse référence à l'époque des dinosaures, mais sans utiliser le mot, qui soit facile à prononcer dans toutes les langues, et facile à retenir…C’est après avoir fait ce chemin que nous avons choisi Sea Rex (allusion au T-Rex, bien sûr) en anglais et OcéanoSaures 3D en français.

Quels sont les partenaires français qui se sont immédiatement investis dans le film ?

Le premier qui ait plongé immédiatement dans l'aventure est Franck Marchal, le producteur de la bande-son et compositeur de la musique. C'est lui qui avait signé celle de Monstres des abysses et l'idée de faire celle d'OcéanoSaures 3D, pour des salles Imax comme La Géode, avec une puissance de 21.000 Watts, l'a tout de suite enthousiasmé. Dès le premier teaser que nous avons produit au début de l'été 2006, Franck et sa société Comptoir du Son se sont investis dans le projet. Et le premier partenaire français qui ait investi financièrement dans le film est La Géode, dirigée par Laurent Dondey. Un investissement modeste au regard du budget final, mais indispensable à un des rares moments de la production où j'ai failli renoncer.

Comment la conception du script a-t-elle débuté ?

La conception du script a débuté dès mes premières réunions avec Nathalie Bardet fin 2005. Cependant, elle n'a cessé d'évoluer jusqu'au démarrage effectif de la production à l'automne 2008. D'année en année et plusieurs fois par an, en fait à chaque fois que je présentais le projet aux différents Congrès de la GSCA et à l'Euromax, je ressentais de plus en plus précisément la nécessité d'adapter mon film aux attentes des distributeurs et surtout des acheteurs (les représentants des exploitants de salles), pour la plupart nord-américains. Au-delà de leur intérêt toujours grandissant, il me fallait de trouver le "bon dosage" entre présenter une certaine originalité en apportant des innovations dans le traitement du sujet et suivre les canons du genre établis de longue date par les grands noms de ce cinéma pour écrans géants.

La suite de ce dossier sera bientôt disponible sur ESI !

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