Un acteur du tonnerre : Entretien exclusif avec Thor, alias Chris Hemsworth
Article Cinéma du Lundi 27 Juin 2011

Né à Melbourne, en 1983, Chris Hemsworth a débuté en apparaissant dans plusieurs séries télévisées australiennes. En 2009, il fait ses débuts sur le grand écran en incarnant George Kirk, le père du futur capitaine du vaisseau Enterprise, dans le prologue du STAR TREK de J.J. Abrams. La même année, il apparaît aussi dans ESCAPADE FATALE, aux côtés de Milla Jovovich parmi le groupe de touristes traqués par des tueurs dans les décors paradisiaques d’Hawaï. En 2010, il accède aux premiers rôles dans le thriller policier CA$H, en donnant la réplique à Sean Bean. C’est alors que les studios Marvel et Kenneth Branagh lui confient le rôle du dieu du tonnerre dans THOR, l’adaptation de la bande dessinée créée en 1962 par Stan Lee et Jack Kirby. Pour ce jeune acteur de talent, c’est l’occasion de faire des étincelles dans ce rôle !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Connaissiez-vous déjà les bandes dessinées de Thor avant de participer aux auditions pour ce film ?

Pas très bien. Je savais que cette bande dessinée existait, mais je ne l’avais jamais lue en détail. Je connaissais juste un peu le personnage, et je savais qu’il s’agissait d’un dieu et que ses aventures étaient basées sur la mythologie nordique.

Quelles sont les opportunités qui vous attiraient particulièrement dans ce projet ?

Le talent des gens qui se sont impliqués dans la création du film. Kenneth Branagh, Anthony Hopkins, Nathalie Portman…Ce sont des artistes que j’admirais depuis des années. La perspective de travailler avec eux était sensationnelle. Et l’histoire rendait un bel hommage aux 50 ans d’existence du personnage, et à toute sa saga dans les comics. Cette ambiance de mythologie nordique et cette transposition du monde des vikings était fascinante. Et j’adore les films fantastiques !

Comment vous êtes-vous préparé pour cette audition ?

On ne nous a pas laissé lire le script avant les auditions, car la préparation du film se faisait dans le plus grand secret. Aucun détail ne devait filtrer. Je ne savais donc pas grand’chose sur le personnage, mais je crois que j’ai trouvé instinctivement la bonne manière de jouer la scène que l’on nous a remise un peu avant l’audition. Kenneth Branagh m’a donné quelques indications succinctes sur Thor, mais dans cette atmosphère de secret, ce n’était pas évident de trouver des points de repères.

Que vous a t’il dit pour vous guider ?

Cela remonte à presque trois ans maintenant…donc c’est un peu vague comme souvenir, mais Ken m’a incité à injecter de la réalité tangible, puisée dans ma propre expérience, dans le rôle et de m’en servir pour dire naturellement mes répliques,  plutôt que d’essayer d’incarner un dieu de manière théâtrale. Il m’a poussé à chercher en moi comment j’aurais pu réagir si j’étais le personnage dans ces scènes particulières, qu’il s’agisse des échanges entre père et fils ou entre frères. C’étaient des conseils judicieux, et pleins de bon sens.

Quelle a été votre première vision du personnage, les premières références que vous aviez en tête pour l’incarner ?

J’ai pensé que c’était une ébauche de héros, un garçon orgueilleux et trop sûr de lui, qui avait besoin de traverser quelques épreuves et de tomber de son piédestal pour se remettre en question. Thor est à la fois un prince et un jeune guerrier brutal, qui manque encore de finesse. Mais les évènements se précipitent autour de lui, et la punition que lui impose son père - son bannissement sur terre – va devenir la meilleure chose qui lui soit arrivé de toute sa vie !

Comment avez-vous appris que vous aviez été choisi ?

J’étais en plein tournage, sur un autre film, et le samedi matin, Kenneth Branagh, Kevin Feige, le patron des studios Marvel, et les producteurs m’ont appelé tous ensemble pour m’annoncer la bonne nouvelle. J’étais complètement sidéré. Moi qui étais habitué à jouer de petits rôles dans quelques scènes, je me retrouvais brusquement propulsé à la tête d’une superproduction, dans le rôle d’un personnage culte des comics. J’ai eu l’impression de rêver tant cette expérience me semblait surréaliste, irréelle, et j’ai eu ce sentiment pendant plusieurs jours. Je n’arrivais pas à y croire ! Et je dois qu’aujourd’hui encore, je me pince en pensant à ce qui m’est arrivé ! C’est extraordinaire.

Comment vous êtes-vous préparé physiquement et comment avez-vous travaillé votre rôle ?

J’ai dû suivre un entraînement physique assez rigoureux, pour me muscler énormément. J’ai donc passé huit mois dans des gymnases, à soulever des haltères, à courir sur des tapis et à faire de la gymnastique. Il fallait aussi que je mange beaucoup de protéines, et que je suive un régime alimentaire très strict. En ce qui concerne la préparation pour le rôle, j’ai lu beaucoup d’aventures de Thor, de toutes les époques des comics. J’ai lu aussi des ouvrages sur la mythologie nordique, les dieux d’Asgaard, leurs histoires, leurs pouvoirs, ainsi que plusieurs livres consacrés aux Vikings, à leur vie quotidienne, leurs rituels, leurs traditions. Cela m’a permis de mieux comprendre leur conception hédoniste de la vie, leur mentalité. A partir de là, a débuté un processus évolutif avec Ken, et avec tous les autres acteurs du film. Nous avons exploré les motivations et les sentiments des personnages, échangé des idées, et progressé tous ensemble. Ken, qui est un metteur en scène remarquable, connaît d’autant mieux les acteurs qu’il est un des meilleurs comédiens actuels.  Il a veillé à ce que nous ayons du temps pour bien répéter les scènes avant le tournage, et nous a encouragé à faire des suggestions, quitte à modifier les dialogues ou à ajouter certains éléments aux scènes déjà écrites. Mais nous n’avons pas changé beaucoup de choses car le script était excellent. Il était évident qu’il avait été énormément travaillé et réécrit, et que chaque scène, chaque réplique avait été mûrement réfléchie.

Avez-vous travaillé avec Kenneth Branagh sur le « langage physique » de Thor, afin d’évoquer sa gestuelle particulière dans les comics, notamment lorsqu’il combat et lance son fameux marteau, Mjolnir ?

Absolument ! Ken et moi avons bien observé les poses de Thor dans les BDs afin de les imiter dans le film. Nous sommes restés très fidèles aux postures qu’adopte Thor lorsqu’il se bat, ce qui n’était pas toujours facile, car il fallait reproduire en mouvement les images figées de la BD, tout en conservant le même dynamisme. Et bien souvent , les dessinateurs exagèrent les perspectives ou déforment l’anatomie des personnages pour décupler l’impact visuel de leurs planches de BD. Nous voulions faire plaisir aux fans et respecter scrupuleusement l’esprit de la BD originale. Toute l’équipe des cascades a suivi la même démarche, et en reconstituant geste par geste les attitudes de la BD, nous avons mis au point notre propre chorégraphie de combat.

Quelles sont les caractéristiques de Thor que vous avez appréciées quand vous avez lu ses aventures dans les comics ?

Thor est bien sûr un personnage imposant de par sa puissance, et la force de son caractère. C’est un prince venu d’un autre monde, d’un autre univers. Il a le monde d’Asgaard à ses pieds, et cette situation de privilégié le rend arrogant. Il croit que tout lui est dû. Parallèlement, lorsqu’il retire sa carapace de guerrier viking, il a également une âme noble et un bon cœur. C’est encore un jeune homme qui essaie de s’accomplir en tant qu’homme. Ce film raconte la naissance d’un héros, et nous suivons Thor au cours du voyage qu’il entreprend et qui va le changer à jamais.

Pouvez-vous nous parle de votre collaboration avec les équipes des effets spéciaux et des effets visuels pendant le tournage des scènes dans lesquelles Thor utilise ses pouvoirs ?

Avec plaisir. Nous avons eu la chance de tourner les scènes de batailles dans d’énormes décors, très impressionnants. Il n’y avait que peu d’endroits où les environnements étaient suggérés devant un fond vert. Au cours de ces séquences de batailles, les guerriers accomplissent des exploits physiques que de pauvres acteurs humains seraient bien incapables de simuler sans l’aide de l’équipe des effets spéciaux ! (rires) Certains acteurs sensés manipuler des armes énormes ne tenaient en fait que le manche de l’arme : le reste allait être ajouté en post-production par l’équipe des effets visuels. Je dois dire que les experts des trucages nous ont laissés assez libres de nous battre comme nous l’entendions, sans entraver notre jeu d’acteurs. Ils ont rajouté beaucoup d’armes en post-production, créé des dégâts colossaux qui n’étaient que suggérés sur le plateau, fait voler des ennemis qui venaient de recevoir un coup, et ainsi de suite… Comme Thor bondit, j’ai été suspendu par des câbles reliés à un harnais que je portais sous mon costume. C’était vraiment amusant à faire, je dois dire. J’avais l’impression d’être devenu acrobate de foire, et de me produire devant tout un public ! Je faisais semblant de prendre de l’élan, et hop, avec les câbles, j’étais soulevé à 30 mètres du sol, je tournais sur moi-même et j’atterrissais à l’autre bout du plateau ! C’était assez grisant et j’ai tourné ces scènes de bonds avec grand plaisir.

Lanciez-vous un véritable marteau, ou mimiez-vous seulement le geste, afin que l’on rajoute un marteau en images de synthèse par la suite ?

Dans certains cas, je faisais semblant de lancer le marteau, car il allait être créé en 3D, mais dans la plupart des plans, je les lançais vraiment. Je dis « les » parce que le département des costumes et des accessoires avait fabriqué de très nombreuses répliques de Mjolnir. Le plus dur était de lancer le marteau avec assez de précision pour ne pas fracasser les équipements de la caméra ! (rires) Dans la plupart des cas, je n’ai pas raté ma cible. (rires)

Dans la plupart des cas ? Cela veut dire que vous avez quelques vraies destructions à votre actif ?

Hélas oui ! (rires) Pourquoi croyez-vous que le film a coûté si cher ?! (rires)

Comment votre costume a t’il été créé ? On a certainement dû prendre des empreintes de votre tête et de votre corps pour le sculpter…

Oui, c’est ainsi que le processus a débuté. Alexandra Byrne, notre chef costumière, a supervisé les différentes étapes du moulage et de la fabrication de répliques de ma tête et de mon corps. Des sculpteurs ont ensuite modelé les volumes des éléments du costume sur ces moulages, d’après les dessins d’Alexandra. Puis ces sculptures ont été moulées à leur tour pour que l’on puisse fabriquer les différentes parties de la tenue. Il y a eu ensuite toute une phase d’ajustements, de modifications, d’améliorations avant d’arriver à la version définitive de toutes les pièces du costume. Il me fallait à peu près une heure pour enfiler toutes les différentes couches et sous-couches de la tenue, et toutes les parties, des bottes à la cape en passant par le plastron.  Et à la fin de la journée de tournage, il fallait une autre heure pour tout retirer, à la manière d’un jeu de construction que l’on démonte !

Comment avez-vous réagi en vous voyant pour la première fois dans un miroir, revêtu du costume ?

J’étais tellement impressionné que j’ai juste dit « woah ! » (rires) C’était une image vraiment étonnante : cette silhouette noire très graphique, qui se découpait sur le fond rouge de la cape…Je me souviens du jour où Anthony Hopkins et moi nous sommes retrouvés pour la première fois sur le plateau revêtus de nos costumes de dieux nordiques. Juste avant que nous ne nous mettions à tourner, Anthony s’est penché vers moi, l’œil malicieux, et m’a dit « Wow ! Quand on porte des costumes aussi beaux, une grosse partie de notre travail d’acteur est déjà faite ! » (rires)

Avez-vous essayé plusieurs versions très différentes du costume, de la cape et du casque, ou était-ce davantage des retouches du concept de base ?

Kenneth et son équipe avaient déjà travaillé pendant deux ans sur la pré-production du film avant que je ne sois choisi pour incarner Thor. Quand je suis arrivé, ils avaient déjà déterminé l’aspect définitif du costume que j’allais porter. J’ai vu quelques versions légèrement différentes du même costume, mais en dehors de petites modifications, ces ajustements avaient essentiellement pour but de me permettre de bouger plus librement dans la tenue.

Comment enfiliez-vous le costume, élément par élément ?

Il y avait un justaucorps avec des fixations pour les autres éléments, afin que tout reste bien en place, puis un plastron, les pantalons, puis les bottes, les accessoires servant à fixer les armes, puis la cape. Le costume a l’air relativement simple quand on le voit, mais en fait, il est composé de très nombreux éléments qui s’accrochent solidement les uns aux autres. Tout est conçu pour résister à de grands gestes rapides.

Est-il très lourd ?

Oui, très lourd. Entre 20 et 25 kilos. M’habiller le matin, c’était déjà une séance de gymnastique en soi, quand il fallait soulever cette tenue ! (rires)

Pouviez-vous bouger correctement pendant les scènes de bataille ?

Quelquefois…Le costume étant partiellement moulé en mousse de latex collée sur un tissu élastique, on n’est « au repos » qu’en position droite, les bras le long du corps. Dès que l’on fait un geste, il se crée des tensions qui permettent au costume de garder un bel aspect, mais contre lesquelles vous devez lutter. Plus vous levez les bras, plus la tension est forte. Les premières fois, j’étais exténué après quelques prises. Mais à force de faire des efforts, j’ai développé les muscles dont j’avais besoin pour « lutter contre la matière » ! Dans certains plans, quand on me voit le train de transpirer et de me battre contre mes adversaires, en réalité, je me bats contre le costume ! (rires) C’était mon ennemi le plus farouche et le plus difficile à affronter !

Comment s’est passé votre collaboration avec Anthony Hopkins, qui incarne Odin, le père de Thor ?

Oh, Anthony a été formidable. Quand on aime le cinéma et le métier d’acteur, on rêve forcément de jouer un jour avec lui. Et j’ai eu la chance que cela m’arrive. Il a été d’une générosité et d’une gentillesse remarquable, toujours ouvert à toutes les formes de collaboration. Il avait chaque jour le même enthousiasme que j’avais ressenti pendant ma première journée de tournage. Dans la vie de tous les jours, sur un plateau, Anthony se comporte très simplement, comme n’importe quel membre de l’équipe, sans jamais tenir compte de son statut d’immense acteur respecté de tous et anobli par la reine. D’ailleurs, si quelqu’un s’avise de l’appeler « Sir Anthony », il le reprend tout de suite en disant doucement « Appelez-moi Tony, s’il vous plaît. »  Il adore le cinéma, a une véritable passion pour son métier, et il était ravi de se retrouver là, sur ces immenses plateaux, revêtu de son costume, avec son bandeau sur l’œil, pour incarner Odin ! Cette énergie, cette joie de jouer était communicative. L’atmosphère était excellente sur le plateau.

Comment avez-vous travaillé sur la relation père-fils ?

Je crois que nous avons puisé chacun dans nos expériences personnelles, d’une certaine manière. Nous avons répété longuement ensemble et appris à jouer en étant à l’aise l’un avec l’autre, en explorant les différentes facettes des personnages et des scènes. Et Ken était toujours là pour nous suggérer des choses, pour nous guider, pour nous encourager à aller plus loin, jusqu’au bout de nos idées.

Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné en jouant avec Anthony Hopkins ?

La puissance dramatique qu’il est capable de dégager en un clin d’œil. Je me souviens du tournage d’une scène pendant laquelle Odin et Thor sont en train de se disputer assez violemment. Anthony a joué la scène en étant en colère, et c’était impressionnant. Tout le monde pensait que c’était parfait, mais Kenneth Branagh est venu lui chuchoter quelque chose à l’oreille. Nous avons tourné immédiatement une autre prise, et Anthony l’a joué différemment, en y mettant énormément d’émotion, de rage et de dépit. Nous étions tous tellement saisis par son interprétation, que toutes les personnes présentes sur le plateau ont applaudi à la fin de la scène, et que beaucoup avaient les larmes aux yeux. C’était extraordinaire. J’ai demandé à Ken ce qu’il lui avait murmuré: il lui avait dit « Laisse ses reproches t’affecter ».

Vous êtes-vous inspiré de certaines comédies romantiques des années 30 / 40 comme  NEW YORK MIAMI , pour jouer les scènes dans lesquelles les répliques cinglantes fusent entre Thor et Jane Foster, que joue Nathalie Portman ?

Peut-être avons-nous songé à ces films, sans nous en rendre compte. Cela dit, les dialogues étaient déjà très drôles et très bien écrits tels quels dans le script. Il nous suffisait de les dire sincèrement pour que les éléments drôles de la scène fonctionnent bien. Ken a un excellent sens du tempo comique, et Nathalie a un grand sens de l’humour. Nous nous sommes beaucoup amusés à jouer cela.  Dans un grand film d’action comme Thor, je crois que le public s’attend à ce que certaines scènes soient teintées d’humour.

Comment avez-vous travaillé avec Tom Hiddleston sur la relation d’amour et de haine qui existe entre Thor et son frère Loki ?

Eh bien, nous avons beaucoup répété ensemble, car la plupart de mes scènes principales se passent avec Tom. Nous nous sommes beaucoup vus pendant et après les journées de tournage, car lui étant anglais et moi australien, nous étions tous les deux déracinés en Californie ! Nous avons appris à bien nous connaître et comme nous avons tous les deux des frères, Tom et moi savons très bien comment une fratrie peut être aussi agaçante que merveilleuse ! (rires) Nous avons vécu tout ce qui se passe quand des garçons grandissent ensemble, au moment où leurs ego prennent de plus en plus de place dans la maison familiale. Nous n’avons donc eu aucun mal à nous servir de nos expériences personnelles directes pour jouer les scènes de rivalité ou d’affection entre Thor et Loki.

Quelles ont été les scènes les plus difficiles à jouer et pourquoi ?

Le tournage de THOR a été très long. Il a fallu que je tienne le coup physiquement, et que je conserve mon énergie jusqu’au dernier jour. Mais le film était tellement excitant à faire – aucune journée de tournage ne ressemblait à la précédente – que l’adrénaline prenait toujours le pas sur la fatigue. J’ai pris un plaisir fou à faire ce film, en étant pleinement conscient chaque jour de la chance que j’avais.

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