Entretien exclusif avec Kevin Bacon, alias Sebastian Shaw dans X-Men le commencement - Seconde partie
Article Cinéma du Vendredi 17 Juin 2011

[Retrouvez la première partie de cet entretien]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous travaillé avec Matthew Vaughn sur votre personnage ? Quelles sont les idées que vous avez suggérées ?

Il s’agissait d’idées qui surgissaient au milieu d’une scène, par exemple sur la manière de communiquer une information au public. Dans certaines séquences, j’ai fait des suggestions à Matthew pour que les spectateurs puissent en apprendre plus sur mon personnage, sur son caractère, ses motivations, sur l’essence de sa personnalité. Nous avons passé un week end très agréable chez Matthew, avec Michael Fassbender et les scénaristes, pour écrire ensemble la confrontation entre Sebastian Shaw et Magneto. Cela nous a donné la possibilité d’établir tous ensemble ce que nos deux personnages recherchaient chez l’autre. Nous avons beaucoup travaillé sur le texte pour faire passer cela dans les dialogues, de la manière la plus éloquente possible. Bien sûr, Shaw et Magneto ont des pouvoirs surhumains, mais leurs personnalités sont animées par des passions humaines. C’est en fouillant dans les origines de ces passions que l’on élève le contenu émotionnel du film. Si nous nous contentions de multiplier les explosions et les scènes de combats avec des mutants qui bondissent partout, je ne crois pas que ce serait très intéressant, tout au moins pour moi, en tant que spectateur. Un film d’action et de pur divertissement ne vous touche que s’il est profondément enraciné dans les émotions des personnages.

Comment avez-vous trouvé une certaine réalité dans le personnage de Sebastian Shaw ? Quels petits détails de son comportement avez-vous inventés ?

Beaucoup. J’ai essayé d’exprimer par ma gestuelle ce qui se passe dans sa tête. Il pense que les mutants sont une espèce nouvelle et forment aussi une société à part. Il croit aussi que les humains ont juré leur perte. Son plan n’est pas basé sur un désir simpliste de conquérir le monde, comme ces méchants qui entortillent le bout de leurs moustaches en ricanant. Shaw est convaincu que les mutants sont destinés à devenir la race dominante, celle des nouveaux maîtres de l’humanité. C’est cela qui le motive dans le film. Et comme tout un chacun, il traverse de moments où il se sent confiant, sûr de lui, et d’autres où il a l’impression que les choses lui échappent totalement. Il se rattrape en utilisant ses dons de manipulation, et parvient à obtenir ce qu’il veut. Au-delà de cela, j’ai contribué à définir son apparence, le style de sa coiffure, sa démarche, sa voix, sa garde-robe. Je voulais faire de lui un américain. Même s’il parle quatre langue différentes au cours du film, je voulais suggérer que Shaw est un « self made man » venue d’une ville de Pennsylvanie fondée autour de l’industrie de l’acier, avec toute une population ouvrière qui travaille dans ces usines. Je voulais suggérer que Shaw avait gagné son premier million de dollars à 30 ans, et son premier milliard à 40, et qu’il symbolisait une partie du rêve américain…Matthew est très attaché à l’esthétique, au design. Il a été très spécifique sur le look de chacun des personnages, y compris Emma Frost. Le style visuel du film est très homogène à cause de cela. Je porte quatre ou cinq costumes au cours du film, qui ont tous un style bien précis. Tout cela est très amusant à concevoir et à mettre en place. La première fois que j’ai vu le décor de mon repaire, le club Hellfire, j’ai été impressionné par son design moderne très années soixante. Il se dégageait une atmosphère très particulière de cet endroit, qui m’a aidé à jouer mon personnage. Et ensuite, quand j’ai vu le décor intérieur de mon sous-marin, j’ai retrouvé le même style, les mêmes vibrations. J’ai trouvé que c’était une excellente décision artistique pour le film, comme tout le reste de cette démarche.

Ce doit être dur de décorer agréablement l’intérieur d’un sous-marin !

 (Kevin Bacon éclate de rire) Oui !! Mais le résultat est parfait. Il y a un petit téléviseur, un bureau avec un téléphone, et juste à côté, une boîte de cigares cubains, un petit détail qui m’a ravi étant donné le contexte du film, qui se déroule pendant la crise des missiles cubains ! (rires) Matthew et le chef décorateur ont fait un excellent travail.

Quels sont les rapports entre Sebastian Shaw et Emma Frost ? Et ceux qu’il a avec Magneto ?

Je crois qu’Emma est sa muse. Il est épris d’elle et de ses pouvoirs – elle est capable de lire les pensées – mais quand elle ne lui est plus d’aucune utilité, il n’hésite pas à l’échanger contre quelque chose qui l’intéresse davantage ! (rires) En ce qui concerne Magneto, les choses sont plus compliquées. Au début du film, on me voit aux côtés de Magneto, alors qu’il n’est qu’un petit garçon. Shaw éprouve quasiment des sentiments paternels pour ce gosse. Plus tard, un étrange « passage de relais » a lieu entre eux. Shaw retrouve beaucoup de sa propre personnalité en Magneto.

Avez-vous dû vous préparer physiquement pour tourner les scènes dans lesquelles vous utilisez vos pouvoirs ? Avez-vous dû faire certaines cascades ?

Non. Shaw n’a que très peu de choses à faire pour libérer ses pouvoirs, ce qui contribue à lui donner cette allure calme, cette détermination tranquille. Quand tout le monde bondit dans tous les sens pour se battre, il lui suffit d’un geste pour agir.

Comment avez-vous travaillé avec l’équipe des effets visuels et des effets spéciaux sur les scènes dans lesquelles Shaw utilise ses pouvoirs ?

L’équipe technique m’a montré des animatiques de ces scènes, pour me permettre de visualiser ce qu’elles allaient donner une fois traitées en post-production. Je pouvais donc voir exactement quel effet allait être ajouté, plan par plan. John Dykstra, qui est notre superviseur des effets visuels, est une légende dans le monde des trucages, un gourou ! (J.Dykstra a supervisé les effets de Star Wars à ses débuts, NDLR.) John était présent tous les jours, du matin jusqu’au soir, pour nous expliquer ce qu’il fallait faire, tout en restant constamment à notre écoute. Il venait vers moi et me disait, par exemple « Je ne sais pas si cela vous ira, mais nous avons pensé qu’à ce moment-là, vous vous concentrez pour absorber de l’énergie, et que vous la libérez sous la forme d’une petite sphère de lumière… » John ne me disait jamais comment il fallait que je joue, il était extrêmement respectueux du travail des acteurs, et totalement ouvert à nos suggestions. John Dykstra, Matthew Vaughn, et le superviseur des cascades convenaient ensemble de la manière dont les cascadeurs présents sur le plateau devaient simuler l’impact des pouvoirs de Shaw. Les effets dont nous parlions étaient tellement abstraits que c’était très utile d’avoir toujours des animatiques de ces plans à disposition, afin que tout le monde sache exactement à quoi la scène finale ressemblerait. Nous partagions tous la même vision. J’ai déjà vu des scènes de X-Men, le commencement qui m’ont beaucoup plu, mais encore aucune avec les effets visuels intégrés dans les prises de vues réelles. Ce sera très amusant à découvrir.

Une fois que votre personnage a aborbé de l’énergie, comment s’en sert t’il ?

Il la renvoie à la personne qu’il veut éliminer, la plupart du temps sous la forme d’une décharge lumineuse très puissante, comme une explosion contrôlée.

Fallait-il que vous gardiez en tête le fait que le film se déroule dans les années 60 quand vous jouiez le personnage, afin que votre comportement et vos éventuelles improvisations de dialogues correspondent bien à cette époque ?

Oui, il fallait que je sois attentif, et que j’évite d’utiliser des termes ou des jurons trop actuels, mais l’univers visuel du film est tellement ancré dans les années soixante que cela m’aidait beaucoup à me sentir transporté à cette époque. Cela dit, je ne voulais pas non plus faire des efforts pour employer délibérément des expressions datées, comme Austin Powers ! (rires) Je ne voulais pas risquer de tomber dans le ridicule.

Est-ce un cliché, ou est-ce réellement amusant de jouer un rôle de méchant bien écrit dans un film ?

Oui, si le personnage est compliqué, nuancé, intéressant. Je n’ai jamais rechigné à incarner des méchants au cours de ma carrière, j’en ai même joué beaucoup ! Mais je m’attache d’abord à la qualité de l’écriture du script, à la qualité du personnage en lui-même. Jouer un héros peut être tout aussi excitant. Il arrive cependant que les auteurs s’amusent un peu plus en écrivant les scènes avec les méchants qu’ils ne le font en s’occupant des héros, comme s’ils se défoulaient en sachant qu’un sale type peut tout se permettre ! Si le héros est un peu trop convenu, la responsabilité d’un acteur entre en jeu : quand c’est nécessaire, il faut qu’il travaille avec le réalisateur pour rendre son personnage plus complexe, plus mystérieux. Mais loin de moi l’idée de me plaindre : que j’incarne un méchant ou un héros, j’ai l’immense chance d’exercer un métier fantastique !

 
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