REBEL MOON - PARTIE 1 : ENFANT DU FEU : Entretien avec Zack Snyder – 3ème partie
Article Cinéma du Vendredi 12 Janvier 2024

Par Pascal Pinteau

Des héros imparfaits

Les personnages principaux de REBEL MOON ont tous des défauts, des passés compliqués, des regrets et des opportunités de rédemption. Pourquoi vous êtes-vous abstenu de présenter des héros idéalistes au cœur pur ?


Vous n’avez pas encore vu le deuxième volet de l’histoire, n’est-ce pas ?

Non.

Dans l’épisode suivant, les arches narratives de ces personnages se développent, explorent de nouveaux territoires et leur permettent de vivre des expériences cathartiques. Cela enrichit le récit et ses enjeux. Contrairement aux héros au cœur pur dont vous parlez, des protagonistes qui ont fait des erreurs et perdu leurs illusions ont la possibilité de renaître, et de prendre un nouveau départ. Enfin, c’est mon point de vue ! La jeune Milius, incarnée par E.Duffy, a vécu une expérience traumatisante avec des soldats, mais n’a encore jamais livré une bataille aussi dangereuse et complexe que la confrontation avec l’imperium qui a lieu dans la deuxième partie de l’histoire…Je dirais que ce sont plutôt les villageois dans leur ensemble qui représentent la pureté et les nobles sentiments liés à la nature, tandis que les guerriers qui les protègent sont blasés parce que blessés par la vie.

Il semblerait que le budget total pour la première et la deuxième partie de REBEL MOON avoisine les 166 millions de dollars, soit 83 millions par film, ce qui est peu pour un space opera de cette ampleur visuelle. Même si vous ne pouvez probablement pas confirmer ces chiffres, pourriez-vous nous expliquer comment vous avez réussi à rester dans ce cadre budgétaire relativement bas ?

Effectivement, je ne peux pas commenter les chiffres que vous citez, car je ne suis même pas sûr de connaître le montant exact de notre budget ! Mais nous avons pu le rendre raisonnable pour plusieurs raisons. La première concerne le budget marketing du projet, réparti sur deux épisodes. La deuxième, c’est que tout ce qui a été conçu artistiquement et fabriqué – les costumes, les accessoires, les maquillages spéciaux, les décors, les modélisations 3D des vaisseaux, les créatures, les différents mondes – est utilisé dans les deux volets. Et la troisième, c’est la manière dont nous avons organisé les tournages : à chaque fois que nous nous installions dans un décor, nous y filmions toutes les scènes de l’épisode un, toutes les scènes de l’épisode deux, puis nous nous rendions sur un autre plateau ou dans un autre lieu extérieur. Nous ne revenions jamais en arrière, ce qui permettait de démonter le décor dont nous n’avions plus besoin pour en construire un autre, ou de libérer définitivement le plateau. Tout cela permet de réaliser énormément d’économies. Je dois ajouter aussi que mes équipes des effets visuels ont bien compris que je voulais que le budget de REBEL MOON reste raisonnable, parce que cela me permettait d’avoir plus de liberté. Plus un film devient coûteux, plus cela vous oblige à accepter des compromis, des décisions que l’on vous impose pour tenter de plaire – théoriquement – au plus grand nombre et avoir plus de chance de rentabiliser cet investissement.

Une icône française : Sofia Boutella

Pouvez-vous nous parler du choix de Sofia Boutella pour tenir le rôle principal de Kora ? Cela fait des années qu’elle nous impressionne en excellant dans de nombreux domaines…


Sofia est sensationnelle ! Vraiment incroyable. Je cherchais une actrice qui puisse vous faire deviner par son jeu le passé sombre et douloureux de Kora, même si au moment où on la découvre, on ignore encore ce qu’elle a vécu. Sofia a réussi à suggérer cela dans son interprétation dès les premiers essais, puis au cours des tests filmés, et de façon magistrale pendant le tournage. Je n’aurais pas pu trouver une meilleure partenaire pour donner vie à ce personnage : je l’adore ! Et en plus de tout cela, Sofia possède un don d’expression physique exceptionnel. Elle fait partie de l’élite mondiale des meilleures danseuses. Sofia est une athlète de haut niveau, et en plus, capable de pleurer en jouant une scène dramatique ! (rires) C’est stupéfiant d’avoir une telle sensibilité et autant de talents. Et grâce à son expérience de danseuse, je sais que je peux lui demander de tourner elle-même la plupart des scènes d’action, celles qui ne sont pas dangereuses, bien sûr, car dans ces cas-là, nous utilisons des doublures cascades qui font aussi des choses extraordinaires, mais avec d’autres compétences. Sofia a été en mesure de tourner l’essentiel des parties acrobatiques des combats, après avoir parfaitement mémorisé leurs chorégraphies. Elle travaille si bien, avec une telle discipline, que quand elle a joué ces scènes d’action, elle a réussi à faire absolument tout ce que je lui avais demandé. C’était une joie de la voir à l’oeuvre. Et l’une des choses qui m’a sidéré, c’est la précision de sa mémoire gestuelle dans l’espace. Quand il fallait changer un peu la chronologie d’un combat en ajoutant un nouveau bloc de chorégraphie au milieu des autres, il ne lui fallait que quelques secondes pour visionner et modifier tout cela dans sa tête. Elle se concentrait, puis me disait « OK, c’est bon », et elle tournait la nouvelle version de la scène sans commettre la moindre erreur. J’ai eu énormément de chance qu’elle participe au projet. Mon instinct la concernant était bon. Sans vouloir me jeter des fleurs, j’ai eu plusieurs fois dans ma carrière la chance de trouver les actrices et les acteurs parfaits pour tenir des rôles très exigeants, en termes de charisme, de jeu, de physique et de langage corporel. Et mes « sens d’araignée », comme dirait Peter Parker, ont été en alerte dès ma première rencontre avec Sofia ! (rires)

L’apport des prises de vues numériques

REBEL MOON est le deuxième film que vous tournez entièrement avec des caméras numériques après ARMY OF THE DEAD. Diriez-vous que la nouvelle génération de caméras digitales vous a permis de créer des images qui auraient été difficiles à obtenir en utilisant de la pellicule 35mm ? Notamment lorsque vous filmiez les décors extérieurs du village et du champ de blé, au crépuscule ?


Oui, très probablement. Cependant, je tiens à préciser que suis toujours un grand fan du 35mm et de ses caractéristiques ! Cela ne m’empêche pas d’aimer les nouvelles caméras numériques Red V-Raptor XL. Jared Land, le président de Red, est un ami proche, et il m’appelle à chaque fois qu’il a un nouveau prototype à me présenter. Je me réjouis d’avoir construit cette relation personnelle et professionnelle avec lui, et d’avoir pu progresser ainsi, en tentant d’accomplir de nouvelles choses dans mon travail. Il est certain que plusieurs séquences de REBEL MOON ont gagné à être filmées numériquement plutôt qu’en 35mm. Tourner en numérique permet d’être plus rapide, plus souple, et d’intégrer immédiatement les prises de vues dans la chaîne de création des effets visuels. Les caméras Red ont fonctionné parfaitement, sans jamais me laisser tomber au mauvais moment ! Et elles ont été totalement compatibles avec les nouveaux objectifs anamorphiques que nous avons créés. Plus le temps passe, plus je suis obsédé par le développement d’objectifs qui peuvent capter les ambiances lumineuses les plus faibles et les plus subtiles, comme le regard humain. Nous avons filmé de nombreuses scènes entre chien et loup en laissant le diaphragme complètement ouvert, et avons obtenu de superbes résultats, même dans ce format anamorphique, alors qu’habituellement cela crée des difficultés, avec des zones un peu plus claires au centre de l’image et plus foncées sur les côtés. Ces caméras numériques haut de gamme ont été les outils parfaits dont j’avais besoin pour filmer REBEL MOON. Cela étant dit, si un jour j’avais envie de réaliser un film d’auteur à petit budget, sans trucage, je pourrais tout à fait envisager de le tourner en 35mm.

Combiner tous les types de trucages

Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez mêlé trucages concrets réalisés devant les caméras et effets 3D dans les scènes avec Bennu la créature ailée, pendant le combat avec Harmada la femme-araignée, et pour créer Jimmy, le robot militaire auquel Anthony Hopkins prête sa voix en V.O. ?


Jena Malone joue Harmada la femme-araignée, face à Bae Doona, qui incarne Nemesis, la guerrière épéïste qui la combat. Une fois que Jena était maquillée et avait enfilé son costume organique, nous l’installions sur une plateforme roulante verte, de forme sphérique, qui pouvait pivoter à 360 degrés. Des cascadeurs portant des combinaisons et des gants verts manipulaient de longues tiges de bois pour représenter les bouts de ses pattes avant lui servant à attaquer, tandis que d’autres cascadeurs poussaient et tiraient la plateforme pour permettre à Jena / Harmada de se déplacer pendant le combat. Tout a été chorégraphié avec une grande précision. Jena, Bae et les cascadeurs ont réussi à se synchroniser parfaitement. C’était un ballet fascinant à observer. Jena est une excellente actrice. Non seulement elle a réussi à exprimer les émotions du personnage malgré l’épaisseur de son maquillage prosthétique, mais elle effectué aussi elle-même les actions du combat. Ensuite, pendant la postproduction, les cascadeurs et la plateforme ont été effacés et le reste du corps et les pattes d’Hamada ont été ajoutés et animés en 3D. Quand Staz Nair, qui tient le rôle de Tarak, a tourné les scènes avec le Bennu, nous avons utilisé des versions concrètes de certaines parties de l’animal : des têtes recouvertes de plumes, avec un bec articulé, qui étaient animées par un cascadeur & marionnettiste surnommé Spider, spécialiste de la manipulation de créatures. Nous avons construit aussi un support articulé en forme de fourche, une sorte de bras de grue sur lequel était monté une réplique du dos du Bennu, pour que Satz puisse sauter dessus et le chevaucher. Des machinistes soulevaient et faisaient bouger ce support devant un grand fond vert, et Staz, qui était sécurisé par des câbles, réagissait comme si le Bennu était en train de galoper ou de voler pour le désarçonner. Nous utilisions aussi de puissants ventilateurs pour simuler les déplacements aériens du Bennu dans cette scène où Tarak tente de le dompter. Après, tout a été complété par les animations numériques de l’animal, et par des paysages virtuels. C’est ce mélange d’effets concrets, de performances d’acteurs, de cascades, de trucages de plateau et d’animations 3D qui rend la scène crédible au final. Et en ce concerne Jimmy le robot, nous avons enregistré tous ses dialogues avec Anthony Hopkins avant le tournage. Ce sont les premières scènes du film sur lesquelles nous avons travaillées, en fait. J’ai décrit à Anthony les caractéristiques du personnage, le contexte des scènes, et lui ai montré les storyboards des séquences avant qu’il n’interprète ce texte. Ensuite, pendant le tournage, nous avons placé des enceintes sur le plateau pour permettre aux acteurs d’entendre les dialogues de Jimmy. On ne s’en rend pas forcément compte en voyant le film, mais ce robot est grand : il sensé mesurer 2 mètres. Nous avons donc fait appel à Dustin Ceithamer, qui a la même taille, pour le jouer sur le plateau. Dustin est un comédien et un mime qui a l’habitude de porter toutes sortes de costumes pour incarner des personnages imaginaires. Il écoutait attentivement les dialogues d’Anthony, puis calait sa gestuelle sur sa voix. C’était étrange de combiner les performances de deux comédiens pour jouer un seul personnage, mais le résultat est très plaisant.

Oui, Jimmy est un robot poétique et vraiment touchant.

Merci. Comme Dustin est également un excellent cascadeur, il a assuré aussi les scènes d’actions de Jimmy. Ses mouvements ont donc été transposés dans toutes les animations 3D du personnage, dans les deux volets de REBEL MOON.



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