Pauvres créatures - Les coulisses d’un Lion d’or
Article Cinéma du Mercredi 24 Janvier 2024

Dans Pauvres créatures, Bella Baxter (Emma Stone) est une jeune femme ramenée à la vie par le brillant et peu orthodoxe Dr Godwin Baxter (Willem Dafoe). Sous sa protection, elle a soif d’apprendre. Avide de découvrir le monde dont elle ignore tout, elle s'enfuit avec Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo), un avocat habile et débauché, et embarque pour une odyssée étourdissante à travers les continents. Imperméable aux préjugés de son époque, Bella est résolue à ne rien céder sur les principes d’égalité et de libération.

A propos du roman d'Alasdair Gray, le réalisateur Yorgos Lanthimos (LA FAVORITE, THE LOBSTER) confie : « Il y a d’emblée quelque chose de visuellement frappant et de dense, qu’il s’agisse des thèmes qu’il aborde, de son humour, de la complexité des personnages et de la langue. Je n'avais jamais rien lu de tel auparavant et j'ai été très impressionné. Alasdair Gray était peintre. Il a illustré son texte qui, globalement, évoque la liberté d'une femme dans la société. Un tel matériau ouvrait vraiment la voie pour raconter une histoire comme celle-ci. » Début 2020, le réalisateur a demandé à Emma Stone (LA FAVORITE, LA LA LAND) de s’associer avec lui aux producteurs Ed Guiney et Andrew Lowe d’Element Pictures. Depuis 2017, ils avaient eu tous deux de longues conversations sur le rôle de Bella, mais avaient également discuté du scénario, de la distribution et de l'équipe. Il était évident qu’Emma Stone serait un atout considérable en tant que productrice. Ed Guiney et Andrew Lowe ont produit tous les films en langue anglaise de Yorgos Lanthimos. Ils ont collaboré pour la première fois sur THE LOBSTER en 2015. Emma Stone et Yorgos Lanthimos ont quant à eux récemment travaillé ensemble sur son court métrage muet en noir et blanc « Bleat », tourné en 2020 sur l'île de Tinos en Grèce.

Ed Guiney se remémore leurs premières conversations sur PAUVRES CRÉATURES : « Yorgos a mentionné le livre d’Alasdair Gray dont il nourrissait depuis longtemps le désir de faire un film. Il avait d’ailleurs été en contact à ce sujet avec l'auteur, aujourd'hui décédé. Il était incroyablement passionné et connecté à l'histoire, même à ce stade précoce. Je pense qu'Alasdair a senti que Yorgos comprenait vraiment son roman et qu’il serait entre de bonnes mains. » Andrew Gray, le fils de l’écrivain, poursuit : « Mon père et Yorgos se sont rencontrés à Glasgow et ont fait le tour de la ville, en visitant les lieux associés au roman. Alors qu’il avait auparavant refusé d'autres offres d’adaptation, il a été sensible au fait que Yorgos ait pris le temps de le rencontrer personnellement. C'était le moyen de communication qu’il préférait : marcher et montrer la ville dans laquelle il a vécu toute sa vie. Après cette rencontre, mon père a acheté le DVD de CANINE, qu'il a beaucoup apprécié, et je crois que c'est sur ce film qu'il a fondé son opinion sur les talents de Yorgos. » Yorgos Lanthimos a envoyé le roman au scénariste Tony McNamara à la suite de leur collaboration fructueuse sur LA FAVORITE, couronné aux Oscars. Ce dernier n'avait encore jamais lu les écrits de l'auteur écossais Alasdair Gray mais a tout de suite compris en revanche ce qui attirait le cinéaste dans ce livre. Il explique : « C'était intellectuellement épanouissant, sombre, surprenant et plein d'humour. Pour Yorgos comme pour moi, c'est ce qui nous importe le plus. Le livre regorge d'idées sur le genre, l'identité et même le nationalisme écossais. On se trouve dans un monde philosophique et politique incroyablement riche, tout en étant extrêmement drôle. »

« Yorgos est un grand réalisateur de comédies, même si les gens ne décrivent pas ses films comme tels », renchérit Ed Guiney. « Il fait partie des rares cinéastes qui peuvent passer de la violence outrancière à la franche comédie en l'espace d'une scène. » Alors que le livre est raconté depuis de nombreux points de vue, l’équipe artistique a privilégié celui de Bella. Yorgos Lanthimos explique : « Nous l'avons rendue plus ouverte sur le monde. Le roman en lui-même est très écossais : il comporte de nombreux autres thèmes et strates que ceux que nous explorons, ce qui les destine à un public ciblé. Or ce qui m’intéressait le plus était vraiment ce que pensait Bella. » Tony McNamara poursuit : « Le film raconte le passage à l'âge adulte de l’héroïne mais s’inscrit dans une version dystopique d'une production Merchant/Ivory, avec l'idée d'un grand voyage. Après avoir été enfermée chez elle, elle se rend à Lisbonne pour une traversée "romantique" avec son amant. Sur le bateau, elle éprouve un désir constant de s'évader. La ville d’Alexandrie représente ses jeunes années et lui offre une vision du monde détraquée. Paris est son exploration de la sexualité et elle repousse les limites le plus loin possible avant de rentrer chez elle. » Yorgos Lanthimos et Tony McNamara souhaitaient aussi offrir une version de l'histoire de Frankenstein, inversant l'intrigue classique en faisant du "monstre" une belle femme très perspicace, et de ses amants des monstres potentiels. Ed Guiney souligne : « Le scénario s'inspire de différentes mythologies et histoires, les mêlant en un cocktail incroyablement original et capiteux. »

AU FIL DE L’AVENTURE

La première fois qu’Emma Stone a entendu parler de PAUVRES CRÉATURES, c’était à la suite d'une discussion avec Yorgos Lanthimos sur le tournage de LA FAVORITE. Elle se souvient : « Ce qu’il m'expliquait était unique et immédiatement inspirant en tant que femme : imaginer un monde où votre esprit n'est pas conditionné par la manière dont vous avez grandi et dont vous avez appris à vous comporter. » En recevant une première version du scénario, l’actrice est à nouveau tombée amoureuse du travail de Yorgos Lanthimos et de Tony McNamara : « J'ai toujours admiré la façon dont ils entremêlent magnifiquement humour et chagrin d’amour, car c’est ça la vie. Yorgos comprend, aime et raconte brillamment des histoires de femmes. Je le savais grâce à notre travail commun. Sans oublier que de nombreux chefs de départements sont des femmes, de même que notre première assistante réalisatrice. » Ce qui fait dire à Ed Guiney : « Emma a un instinct incroyable pour tout ce qui touche à la narration. En tant que productrice, elle a joué un rôle très important dans la façon dont nous avons développé l'histoire et dont nous avons envisagé de la présenter au monde ». Emma Stone confie à propos de Bella Baxter : « J'étais excitée et effrayée pour tout un tas de raisons. Bella n'a ni honte, ni traumatisme, ni passé. Elle n'a pas été élevée par une société qui dicte ses contraintes aux femmes. Cela peut être incroyablement libérateur car il n'y a vraiment aucune recherche à faire pour l’explorer. Bella s’inspire des hommes et des femmes qu'elle rencontre, de l'environnement dans lequel elle évolue, de ce qu'elle mange. C’est une véritable éponge. » Et Yorgos Lanthimos de renchérir : « J'ai trouvé Bella fascinante. Nous l'avons placée dans toutes sortes de situations, interagissant avec d'autres humains plus âgés, - des hommes, notamment ceux qui ont du pouvoir - et nous avons exploré les relations entre eux. Tout est modifié par sa présence et ses réactions. » « Emma est à la fois une brillante actrice comique et dramatique, et c'est ce dont ce rôle avait besoin », s’enthousiasme Tony McNamara. « Elle interprète un être humain qui évolue de l’état primitif à celui de femme mûre, avec de nombreuses scènes intenses. Elle a été très courageuse et a plongé directement dans le bain, en apportant beaucoup au personnage. »

Une part importante de l'histoire de Bella a trait à sa sexualité. On ne lui a jamais dit que c’est mal d’aimer le sexe ou de se sentir libre au point de faire ce qu'elle veut quand elle le veut. Elle est pleinement vivante et l'expérience humaine l'intrigue. La peur entourant l'exploration de la sexualité féminine était l'une des nombreuses raisons pour lesquelles Emma Stone voulait jouer Bella : « La mentalité autour du sexe est différente en Europe et en Amérique, ce qui déconcerte Yorgos. Moi-même je suis déconcertée en tant qu'Américaine. Dans mon pays, nous somme inondés d’images de violence et de douleur infligées aux gens, mais la nudité et la sexualité nous choquent. Alors que c'est tout le contraire dans l'esprit de Yorgos. » Andrew Gray ajoute : « La représentation de la sexualité féminine chez Bella correspond davantage à la sensibilité actuelle qu'à celle d'il y a trente ans. Elle est capable d'explorer le sexe sans sentiment de culpabilité, ce qui fait d'elle une héroïne moderne. » Et Emma Stone de préciser : « C’est comme si quelque chose s’était débloqué et que j’avais accepté ce que c’est qu'être une femme, courageuse, libre. Sur le plan social, on a souvent l’habitude de s’interroger sur l’amour que les gens nous portent ou pas. Bella, elle, s’en fiche complètement. » La libération des contraintes sociales s'accompagne d'un retour à l'émerveillement enfantin face au monde. Emma Stone ajoute : « C’est comme une attirance fascinante pour la pureté, pour quelque chose qui n'a pas été souillé. Le désir de posséder quelque chose qui nous rappelle qui nous étions et la tentative de retrouver cette innocence en nous. »

L’ENTRÉE DANS L’ÂGE ADULTE DE BELLA

Outre les thèmes de la sexualité et des contraintes sociales, le film explore le besoin des personnages masculins de contrôler Bella. Tony McNamara décrit le film comme une satire brûlante sur les hommes : « PAUVRES CRÉATURES explore vraiment la vision que les hommes ont des femmes, le regard qu'ils portent sur elles, et comment ils pensent qu’elles sont là pour les servir. Nous étions très conscients des enjeux et de leurs liens avec le présent. Le film traite de la tension patriarcale à travers les yeux de Bella, et le ton choisi par Yorgos pour l’aborder ne pouvait avoir meilleur écrin qu’une salle de cinéma. » Andrew Gray explique : « Bella n'est pas seulement l’héroïne : elle est aussi le faire-valoir des personnages masculins. C'est sa capacité à rester fidèle à son humanité et à utiliser ses expériences pour se découvrir un but qui la rend admirable. Sa joie de vivre encapsule la curiosité des êtres humains et leur soif de nouvelles expériences de vie. » « Le film traite de l’évolution et de l’émancipation d'une femme qui grandit dans une société masculine très répressive », précise Willem Dafoe (THE LIGHTHOUSE, THE FRENCH DISPATCH) qui joue le rôle du Dr Godwin Baxter, le créateur de Bella. « C'est une grande source de comédie car ses relations avec les personnages masculins sont très franches et révèlent la peur que ceux-ci ont des femmes. » Ce qui fait dire à Emma Stone : « Les personnages masculins essaient de contrôler Bella de diverses manières mais elle ne s'en préoccupe même pas. Elle est tout simplement trop autonome ! » « Certains personnages comme Baxter ont leur propre parcours », affirme Yorgos Lanthimos. « Il commence par essayer de la contrôler et l'élève comme son père l’a fait avec lui. Mais on voit qu'il mûrit au fil de ses interactions avec elle. Il finit par comprendre qu'il doit lâcher prise et la laisser découvrir le monde. Il la soutient vraiment. »

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