Exclusif ESI : Jonathan Liebesman, réalisateur de LA COLERE DES TITANS, répond à nos lecteurs !
Article Cinéma du Lundi 26 Mars 2012

[Retrouvez tous nos articles consacrés au Choc des Titans et à La Colère de Titans]


Tout d’abord, un grand merci à Jonathan Liebesman et aux fidèles lecteurs d’ESI qui ont participé à cet entretien exclusif ! Nous espérons vous présenter prochainement d’autres interviews interactives comme celle-ci. Sans plus attendre, voici la retranscription de notre conversation avec le réalisateur de LA COLÈRE DES TITANS !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Bonjour Jonathan.

Bonjour Pascal !

Cet entretien est destiné à notre site Effets-speciaux.info, qui est consacré aux effets spéciaux et plus largement à la SF, au fantastique et à toutes les créations qui touchent à l’imaginaire…

Cool. J’espère que le film plaira aux lecteurs d’ESI !

Voici justement les questions qu’ils voulaient vous poser. Je commence par celles qui nous ont été envoyées par AlienFactory: Quelle est la principale différence de ton entre votre film et celui de Louis Leterrier ?

J’ai voulu donner une ambiance un peu plus âpre à cet épisode, car le monde que le film décrit est en déclin, et les dieux sont en train de mourir, car les mortels ne croient plus en eux…L’histoire que nous racontons est plus sombre, elle aussi. Le chaos risque de tout ravager…

Vous sentiez-vous plus libre parce qu’il s’agissait d’une suite et non pas d’un remake ?

Oui, je me sentais plus libre, mais en même temps, l’histoire du premier CHOC DES TITANS est un récit qui existe depuis des millénaires, et j’étais un peu jaloux de ne pas avoir eu l’occasion de le raconter ! Cela étant dit, j’ai apprécié la liberté de traitement dont j’ai pu bénéficier pour narrer ce nouveau volet de la saga.

Quelle est la scène la plus complexe que vous ayez eu à tourner ?

De manière générale, je dirais que les scènes dramatiques sont les plus compliquées à tourner, car contrairement aux séquences d’effets spéciaux que vous pouvez amplifier et retoucher en post-production, une fois qu’une performance d’acteur est enregistrée sur la pellicule, vous ne pouvez plus revenir en arrière. Mettre en scène un moment dramatique, émotionnellement intense, est donc un défi plus important à relever.

Et du côté technique, quelle a été la séquence la plus ardue à créer ?

Oh, il s’agit sans aucun doute de la scène finale avec Chronos. C’est le monstre le plus grand que j’aie jamais vue dans un film : il est sensé mesurer plus de 600 mètres de hauteur ! Chronos était extrêmement difficile à représenter en synthèse puisqu’il est composé de lave et de roches en fusion, et entouré de nuées de fumée et de cendres…C’est très dur à faire parce que vous devez mettre en scène un être colossal qui interagit avec des humains, et faire en sorte que ces interactions soient à la fois intéressantes et crédibles. D’un point de vue strictement technique, c’était si complexe que même en utilisant les ordinateurs très puissants et très rapides, fonctionnant tous ensemble, d’un des meilleurs studios d’effets visuels anglais, il fallait dix jours de calculs pour obtenir le rendering final d’un plan entier ! Et en cas d’erreur, la seule solution consistait à tout recommencer depuis le début ! Compte tenu de son aspect, Chronos est constitué de 200 millions de particules et tout en l’animant, il fallait simuler aussi l’évolution d’un nuage pyroclastique et de nombreuses coulées de lave. Faire toue cela a pris un temps fou.

Etant donné qu’il y a énormément d’interactions avec des énormes créatures réalisées en images de synthèse, comment avez-vous préparé le tournage de ces scènes ?

Nous préparons à l’avance une animation provisoire qui montre où la créature va se déplacer dans le décor. Autant j’aime me préparer très précisément en amont, autant je préfère inventer de nouvelles choses pendant le tournage pour garder de la spontanéité et bénéficier des petites choses qui me viennent à l’esprit quand je me retrouve vraiment sur place, dans les décors définitifs, avec les acteurs. La technologie en est arrivé à un point où l’on peut se permettre de changer certaines choses au stade du tournage sur le plateau, notamment pour créer encore plus d’interactions entre la créature 3D et le monde réel. Cela rend les choses plus réalistes.

Passons maintenant aux questions d’Ohbewan : Quelle est la proportion des effets spéciaux du film réalisés en direct, devant la caméra ?

Pratiquement tous les effets du film sont basés sur les prises de vues réelles, ou réalisés au moins en partie avec des effets de plateau. Les murs des maisons du village qu’attaque la chimère étaient préparés pour s’écrouler lorsqu’elle les frappe, par exemple. Et il y avait des projections de vraies flammes. En revanche, toutes les créatures sont réalisées en 3D, même si nous avons utilisé des têtes mécaniques pour tourner le plan où Sam Worthington saute sur le dos de la chimère. Il n’y a que le minotaure qui a été tourné entièrement en direct, avec des effets spéciaux de maquillage.

Avez-vous employé des plans 100% virtuels ?

Très peu, car je n’aime pas cela. Il y en a peut-être 4 ou cinq dans tout le film, comme les plans où Persée et Pégase, vus en plan très large, foncent vers Chronos.

Quels critères ont guidé le choix de réaliser tel ou tel effet de manière physique ou numérique ?

Dans le cas du minotaure, tourner avec des trucages en direct était la solution qui s’imposait, car il fallait qu’il y ait beaucoup d’interactions filmées en très gros plan. Il n’aurait pas été judicieux, me semble t’il, de prévoir cette séquence de combat au corps à corps avec un personnage 3D. C’est différent dans le cas de la chimère, car il y a des jets de flammes qui séparent Persée de la créature : les interactions sont plus distantes dans la plupart des plans.

Passons à la question de Laurent 2, qui nous avertit au préalable en disant : « alors voilà ma question, elle peut paraître stupide mais c’est néanmoins une question que je me pose : le premier film de Louis Leterrier n’avait visuellement pas grand-chose à voir avec son modèle original de 1981, à part peut-être le clin d’œil à la chouette mécanique Bubo… Dans votre film, un des plus grands changements opérés sur Sam Worthington/Persée est… sa coupe de cheveux. Est-ce un clin d’œil au personnage incarné par Harry Hamlin ? »

(rires) Nous y avons effectivement pensé ! Nous voulions traiter avec respect le film qui a été à l’origine du début de cette franchise.

Voici à présent les questions de Darkee : « Connaissiez-vous le CHOC DES TITANS original ? L’aviez-vous vu enfant ? »

Oui, bien sûr, et je l’avais adoré ! J’ai grandi en Afrique du Sud et j’ai regardé ce genre de grandes productions hollywoodiennes pendant toute mon enfance.

Etiez-vous fan des films de Ray Harryhausen ?

Absolument. J’aimais son talent d’artiste et j’aimais ses créatures. On sent une telle passion pour les effets spéciaux dans son travail que cet enthousiasme est communicatif.

Cela a -t-il influencé votre décision de réaliser cette suite du remake ?

La première raison, c’est que j’aimais les séquences d’action et le grand spectacle que Louis avait mis en scène dans le premier épisode, et j’étais aussi très attiré par la perspective de travailler avec un casting aussi extraordinaire : Liam Neeson, Ralph Fiennes, Sam Worthington… C’était une proposition absolument irrésistible pour un réalisateur comme moi.

Pourquoi ne pas avoir tourné ce film nativement en 3D ?

Pour plusieurs raisons. D’abord parce que je voulais absolument tourner ce film en 35mm et non pas en numérique. J’étais et je reste convaincu que le numérique aurait donné un côté un peu artificiel aux environnements antiques que nous avons créés. Les caméras numériques auraient très bien convenu à une aventure de Science-Fiction, mais pas à l’aspect que je voulais donner aux images de ce film. De plus, nous avons disposé de près d’un an pour effectuer la conversion en relief du film, scène par scène. Cela avait déjà commencé pendant le tournage, avec les premières séquences en prises de vues réelles qui avaient été montées. L’un des avantages de la conversion, surtout quand vous mélangez différentes sources d’images, c’est que vous avez la possibilité de tester et d’ajuster les effets de profondeur et de jaillissements en postproduction, et même d’essayer de nouvelles idées. Vous avez plus de possibilités de jouer avec les différentes « couches » de l’image. J’avais vu la conversion en relief du dernier épisode de HARRY POTTER, et je l’avais trouvée excellente. Nous avons travaillé avec les mêmes équipes sur LA COLERE DES TITANS. Et ce qui change tout, c’est que j’ai conçu le film d’emblée pour le relief dans ma mise en scène, mes cadrages, et mon montage, alors que la conversion avait malheureusement été une idée de dernière minutes dans le cas du CHOC DES TITANS. Nous avions un chef opérateur 3D à nos côtés tous les jours sur le plateau, et je peux vous assurer que le travail a été bien fait et que le relief du film est excellent.

Comment les créatures et les éléments mythologiques du film ont-ils été choisis ?

Nous avons établi une liste de créatures, et nous avons choisi celles qui nous ont semblé être les plus intéressantes à représenter visuellement. En ce qui concerne le titan final, notre choix s’est immédiatement porté sur le père de tous les titans, Chronos, car c’est le plus grand de tous. Et après avoir choisi la chimère, le cyclope, les mackaïs et le minotaure, le film était déjà bien rempli et nous n’avions plus de place pour autre chose !

Pour les lecteurs d’ESI qui n’auraient pas révisé la mythologie avant de lire cet entretien, y a t’il certaines créatures du film qui ne sont pas tirées directement des récits antiques ?

Toutes les créatures viennent bien de la mythologie, y compris les mackaïs, qui sont des démons. Leur apparence a cependant été réinventée dans le film.

Quels sont les critères qui sont entrés en compte lors de la sélection des studios d'effets visuels ?

Nick Davis, le superviseur des effets visuels, avait déjà travaillé avec ces studios sur le premier épisode, et j’ai aimé ce que j’ai vu dans leurs bandes-demo. Nous avons donc décidé de travailler une fois encore avec MPC et Framestore. J’aime beaucoup le travail que Framestore avait réalisé sur les films de la Saga HARRY POTTER. Et les équipes de MPC sont très talentueuses, elles aussi.

Pouvez-vous nous raconter la création d'une séquence particulière de A à Z, du scénario au montage de la scène finalisée, par exemple en nous parlant de l’attaque de la chimère ?

Avec plaisir. Quand la scène de l’attaque a été écrite, nous avons construit une maquette de l’ensemble du village de pêcheur où elle se déroule. Nous avons choisi les maisons au travers desquelles la créature allait passer, afin que l’équipe des effets de plateau puissent préparer des structures qui s’effondrent sur commande. Et une fois que vous vous retrouvez sur le plateau pendant le tournage, vous préparez un timing très précis de ces destructions, des explosions et des jets de flammes afin que vous puissiez cadrer l’action de manière optimale pendant que vos acteurs et vos figurants se déplacent comme cela a été prévu et répété. Vous ajoutez aussi des détails qui n’étaient pas prévus au départ. Je me souviens par exemple avoir profité de l’écroulement d’une maison pour ajouter un plan où l’on voyait la chimère au travers des ruines encore fumantes. Nous avons aussi imaginé à la dernière minute un jet de flammes pour accompagner le saut d’un cascadeur, afin de donner l’impression qu’il était projeté au loin par le souffle de la créature. Je crois que la bonne méthode consiste à être si bien préparé que l’on dispose d’encore un peu de liberté supplémentaire pour inventer des choses, une fois que l’on arrive sur le plateau.

Pouvez-vous nous parler de la conception de l’aspect du minotaure, qui est très particulier ? J’ai vu un documentaire consacré à une maladie très rare que l’on appelle « la maladie des hommes-arbres », parce que ceux qui en sont affligés ont des excroissances énormes qui ressemblent à des bouts de bois qui sortent de leur peau. Cela semble difficile à croire, mais c’est pourtant réel. Est-ce que cela a été l’origine de ce design ?

C’est effectivement l’une de nos sources d’inspiration. Je connais le documentaire dont vous parlez et je l’avais vu. Plutôt que de greffer une tête de taureau sur un corps d’homme, Nick et moi avons essayé d’imaginer comment le minotaure pourrait être un homme difforme, ayant l’allure d’un taureau, et ayant donné ainsi naissance à une légende.

Y a t’il eu un plan d’apparence très complexe qui a été relativement aisé à tourner, et un plan supposé simple qui s’est transformé en cauchemar logistique ?

L’un des plans simples qui semblent complexe est celui où l’on voit le labyrinthe partir en morceaux autour de Sam Worthington, avec la caméra qui tourne tout autour de lui. Je l’ai filmé en plaçant Sam sur un support tournant assez vite devant un fond vert, ce qui donne l’impression que c’est la caméra qui tourne à toute allure autour de lui quand les décors en images de synthèse du labyrinthe sont ajoutés derrière lui. En réalité, la caméra prend de la hauteur tout en reculant un peu, mais elle ne bouge pas plus que cela. Et en ce qui concerne un plan devenu un cauchemar de logistique, je pense à cette scène juste après l’attaque de la chimère, où l’on voit une femme recoudre une plaie de Persée avec une aiguille et du fil. C’était très compliqué car la blessure collée sur la peau pouvait sembler très artificielle avec l’éclairage que nous avions choisi. Et nous nous sommes acharnés à trouver le moyen d’éclairer cette toute petite chose pendant 3 longues heures, afin que la scène puisse être tournée…

Quelles sont les scènes coupées de la version cinéma du film que nous découvrirons dans les bonus de l’édition vidéo ?

Il y aura un discours très intéressant que prononce Sam, quelques plans coupés dans les séquences d’action, et quelques plans de scènes dramatiques. Nous parlerons aussi de certaines idées que nous avions développées pour d’autres créatures.

Allez-vous enregistrer un commentaire ?

J’aimerais bien ! J’espère avoir ainsi l’opportunité de rendre hommage au travail de toutes les équipes qui ont travaillé sur le film.

Remerciements à Sabri Ammar et aux équipes de Warner USA.

[Retrouvez tous nos articles consacrés au Choc des Titans et à La Colère de Titans]


[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.