Exclusif : Visite du tournage de LA PLANETE DES SINGES, LES ORIGINES - Entretien avec James Franco
Article Cinéma du Vendredi 19 Aout 2011

Rencontre avec les stars de cette préquelle très attendue de LA PLANETE DES SINGES, placée sous le signe du réalisme et de la réflexion sur la destruction de la nature par l’homme…

Après notre longue discussion avec Andy Serkis et Terry Notary, c’est James Franco qui quitte le plateau pour venir à notre rencontre entre deux prises. Souriant et décontracté, il semble avoir complètement assimilé le mode opératoire particulier de ce film tourné à la fois en prises de vues réelles et en Mocap dans de vrais décors, ce qui constitue une première….

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous a t’il fallu un peu de temps pour vous habituer à ce tournage un peu particulier, en raison des techniques de Mocap utilisées ?

Non, je m’y suis fait très rapidement, en réalité. Je savais parfaitement ce qui m’attendait en acceptant de participer à ce projet. L’une des raisons pour lesquelles je voulais jouer dans ce film était l’opportunité de travailler avec toute l’équipe de Weta et avec le directeur de la photographie Andrew Lesnie, car je suis un fan de leur travail. Ils ont un talent artistique et technique exceptionnel. Je peux vous dire en jurant sur ma tête que j’ai regardé chaque seconde de chacun des innombrables documentaires et suppléments des éditions DVD de la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX ! (rires) A l’époque où j’ai accepté de jouer dans ce film, je ne savais pas encore qu’Andy Serkis allait nous rejoindre, ce qui a été une très bonne surprise de plus. En regardant ces documentaires, j’avais compris les bases du fonctionnement du procédé de capture de performance, et j’ai pensé que ce serait une expérience intéressante de se retrouver en face de quelqu’un jouant un chimpanzé. Andy a signé son contrat seulement une semaine ou deux avant que le tournage ne commence, et j’ai été absolument ravi que ce soit lui qui incarne Caesar. Il est évident que la production n’aurait pas pu faire un meilleur choix : Andy est tout simplement époustouflant. Vous vous en êtes certainement rendu compte en le voyant jouer ce matin…

Oui, c’est extraordinaire. En arrivant sur le plateau, on voyait un acteur en combinaison grise, et pendant que vous jouiez cette scène dans la voiture, pendant laquelle vous vous garez devant le laboratoire, et dites à Caesar, assis sur la banquette arrière, que sa mère a vécu et est morte là, on avait l’impression de voir un vrai chimpanzé absorber ces informations et tenter de comprendre tout ce qu’elles signifiaient !

Exactement. Andy est tellement bon dans ce rôle que l’on oublie très vite que c’est un homme dans un justaucorps gris de Mocap que l’on a en face de soi. L’imagination prend le dessus et l’illusion est totale. Je finis par voir un chimpanzé, sans faire d’effort particulier. Vous savez, quand on est acteur, il peut arriver que l’on se retrouve du jour au lendemain en face d’une comédienne qui doit jouer votre mère, par exemple, ou quelqu’un de très proche, comme une petite amie, et que l’on ne se sente absolument aucune affinité avec elle. Voire même qu’on la trouve franchement insupportable… (rires) Dans ces cas-là, on surmonte ce problème au prix d’un gros effort d’imagination, en faisant abstraction de ce que l’on ressent, afin de simuler des rapports d’affection de manière crédible. Mais c’est très dur d’y parvenir…Andy, lui, arrive tellement bien à jouer le comportement d’un chimpanzé que c’est facile de croire à la relation qui existe entre mon personnage et lui.

Vous êtes-vous inspiré de documentaires sur les travaux effectués sur des singes pour préparer ce rôle de savant ?

J’ai visionné l’année dernière le célèbre film documentaire de Barbet Schroeder KOKO, LE GORILLE QUI PARLE , qui m’avait beaucoup intéressé. Pour la petite histoire, c’est un film qui a été tourné en 1978 dans ma ville natale, Palo Alto. Je crois que la manière très particulière dont cette scientifique travaillait avec ce gorille, auquel elle avait appris le langage des signes, m’est revenue spontanément en tête quand j’ai commencé à préparer mon rôle de LA PLANETE DES SINGES, LES ORIGINES.

Le processus technique vous oblige à tourner chaque scène dans laquelle intervient le personnage de Caesar trois fois de suite, avec puis sans Andy à vos côtés, ce qui vous oblige à mémoriser tout ce que vous avez fait quand il était là, pour le refaire à l’identique lors des prises suivantes.

Oui…Vous savez, il y a deux manières de réagir quand on est confronté à des contraintes techniques comme celles-ci : soit on se rebelle et on a envie de se plaindre constamment – et il peut m’arriver de me dire dans ma tête que ce procédé est extrêmement fastidieux – soit on s’implique dans son déroulement en comprenant que c’est absolument indispensable pour tourner ce genre de film et réussir ce pari artistique. Quand Andy est là, c’est génial. J’ai énormément de plaisir à jouer avec lui, car c’est un acteur formidable et très généreux, toujours à l’écoute de ses partenaires. Ensuite, quand il n’est plus là, c’est un exercice plus ardu, mais toutefois assez proche de celui que l’on peut pratiquer sur une scène de théâtre, quand un personnage soliloque en s’adressant à un protagoniste absent. Certains prédisent que ces techniques sont un avant-goût de la disparition des acteurs au cinéma, mais ce n’est pas mon avis, parce que je crois que l’on aura toujours besoin d’acteurs , soit devant la caméra, soit jouant un rôle en Mocap, soit en agissant en post production, en collaboration avec les animateurs sont d’ailleurs aussi des acteurs à leur manière. Quand on joue dans un film avec de tels effets visuels, on a bien au contraire besoin d’utiliser son imagination d’acteur pour visualiser tout ce qui est sensé être là, afin de réagir de manière véridique pendant que l’on joue la scène. Ce qui m’amène à penser que l’on a plus que jamais besoin d’acteurs de qualité pour être sûr que le public s’identifiera aux personnages, et que cela assurera la réussite commerciales de tels projets, dont les budgets sont élevés. Enfin, tout cela, c’est ce que je me répète pour me rassurer et me convaincre que je ne serai pas au chômage dans quelques années ! (rires)

Comment réussissez-vous à rejouer la même scène avec les mêmes émotions sans avoir le regard d’Andy en face de vous ?

Au strict niveau de la technique de travail, ce que je fais en rejouant une scène en l’absence d’Andy est surtout une question de mémorisation de la gestuelle. J’essaie de m’appuyer sur les bases de la comédie, qui consistent à trouver les motivations de son personnage, puis à réagir à ce que disent et font les autres personnages avec sincérité et vérité. Quand vous réussissez à combiner ces deux éléments, la scène prend vie. Quand je me retrouve à jouer seul, sans Andy, je me focalise sur cette motivation pour le faire réapparaître devant moi, dans mon imagination, ce qui me permet de réagir spontanément, comme s’il était réellement là.

Pouvez-vous parler de l’évolution émotionnelle de votre personnage dans le film ?

Volontiers. Ce film, comme vous le savez à présent, est très différent des épisodes de LA PLANETE DES SINGES que nous connaissons déjà, et cela de bien des façons. L’une des différences principales, c’est que les autres films semblaient être principalement des commentaires sur les rapports de classes sociales, les relations entre les espèces, les relations entre humains de différentes ethnies, les problèmes raciaux…Notre film est une préquelle qui me semble plus proche d’une histoire à la FRANKENSTEIN, où un savant joue avec les forces de la nature.

Est-ce que Will, comme le docteur Frankenstein, veut jouer les Promethée modernes et défier dieu ?

Dans notre cas, il n’agit pas forcément pour cette raison, comme dans le roman original de Mary Shelley, mais il perd lui aussi le contrôle du processus qu’il met en place. Je crois que mon personnage, Will Rodman, est à l’origine un savant passionné et sincère, qui passe à côté des joies de la vie en se consacrant presque uniquement à son travail. Sa vie est même sacrément morne, pour tout dire. Will n’a pratiquement pas d’amis ou de relations autour de lui, mais il ne semble pas s’en rendre compte, ni en souffrir. Il a une relation plutôt distante avec son père, qui est incarné par John Lithgow. Quand Will apprend que son père est atteint de la maladie d’Alzheimer, il s’en occupe bien et reconstruit avec lui, pendant la fin de sa vie, des rapports plus forts qu’ils n’en ont jamais eus auparavant. C’est à ce moment-là que Will hérite de Caesar, car son père n’est plus en mesure de s’en occuper comme il le faisait auparavant. Au début, c’est une situation qui le contrarie beaucoup. Puis une affection quasi paternelle naît alors entre Will et Caesar. Will est contraint de prendre soin du chimpanzé comme si c’était son fils, ce qui lui fait découvrir un aspect relationnel de la vie à côté duquel il était toujours passé. Il cesse de n’être qu’un jeune savant ambitieux et froid, qui travaille isolé dans son coin, et commence à faire preuve de beaucoup plus de chaleur humaine et de compassion pour les autres. Cette évolution émotionnelle l’amène aussi à jeter un regard moins analytique et détaché sur le monde, et à le voir de manière différente. Il cesse de n’être qu’un expert pour devenir un meilleur être humain.

Pensez-vous que le thème de la maladie d’Alzheimer va contribuer à ancrer l’histoire du film dans la réalité, parallèlement au développement de l’intrigue qui bascule peu à peu dans le fantastique ?

Oui, je crois que c’est l’intention des auteurs du script. Je n’ai vu que le film original de la saga de LA PLANETE DES SINGES, ainsi qu’un documentaire consacré à la conception et au tournage des autres épisodes, ainsi qu’à la série animée et la courte série télévisée des années 70, mais il me semble que dans la première série de films, une grande partie du budget a été consacrée aux maquillages, aux effets spéciaux et aux décors. Aujourd’hui, ces films sont devenus cultes, bien sûr, mais si l’on regarde les masques des personnages avec un œil critique, en pensant aux progrès accomplis depuis, on se dit que c’est très étrange de voir ces acteurs portant ces maquillages extravagants tenir des discours philosophiques extrêmement poussés pour un film grand public ! (rires) C’est tout à l’honneur des producteurs et des auteurs de ce film, d’ailleurs, car les thèmes abordés sont étonnamment profonds…Aujourd’hui, nous avons une conception assez différente de la manière dont les singes parlants et bipèdes pourraient être représentés. Dans notre préquelle, les singes ont un aspect extrêmement réaliste, et l’histoire se situe dans un monde très proche du nôtre, une sorte de « futur immédiat ». Disons que les événements que décrit le film sont relativement concevables : on pourrait imaginer qu’ils se produisent, jusqu’à un certain point.

Justement, est-ce que ce désir du studio, de la production et des auteurs d’aller vers davantage de réalité vous aide à jouer votre rôle, en tant qu’acteur ?

Sans doute… Dans le film original, Kim Hunter, qui incarnait Stella dans UN TRAMWAY NOMME DESIR jouait Zira. Roddy McDowell était Cornelius… Sal Mineo que l’on a vu dans LA FUREUR DE VIVRE a joué lui aussi un chimpanzé dans un des épisodes de la saga, le troisième je crois, LES EVADES DE LA PLANETE DES SINGES. Quand ces acteurs parlaient de leur expérience du film dans les images d’archives du documentaire, ils étaient tous assez surpris de s’être pris ainsi au jeu et d’avoir été si sérieux en interprétant leurs personnages de singes.

Comment auriez-vous réagi si c’était l’option des maquillages et non des singes 3D qui avait été choisie ?

Je crois que je n’aurais pas eu de problème à incarner mon personnage si les acteurs jouant les singes portaient toujours des maquillages, mais j’imagine que pour jouer un scientifique de manière crédible, il vaut mieux que le film soit le plus réaliste possible. Donc, oui, cela m’a certainement aidé. Mais à la base, il s’agit d’abord d’un choix artistique et narratif. Le film aurait été forcément très différent si nous avons choisi l’option du maquillage. Nous serions certainement allés plus loin dans le fantastique avec les singes. Cela étant dit, en tant qu’acteur, je suis sûr que j’aurais trouvé une manière d’aborder ce traitement-là du sujet et d’y croire aussi, afin de jouer mon personnage.

Le docteur Frankenstein est une figure tragique du cinéma fantastique : à partir du moment où il insuffle la vie au monstre, son existence est ponctuée de tragédies. Est-ce que votre personnage vit des choses similaires ? Est-lui aussi « maudit » ?

Oui. Je crois que l’on peut affirmer sans se tromper que Will commet plusieurs erreurs monumentales, sans s’en rendre compte ! (rires) Il croit bien faire, évidemment, mais il se rend coupable du pire péché d’orgueil qu’un scientifique puisse commettre : il ne se donne pas la peine d’imaginer toutes les conséquences de ses actes. L’histoire a maintes fois prouvé que c’était une faute terrible…L’une de ses motivations, tout à fait louable, est de trouver un remède à la maladie d’Alzheimer qui frappe son père. Will espère trouver le moyen de le guérir, et d’aider ainsi des millions d’autres gens qui souffrent du même mal. Les gens sont prêts à aller très loin, et même à faire des choses extrêmes pour sauver un membre de leur famille…On a souvent vu des gens très honnêtes mais désespérés agir au mépris de la loi pour protéger un conjoint ou un enfant. En voyant Will confronté à une maladie si terrible, si injuste, on peut au moins comprendre ses motivations, même si sa façon d’agir est plus que discutable. On peut d’ailleurs se faire exactement la même réflexion au sujet de Caesar, en suivant son évolution et sa métamorphose au cours du récit. Les deux destins parallèles de Will et de Caesar sont les piliers de ce film, et l’une de ses grandes forces, car comme vous pourrez en juger quand vous le verrez, on ne prend jamais parti pour un camp, entre celui des humains et celui des singes : ce sera au spectateur de se faire son propre avis, et de réfléchir ensuite à tous les thèmes abordés par cette histoire. C’est une approche que je trouve fascinante…

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