La critique ESI : SUPER-8 de J.J. Abrams - Quand l’hommage est trop proche de la copie
Article Cinéma du Mercredi 06 Juillet 2011

Au cinéma le 3 août 2011

Par Pascal Pinteau

Résumons le « Pitch » : J.J. Abrams, scénariste et réalisateur extrêmement doué (MISSION IMPOSSIBLE 3, STAR TREK) a voulu rendre un vibrant hommage aux films fantastiques produit par Steven Spielberg au sein de sa compagnie Amblin, pendant les années 80. Inspiré par LES GOONIES, GREMLINS, E.T. L’EXTRATERRESTRE, POLTERGEIST, et RETOUR VERS LE FUTUR, Abrams a écrit une histoire qui est une mise en abyme plutôt astucieuse : pendant l’été 1979, un groupe d’ados d’une petite ville tourne un film fantastique en Super-8, et est témoin par hasard du déraillement nocturne d’un train militaire qui transporte non seulement des objets Top Secret qui attestent du crash d’un ovni, mais aussi la créature rescapée, qui profite opportunément de l’accident pour s’enfuir…



Sur cette base solide, on imaginait déjà avec gourmandise comment Abrams, qui avait su trouver tant de bonnes idées pour « rebooter » l’univers de STAR TREK en faisant plaisir aussi bien aux fans qu’au grand public non connaisseur, allait revisiter non seulement le monde cinématographique de Spielberg (qui produit le film), mais aussi celui de tous les cinéastes en herbe de ces années-là, et des fans de SF qui vivaient depuis la sortie de STAR WARS en 1977 une époque bénie où les films cultes – ALIEN, TRON, SUPERMAN, etc…- se succédaient quasiment sans interruption au cinéma. On attendait donc de SUPER-8 qu’il nous offre de l’action, de l’humour, du suspense, des clins d’oeils cinématographiques malins et des surprises, le tout servi par une mise en scène inventive…Et malheureusement, même si le film est un divertissement très honnête, il n’est pas à la hauteur des espérances qu’il avait suscitées, ni au niveau des deux précédentes réalisations de J.J. Abrams.



Déjà vu, en mieux, ailleurs…

D’où vient le peu d’enthousiasme que le film suscite ? D’abord de son traitement bien lourd de scènes dramatiques qui nous sont imposées dès la première image. Sans entrer dans les détails, ce parti pris de mélo pesant, plombant, qui est sensé nous forcer à éprouver immédiatement, dans la seconde, de la compassion pour le personnage principal (l’un des ados) est si brutal que seul son côté artificiel et grossièrement manipulateur ressort. On s’attend à ce que les autres clichés et personnages liés à ce genre de situation arrivent : ils arrivent pile poil quand on s’y attend. On devine la manière dont les conflits liés au drame vont se résoudre : c’est bien ainsi que tout s’arrange. Damned ! Ennuyé de voir J.J. Abrams et son producteur Steven Spielberg se contenter de telles facilités narratives, on tapote un peu sur son accoudoir de fauteuil en attendant que l’action, le suspense, les gags et les scènes inattendues arrivent. Et c’est là que le piège diabolique de l’hommage se referme sur SUPER-8.

Conçu comme un cocktail d’ingrédients empruntés à GOONIES (la bande de gosses qui explore l’inconnu), à POLTERGEIST ( les enfants et les adultes confrontés ensemble à un vrai danger mortel) et à E.T. (La créature extraterrestre perdue dans une banlieue américaine, le secret militaire autour de la recherche de la créature), le mélange de SUPER-8 n’est pas aussi homogène et original qu’on le souhaiterait : on retrouve des bouts de scènes que l’on a déjà vues, en bien mieux, dans les films originaux et l’indifférence nous gagne un peu, malgré le soin apporté à la reconstitution de l’époque. Heureusement, l’équipe du film est composée de gens de talent, ce qui sauve l’entreprise et lui permet de se hisser au niveau d’un divertissement sympathique, dans lequel demeurent quelques très bons moments, notamment ceux directement liés au tournage du fameux film en Super-8. Le principal atout du film est son casting d’enfants, presque tous impeccables. Dans les deux rôles principaux, Joel Courtney et Elle Fanning (sœur de Dakota Fanning) sont parfaits. Les moments d’émotions sincères où l’on sort des clichés, c’est à eux qu’on les doit, et là, J.J. Abrams fait preuve de subtilité et d’une belle inspiration. Autre point fort, les effets spéciaux et les effets numériques de la séquence de la catastrophe ferroviaire, extrêmement spectaculaire. Pour ne pas gâcher la découverte du film, nous ne dirons rien des scènes impliquant la créature, si ce n’est qu’après les avoir vues, on se dit que le déraillement du train était décidément ce que le film avait à offrir de plus étonnant. En conclusion, pour apprécier SUPER-8 à sa juste valeur, ne vous attendez pas à découvrir quoi que ce soit de nouveau, ni dans la narration, ni dans la mise en scène, ni dans la conception visuelle des plans. Imaginez que vous avez rendez-vous avec un type doué et sympa, qui va vous raconter une histoire en pensant vous étonner, et que pour ne pas lui faire de peine, vous ne l’interromprez pas en lui disant que vous la connaissez déjà…

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