VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE 2 : L’ILE MYSTERIEUSE : Entretien exclusif avec le réalisateur Brad Peyton
Article Cinéma du Lundi 12 Mars 2012

Suite de notre reportage sur le tournage et rencontre avec Brad Peyton, qui signe ici son premier film d’aventure, après avoir débuté avec le film pour les enfants COMME CHIEN ET CHATS, LA REVANCHE DE KITTY GALORE.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous avez dû vous immerger littéralement dans les techniques de la 3-D Relief pour préparer ce film qui regorge d’effets visuels complexes…

Oui, j’en sais définitivement plus sur le relief qu’il y a un an, à la même époque ! (rires) C’est encore un procédé relativement nouveau, car la plupart des techniques actuelles ont été mises au point très récemment. Nous apprenons encore des choses tous les jours. Cela change pratiquement tout dans l’art de réaliser un film : il faut approcher la mise en scène différemment, abandonner certaines règles, en adopter de nouvelles, et l’on progresse ainsi pas à pas, en se basant sur ce que l’on a testé et réussi.

Aviez-vous déjà tenu compte de ce que vous aviez appris qu’il fallait faire ou ne pas faire en relief quand vous avez préparé la prévisualisation du film ?

J’ai d’abord utilisé la prévisualisation comme une manière d’explorer la mise en scène que je prévoyais pour chaque scène du film. C’était un moyen de voir ce qui allait marcher ou pas pendant le tournage en 3-D, quitte à s’adapter et à changer un peu d’approche sur le plateau. Tout avait été conçu pour tirer parti des effets de profondeur et de jaillissement, et toutes les cascades, les trucages de plateau et les effets visuels étaient déjà précisément définis. Pour me préparer, j’ai étudié beaucoup de films en relief, et j’avais aussi participé à la conversion en 3-D de mon premier film, COMME CHIEN ET CHATS, LA REVANCHE DE KITTY GALORE. En réalité, même si l’on prépare les choses dans les moindres détails, rien ne remplace le fait de passer à l’action et de tester ce que vous avez prévu sur le plateau. Que cela marche comme vous l’aviez prévu ou pas, au moins, vous partez d’une base de plan qui indique à tout le monde le but à atteindre. Mais la conversion de mon film de 2D en 3-D m’avait déjà appris beaucoup de choses, et un certain nombre d’erreurs à éviter. Pour VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE 2 , j’ai repris tout ce qui avait bien marché, en essayant de voir jusqu’à quel point je pourrais pousser tel ou tel effet.

Vous arrive t’il de tourner deux versions d’un plan sur le plateau, juste pour être sûr qu’au moins une des deux marchera parfaitement ?

Cela nous arrive de temps en temps quand nous tentons des effets très poussés, afin d’avoir une option de sécurité. Mais ce n’est pas très fréquent. L’un des inconvénients de la 3-D, c’est que le tournage est plus lent que pour un film 2D. Si vous tournez trop de versions d’un seul plan juste pour varier le rendu du relief, vous risquez de vous y perdre, et d’y consacrer trop d’heures de la journée, au détriment des autres plans. Il vaut mieux essayer d’obtenir un très bon effet sur des bases déjà bien établies et respecter l’emploi du temps de la journée plutôt que de se lancer dans des recherches qui peuvent s’éterniser. Bien sûr, cela ne veut pas dire que je n’écoute pas les suggestions du superviseur des effets 3-D relief quant il me propose une autre approche. Nous dialoguons constamment, lui, le directeur de la photo et moi-même, pour établir la meilleure manière de composer les plans. Si le job du directeur de la photographie est d’utiliser la lumière et le traitement de l’image pour refléter les idées du réalisateur, le superviseur des effets relief, lui est en charge de la gestion de la profondeur de l’image. Et dans certains cas, notamment en ce qui concerne les scènes rapides, c’est une bonne chose de sacrifier un peu la profondeur pour que la séquence soit plus facile à « lire ». J’ai lu que certaines personnes critiquaient certains passages d’AVATAR pour leur manque de relief, et c’est vrai qu’ils ont été traités ainsi, car si James Cameron n’avait pas estompé la profondeur, les spectateurs auraient éprouvé un grand inconfort visuel, voire même un début de migraine, en essayant de suivre ces mouvements rapides et ces plans très courts. C’était la bonne décision. Pour toutes ces raisons, quand vous avez conçu un plan 3-D Relief avec une option de profondeur raisonnable, il vaut mieux s’y tenir plutôt que de tenter d’aller trop loin, car chaque nouvelle installation de plan nécessite deux à trois fois plus de temps de préparation qu’un plan 2D.

Êtes-vous obligé de tenir compte du plan précédent et du plan suivant pour établir l’intensité du relief d’un plan ?

Non, ce n’est pas nécessaire. Pendant le tournage, vous employez une convergence moyenne des caméras, en sachant que vous pourrez la retoucher en post-production. Venant de l’animation, j’approche chaque plan comme j’avais coutume de le faire autrefois : je storyboarde la continuité de mes plans, j’ai une idée très précise du cadrage de chacun d’eux, et des mouvements de caméra dont j’ai besoin, mais je ne veux pas non plus m’emprisonner en ayant une approche trop rigide. Si quelque chose d’intéressant se produit pendant le tournage, ou si l’on doit modifier le plan pour une question de mise en place avec les acteurs, ce qui arrive tout le temps, alors on change les choses. Vous choisissez des options de relief extrême seulement quand le plan l’exige, par exemple quand un objet très important doit se trouver à l’avant-plan. Là, il est normal que la convergence des caméras se fasse sur lui, et que nous utilisions un fort effet de jaillissement, car le regard des spectateurs se portera forcément sur cet objet-là. Et dès que les personnages en arrière-plan arrivent et deviennent le nouveau centre d’intérêt du spectateur, on change la convergence pour la focaliser sur eux. Généralement, nous tournons d’abord un plan d’ensemble avec un réglage de profondeur relief moyen, puis on passe à des plans serrés des personnages dans lesquels le relief peut être plus intense. L’essentiel est de revenir régulièrement à un relief moyen pour permettre aux yeux de se reposer. C’est cela la clé du confort des spectateurs d’un film en relief. Et cela se comprend bien : si, quant vous lisez un livre, il y avait certains passages du texte qui sortaient de la page pour venir se placer à 10 centimètres de vos yeux, vous auriez vite mal au crâne ! Nous gardons cela en tête pendant le tournage et pendant la post-production, et prenons toutes les mesures techniques nécessaires pour présenter aux spectateurs une expérience à la fois spectaculaire et confortable.

Diriger dans une même scène des acteurs aussi différents que les jeunes Josh Hutcherson et Vanessa Hudgens, les vétérans Michael Caine et Luis Guzman et la star de films d’action qu’est Dwayne Johnson doit être un défi…

Vous savez, mon film précédent était la suite de COMME CHIENS ET CHATS : les personnages principaux que je devais diriger étaient des animaux, ce qui représentait aussi un certain défi ! (rires) Bien sûr, j’étais un peu anxieux de devoir diriger un acteur de 77 ans qui a gagné deux fois l’Oscar, qui a mené une carrière longue et prestigieuse, et qui a infiniment plus d’expérience que moi. Dwayne est une star au charisme étonnant. Luis a lui aussi beaucoup d’expérience, et Josh et Vanessa, malgré leur jeune âge, sont déjà des professionnels aguerris. J’avoue qu’au début, j’étais un peu intimidé en me retrouvant devant eux, mais en les rencontrant et en répétant ensemble les scènes pendant une semaine, nous sommes rapidement devenus les membres d’une équipe. Nous sommes tous solidaires les uns des autres, et collaborons pour que le film soit le meilleur possible. Et ce tournage est une expérience extrêmement agréable pour moi. De bien des manières, quand je réalise, je visualise les choses en adoptant leur point de vue. J’évolue dans le décor et je vois tout de suite où la caméra devrait être placée pour capter tel ou tel moment de leur jeu, ou telle réplique particulière. Je procède à l’inverse de la méthode classique qui consiste à établir le cadrage, puis à indiquer aux acteurs comment ils doivent se placer dedans. Je pense que Dwayne, Michael, Luis, Josh et Vanessa ont vite compris que j’avais « fait mes devoirs » et que je comprenais leurs besoins, et ce qu’ils avaient envie d’apporter à leurs rôles respectifs. J’ai d’ailleurs écrit l’histoire de ce qui est arrivé à chacun des protagonistes avant que notre récit débute, afin que chaque acteur puisse disposer de ces informations pour construire son personnage. Par exemple, il était important que Michael et Josh sachent tout ce Sean et son grand père avaient fait ensemble dans le passé pour qu’ils comprennent pourquoi leurs liens affectifs sont si forts, et pourquoi l’absence d’Alexander était si pénible pour Sean. Je crois que si vous faites tout cela et que vous montrez aux comédiens que vous vous intéressez vraiment à eux et à ce dont ils ont besoin pour exercer leur art, vous établissez tout de suite une relation de confiance. D’emblée, ils ont vu que nous allions dialoguer et que je n’agirai pas comme un dictateur sur le plateau !

La suite de notre reportage paraîtra bientôt sur ESI !

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